PARIS: C'est une bataille au long cours, avec ses engagements et résultats contestés: à Paris, les arbres ont pris une place centrale dans l'offre politique comme dans le futur plan local d'urbanisme (PLU), qui promet plus d'espaces verts face au changement climatique.
"On n'a jamais autant planté depuis 150 ans, et jamais aussi peu abattu": l'adjoint chargé de la végétalisation Christophe Najdovski contemple les 80 arbres plantés au cours de l'hiver sur une place autrefois "très minérale" du XIIe arrondissement.
Un bel exemple, pour la mairie, des 25 000 arbres plantés sur cette période dans l'ensemble de la capitale.
Même arrondissement, autre tonalité quand Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), présente une douzaine de sorbiers plantés à proximité du périphérique, "à 50 cm du mur, plein sud avec la réverbération directe, sans arrosage..."
"Et bien, ces arbres-là sont tous morts", affirme le militant, dénonçant le fait de "les mettre en terre pour faire du chiffre (...) et les laisser mourir".
Réélue en 2020, Anne Hidalgo a promis 170 000 arbres de plus d'ici la fin de son mandat en 2026. Avec un total de 63 500 à mi-mandat, "plus du tiers de cet objectif aura été atteint", souligne la mairie.
Ce bilan quantitatif ne fait pas l'unanimité. La mairie "appelle arbres des pousses de 50 cm", notamment celles plantées sur les talus du périphérique (30 000 en trois ans), fustige Tangui Le Dantec, cofondateur du collectif Aux arbres citoyens !.
«Forêts urbaines»
"Quand ils font de l'intensif Miyawaki", du nom du botaniste japonais qui a théorisé des bosquets résilients grâce à leur densité, "ce ne sont pas des arbres", assure M. Le Dantec.
"La densité de plantation est beaucoup trop forte, ils n'arriveront jamais tous à l'âge adulte", souligne-t-il.
Et lorsque Christophe Najdovski se félicite que le taux d'abattage "ait diminué de l'ordre de 20% depuis vingt ans" pour arriver à 1,5%, soit 3 000 arbres par an, Philippe Raine, représentant syndical Unsa des bûcherons-élagueurs de la ville, déplore "tous les travaux au pied des arbres" qui ont "des conséquences pour leur pérennité et sont source d'infections".
Pour les opposants d'Anne Hidalgo, les "forêts Miyawaki" sont synonymes des "forêts urbaines" que l'élue socialiste avait promises en 2020 sur des sites prestigieux: Opéra Garnier, gare de Lyon et Hôtel de Ville.
Par infaisabilité technique, les deux premières ont été enterrées, la maire gardant l'espoir de végétaliser le parvis de l'Hôtel de Ville. En attendant, l'exécutif a trouvé trois autres sites, dont la place de la Catalogne (XIVe) où les travaux sont en cours.
Ailleurs, le verdissement de la capitale se voit indiscutablement dans de nombreux quartiers, notamment dans la centaine de "rues aux écoles" où les arbres ont remplacé les voitures.
Les 800 arbres plantés lors de la dernière saison dans les rues proprement dites "seront présents dans 100-150 ans", assure Christophe Najdovski.
Objectif 300 hectares
Pour cela, la mairie, qui possède une immense pépinière à Rungis (Val-de-Marne), cherche à diversifier ses essences face au réchauffement climatique. "Le noisetier de Byzance, l'érable de Montpellier sont plus adaptés, alors que le hêtre, qui a besoin d'eau, va migrer vers le nord", explique Emmanuel Grégoire, l'adjoint à l'urbanisme.
Lundi en conseil municipal, M. Grégoire présentera le futur plan local d'urbanisme (PLU) qui doit dicter l'évolution de Paris jusqu'au milieu du siècle.
La majorité de gauche promet d'y créer 300 hectares d'espaces verts supplémentaires - nouveaux ou actuellement non ouverts au public - afin d'atteindre la norme fixée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 10m2 par habitant.
Pour l'instant, seuls 53 hectares sont garantis. "C'est faisable à une seule condition: y mettre une énergie et un portage politique qu'on n'a jamais vus jusqu'à présent", s'enthousiasme l'élu EELV Emile Meunier.
Mais pour l'Unsa, premier syndicat chez les agents des espaces verts parisiens, les ambitions de la ville sont intenables compte tenu de la diminution des effectifs.
"Tout le monde s'en va, alors qu'on alerte depuis des années sur la nécessité d'une hausse des salaires. Les boîtes privées payent beaucoup mieux", se désole Philippe Raine.