CARACAS: La très forte abstention aux législatives au Venezuela a permis au président Nicolas Maduro de prendre le contrôle du parlement unicaméral, consolidant encore son pouvoir et privant le leader de l'opposition Juan Guaido de son piédestal pour mener la contestation.
Président du parlement jusqu'au 5 janvier, date prévue de l'installation de la nouvelle Assemblée nationale, Juan Guaido avait appelé au boycott des législatives dimanche, pour jouer son va-tout sur une consultation populaire appelant à proroger son mandat et organiser des élections « justes et libres ».
Avec un taux de participation de 30,5%, ces législatives ont été les plus boudées de l'ère démocratique vénézuélienne, initiée en 1958.
L'absence dans les urnes des deux-tiers du corps électoral contraste avec les 71% de participation enregistrés lors des législatives de 2015 où l'opposition avait mis un terme à 15 années d'hégémonie chaviste.
Cependant, le président de l'institut de sondage Datanalisis, Luis Vicente Leon, considère que ce fort taux d'abstention est davantage le fait d'une « méfiance à l'égard des politiques » que de l'appel au boycott lancé par l’opposition.
Pour l'analyste politique Rafael Alvarez, il s'agit d'une simple « réédition » des élections présidentielles de mai 2018, où Nicolas Maduro a été élu pour un second mandat malgré 52% d'abstention
Le taux de participation pour jauger des forces en présence est également l'enjeu de la consultation populaire lancée lundi par Juan Guaido. Horacio Medina, membre du comité d'organisation de la consultation, espère franchir « un plancher de 7 millions » de participants.
Mais quel que soit le chiffre il sera remis en question.
Maduro contrôle tout
L'alliance des partis qui soutiennent Maduro a recueilli 68,43% des 6,2 millions de voix, selon des résultats publiés après le dépouillement de 98,6% des suffrages, a indiqué lundi le Conseil national électoral (CNE).
Maduro, lors d'une cérémonie en présence d'observateurs électoraux russes au palais présidentiel, a affirmé que le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) au pouvoir et ses alliés avaient atteint « près de 250 » des 277 sièges de l'Assemblée.
Le CNE n'a pas encore donné un bilan définitif sur la répartition des sièges.
Maduro « voulait s'enlever un caillou dans la chaussure » en prenant le contrôle du parlement, a souligné Rafael Alvarez.
« Nous avons entamé une nouvelle phase de reconstruction du Parlement et de redressement de notre pays », s'est félicité de son côté Maduro.
Avec la majorité au Parlement, Maduro a désormais acquis à sa cause tous les leviers institutionnels du pays, de la Cour suprême à l'armée, son principal soutien.
Le parlement unicaméral présidé par Juan Guaido était jusqu'ici le seul contre-pouvoir contrôlé par l'opposition, mais ce pouvoir n'est que symbolique. Toutes ses décisions sont annulées par la Cour suprême, et c'est l'Assemblée constituante, dotée de pouvoirs absolus et uniquement formée de militants chavistes élus en 2017, qui dans la pratique assume les tâches législatives.
Le gain du parlement permettra à Maduro de se conformer aux « formalités » institutionnelles et commerciales avec les pays « amis » -Chine, Russie, Turquie, Iran et Cuba- qui ont besoin d'une « approbation législative » pour de futurs accords commerciaux, explique Alvarez.
Guaido joue son va-tout
« Ce qu'il lui reste c'est la rue, il ne doit pas la perdre », a estimé Alarcon, bien que la popularité de Juan Guaido se soit érodée au fil du temps car il n'a pas rempli pas sa promesse de renverser Nicolas Maduro.
Mobilisation de masse dans les rues, sanctions internationales, rien n'y a fait. Et la population est lassée par une interminable crise économique qui a poussé des millions de vénézuéliens à émigrer pour survivre.
Le boycott des élections n'y changeant rien, « l'opposition est obligée de se repenser et de se réorganiser », a convenu Alarcon.
Juan Guaido joue son va-tout sur une « consultation populaire » de lundi à jeudi, où il réclame le soutien de la population pour espérer se maintenir à la tête du parlement.
« La réponse à la fraude (...) est d'agir dans la rue », a-t-il lancé lundi, clamant que « hier (dimanche) il n'y a pas eu d'élection ».
Avec sa victoire électorale, Nicolas Maduro est en passe de « faire disparaître l'opposition traditionnelle » et de « la remplacer » par des partis minoritaires qui ont participé au scrutin législatif et « ne s'opposeront pas à lui », a estimé Alarcon.
Alvarez estime que Nicolas Maduro va forcer « un grand nombre d'anciens députés à s'exiler » car ils ne seront désormais plus protégés par leur immunité parlementaire.
Guaido a lui assuré qu'il ne quitterait pas le pays. « J'assume le risque de rester au Venezuela », a-t-il déclaré la semaine dernière.