PARIS: Migrants mineurs privés de liberté, hausse de la pauvreté touchant les enfants: la France doit prendre des "mesures urgentes" pour mieux protéger les plus jeunes, a estimé vendredi le Comité des droits de l'enfant de l'ONU.
Dans un rapport d'évaluation, le comité basé à Genève salue certaines avancées obtenues en France depuis son dernier rapport sur le sujet, en 2016, mais fait part également de sa préoccupation sur de nombreux points.
Parmi les aspects positifs, les experts de l'ONU notent que la France a interdit la fessée et lancé une stratégie nationale de protection de l'enfance, qu'elle combat depuis 2021 la prostitution des mineurs, ou encore qu'elle a accepté de rapatrier de Syrie un "nombre significatif" d'enfants français de combattants djihadistes.
Mais de nombreux points négatifs sont également mis en avant dans ce rapport qui appelle les autorités à agir.
Ainsi les experts se disent-ils "gravement préoccupés" par la situation des enfants migrants ou demandeurs d'asile. Ils demandent notamment la fin de la "détention d'enfants pour des raisons d'immigration, y compris dans les zones d'attente" des aéroports.
Récemment, cette réforme a été évoquée par le gouvernement dans son projet de loi immigration (dont une nouvelle mouture doit être présentée cet été), mais seulement pour les moins de 16 ans.
Pourtant, "si on veut respecter le droit international, il ne doit pas y avoir d'enfant enfermé, quel que soit son âge", a souligné auprès de l'AFP Laure Palun, de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).
Les autorités devraient également cesser de recourir à des tests osseux pour évaluer l'âge des étrangers isolés qui se présentent comme mineurs, car cette méthode est peu fiable, souligne le Comité de l'ONU.
«Accès limité» aux structures de protection
Lorsque ces personnes ne sont pas reconnues comme mineures mais qu'elles contestent cette décision, elles devraient se voir accorder le "bénéfice du doute" le temps que leur recours soit examiné, estiment les experts.
Les rapporteurs déplorent, par ailleurs, que de nombreux mineurs non accompagnés n'aient qu'un "accès limité" aux structures de protection de l'enfance, à "la santé et à l'éducation, ainsi qu'à l'hébergement".
La France devrait également "reconsidérer" la réglementation particulière qui s'applique à Mayotte en matière de droit du sol et qui limite l'accession automatique à la nationalité française des enfants nés sur l'île de parents étrangers.
Au-delà du cas des jeunes migrants, le comité onusien s'inquiète des délais d'exécution "excessivement longs" des décisions judiciaires en matière de protection des enfants vulnérables, des cas de "violences et mauvais traitements contre des enfants placés en institutions", ou encore des trop fréquents changements de famille d'accueil subis par les enfants placés.
Autre préoccupation, le "nombre croissant d'enfants" touchés par la pauvreté, notamment dans les familles monoparentales. L'ONU dénonce la persistance de "bidonvilles" et des situations de mal-logement où les enfants restent longtemps dans des hébergements "d'urgence".
Nouveau plan de lutte
Le gouvernement a "bien conscience des urgences et du chemin qui reste à parcourir", a réagi l'entourage de la secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance Charlotte Caubel, qui avait mené en mai la délégation française venue en visite à Genève.
"La France prend acte des points de vigilance que le comité a portés à son attention et relève qu'ils rejoignent largement ses priorités", a-t-elle également relevé dans un communiqué co-signé avec la cheffe de la diplomatie Catherine Colonna.
L'exécutif doit notamment annoncer prochainement un nouveau plan de lutte contre les violences faites aux enfants, ainsi qu'une campagne de communication sur les violences sexuelles, ont fait valoir les deux ministres.
Les observations du Comité de l'ONU "témoignent de ce que l'écart est encore trop grand entre les droits proclamés et leur application concrète au plus près des enfants", a observé pour sa part le Défenseur des droits. Améliorer les choses dans ce domaine relève de la responsabilité de l'Etat, mais aussi à la "société civile" tout entière, a-t-il observé dans un communiqué.