Valéry Giscard d’Estaing et la période charnière au Moyen-Orient

Juillet 1975, réception à l'Elysée en l'honneur du président des Emirats arabes unis, cheikh Zayed ben Sultan Al Nahyan. (AFP).
Juillet 1975, réception à l'Elysée en l'honneur du président des Emirats arabes unis, cheikh Zayed ben Sultan Al Nahyan. (AFP).
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Publié le Lundi 07 décembre 2020

Valéry Giscard d’Estaing et la période charnière au Moyen-Orient

  • Dès le début de son mandat, Valéry Giscard d’Estaing prend acte de la mondialisation naissante et fait le choix d’une diplomatie multipolaire et apaisée
  • L'intérêt français pour les pays arabes du Golfe et l'Irak n’a cessé de croître

PARIS: L’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing (de 1974 à 1981), qui vient de disparaître, a bien marqué son époque en France et dans le monde. Il a été le témoin de grands tournants au Moyen-Orient, tout en œuvrant pour que la France développe ces liens tissés par l’histoire, le voisinage et les intérêts mutuels.

Durant sa présence à l’Élysée, Valéry Giscard d’Estaing n’a cessé de renforcer «la politique arabe de la France» initiée par le fondateur de la Ve République, le général Charles de Gaulle, qui a voulu à tout prix dépasser les plaies de la guerre d’Algérie et l’implication française dans la campagne de Suez. Ainsi, sur un terrain préparé par son prédécesseur Georges Pompidou, l’ancien président centriste Giscard d’Estaing s’est révélé un ami du monde arabe. Ses relations sont restées froides avec Israël, au point qu’il ne visita ce pays qu’en 1984, trois ans après la fin de son mandat, alors qu’il s’est rendu dans plusieurs pays arabes entre 1975 et 1980 et qu’il a encouragé le dialogue euro-arabe.

Dès le début de son mandat, Valéry Giscard d’Estaing, président dynamique et moderne, prend acte de la mondialisation naissante et fait le choix d’une diplomatie multipolaire et apaisée. En 1975, il déclare: «La politique extérieure de la France sera une politique mondialiste et conciliante.» C’est en Afrique que Giscard voulait mettre en œuvre son style d’ouverture et cela s’est étendu au monde arabe. En 1975, il est le premier président français à se rendre en Algérie indépendante. Dès l’année suivante cependant, Paris et Alger s’opposent sur la question du Sahara occidental.

Ce conflit, qui implique deux pays importants du Maghreb, pèse sur les choix français, tout comme d’autres conflits et événements qui ont émaillé le mandat de Giscard d’Estaing: choc pétrolier, guerres gigognes au Liban, révolution iranienne, reconnaissance européenne du fait palestinien, et guerre Irak-Iran. Valéry Giscard d’Estaing était donc le témoin d’une période charnière au Moyen-Orient symbolisée par le changement iranien qui voit s’introduire de nouveau la religion dans le champ politique, et qui provoque la montée de l’islamisme politique et ses effets mondiaux.

La méthode Giscard bouscule les habitudes avec le lancement d’un directoire mondial des grands pays industrialisés (G7) et la consolidation de la construction européenne à travers l’axe majeur du couple franco-allemand. De même, l'intérêt de Paris pour le Moyen-Orient (et la Méditerranée), comme axe stratégique de sa politique étrangère, se confirme et les transformations radicales commencées dans les années 1970 résonnent encore au début de la troisième décennie de ce XXIe siècle, que ce soit en termes d’importance de liens avec de pays arabes centraux comme l’Arabie saoudite et l’Égypte, ou dans la gestion du dossier iranien, du conflit arabo-israélien et des situations conflictuelles au Liban, en Irak et en Libye.

En lien avec l’importance du facteur économique dans la perception de liens franco-arabes, Paris, sous la présidence Giscard d’Estaing, conduit la Communauté européenne (le prédécesseur de l’Union européenne actuelle) à reconnaître le fait palestinien et le caractère représentatif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) lors du sommet de Venise en juin 1980, et c'était un prélude à une reconnaissance mondiale y compris américaine. Il faut noter que l'évolution relativement positive de la position française et européenne vis-à-vis de la question palestinienne ne se serait pas produite sans les effets de la guerre de 1973, de l'initiative de «l’embargo pétrolier arabe» à l’encontre de l’Occident et de l'inauguration du dialogue arabo-européen.

Depuis cette époque, l'intérêt français pour les pays arabes du Golfe et l'Irak n’a cessé de croître. Sur les pas du tandem roi Faisal-de Gaulle qui a dynamisé les liens bilatéraux politiques, économiques et militaires, l’ancien président français s'est rendu à Riyad en janvier 1977, et feu le roi Khaled est venu à Paris en 1978 puis en 1981. Il a aussi maintenu des liens constants avec feu cheikh Zayed al-Nahyane, fondateur et président des Émirats arabes unis. Giscard d’Estaing entretenait aussi d'excellentes relations avec l’ancien président égyptien Anouar el-Sadate. À la même époque, la France s’est intéressée à l'Irak, considéré comme un partenaire de premier plan pour consolider l’influence française au Moyen-Orient. Depuis l'ère Giscard, une coopération politique, économique, militaire et scientifique, s’est installée entre Paris et Bagdad.

Mais non loin de l'Irak et du Levant, les grands bouleversements mondiaux ont commencé avec l'invasion soviétique de l'Afghanistan, puis la révolution islamique iranienne en 1979, que l'ayatollah Khomeiny a dirigée depuis son exil en France, où il a été accueilli sous la présidence de Giscard d’Estaing. En effet, les puissances occidentales ont couvert le renversement du shah. C'est là que réside le rôle ambigu de la France durant cette période, justifié par les nécessités de l'alliance occidentale et du respect de la liberté du peuple iranien. Mais, pour qui connaît bien l'ampleur de l'influence historique des Britanniques et des Américains dans ce pays, on suppose que certains milieux français avaient des ambitions en pariant sur la construction d'une relation avec un pays stratégique et une économie prometteuse.

Les guerres gigognes du Liban (1975-1990) ont aussi éclaté à l'époque Giscard d’Estaing. Paris a tenté d'intervenir en 1975, compte tenu des liens historiques et affectifs avec le pays du Cèdre. Mais sous la pression américaine, il a admis l'intervention syrienne sous le prétexte de la «protection des chrétiens». Les liens de Paris avec l’Organisation de libération de la Palestine et l’Irak ont provoqué la colère du régime syrien et accru les tensions franco-syriennes autour, entre autres, du dossier libanais. C’est en 1978, sous Valéry Giscard d’Estaing, que des troupes françaises de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) sont déployées au Sud-Liban en riposte aux opérations palestiniennes.

Le bilan de la politique étrangère française sous Valéry Giscard d’Estaing dans cette région troublée et hautement stratégique s’avère nuancé. Mais il jette les bases d’un activisme français durable.


La France plaide pour l'application du cessez-le-feu au Liban face à la recrudescence des attaques israéliennes

Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
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  • Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à œuvrer à la stabilisation de la région sud
  • La visite de Mme Legendre intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, faisant craindre un conflit plus large

BEYROUTH : La France a réaffirmé jeudi son engagement en faveur de la stabilité du Liban et a promis un soutien accru à ses forces armées et à ses efforts de reconstruction, alors que les attaques israéliennes dans le sud du pays continuent de s'intensifier.

Lors d'une visite officielle à Beyrouth, Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à "travailler à la stabilisation de la zone sud".

Cette visite intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, ce qui fait craindre une extension du conflit.

Lors d'une réunion avec de hauts responsables libanais, Mme Legendre a réaffirmé l'intention de la France d'organiser deux conférences internationales pour soutenir les efforts d'aide et de reconstruction du Liban et renforcer l'armée libanaise.

Elle s'est également engagée à activer le comité de surveillance de la cessation des hostilités (mécanisme), en réponse à la demande du Liban de mettre en œuvre le cadre du cessez-le-feu.

La visite de l'envoyée française s'inscrit dans le cadre des efforts diplomatiques urgents visant à alléger la pression sécuritaire croissante exercée par Israël sur le Liban et à relancer la dynamique de l'accord de cessez-le-feu du 20 novembre, qui est au point mort et qui vise à mettre en œuvre la résolution 1701 des Nations unies, initialement rédigée pour mettre fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.

Les violations continues par Israël de l'accord de cessation des hostilités comprennent des frappes sur ce qu'il prétend être des cibles du Hezbollah dans le sud, ce qui alimente les craintes au Liban qu'Israël ne prépare le terrain pour une nouvelle guerre sous le prétexte d'arrêter le réarmement présumé du groupe.

Le président libanais Joseph Aoun a déclaré à M. Legendre que la poursuite des hostilités par Israël et son occupation de cinq positions stratégiques empêchaient l'armée libanaise de se déployer pleinement au sud du fleuve Litani, comme le prévoyait l'accord de cessez-le-feu.

Les hostilités quotidiennes d'Israël, a-t-il ajouté, entravent également les efforts de reconstruction du Liban après la guerre.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a affirmé que l'armée libanaise poursuivait ses opérations dans les zones où elle s'est déployée au sud du Litani, saisissant les armes et les munitions et inspectant les tunnels et les entrepôts.

Il a ajouté : "L'armée remplit ses fonctions avec précision, en dépit de la propagande qu'Israël diffuse pour saper ses capacités et son rôle - un rôle qui continue de bénéficier du soutien de tous les Libanais."

Il a précisé qu'une douzaine de soldats avaient été tués jusqu'à présent dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Aoun a réaffirmé à l'envoyé français que l'option des négociations diplomatiques avec Israël, qu'il avait proposée il y a plusieurs semaines, constituait la voie la plus viable pour rétablir la stabilité dans le sud et dans l'ensemble du Liban.

Il a toutefois confirmé que son pays "n'a pas encore reçu de réponse à sa proposition de négociations".

Dans un communiqué de son bureau de presse, M. Aoun a déclaré : "La poursuite de l'agression ne donnera rien : "La poursuite de l'agression ne donnera aucun résultat. Les expériences passées dans de nombreux pays ont montré que la négociation est la seule alternative durable aux guerres futiles."

Il a souligné que le soutien international, en particulier celui de la France et des États-Unis, peut contribuer à faire avancer les négociations avec Israël. Le comité du mécanisme fait partie des organes capables de parrainer de tels pourparlers, a-t-il déclaré.

M. Aoun a souligné auprès de l'envoyé français que les conférences internationales que la France entend organiser, aux côtés des États-Unis et de l'Arabie saoudite, pourraient aider l'armée libanaise à obtenir l'équipement militaire dont elle a tant besoin pour son déploiement et faciliter le retour des habitants du sud dans leurs maisons et villages détruits.

Il a salué "toute contribution européenne au maintien de la stabilité après le retrait de la FINUL du sud, en coordination avec les unités de l'armée libanaise, dont le nombre passera à 10 000 soldats d'ici la fin de l'année".

Les raids israéliens sur le sud du Liban se sont poursuivis jeudi.

Un drone israélien a frappé une voiture à Toul, près de Nabatieh, tuant son conducteur. Plusieurs raids aériens ont également frappé des installations à Aitaroun et Tayr Felsay.

Le porte-parole de l'armée israélienne, Avichay Adraee, a déclaré que "l'armée israélienne a effectué un raid sur un dépôt d'armes et sur des infrastructures du Hezbollah situées près de résidences civiles, sur la base de directives des services de renseignement".

Entre-temps, la 13e réunion du Comité du mécanisme, présidée par le général américain Joseph Clearfield, s'est tenue mercredi à Ras Naqoura.

Lors de cette réunion, le Liban a présenté un exposé sur les récentes violations israéliennes, notamment l'utilisation renouvelée des avertissements d'évacuation émis avant de viser plusieurs bâtiments, actions décrites comme une violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu.

Le secrétaire général du Hezbollah, Sheikh Naim Qassim, a déclaré que le groupe avait l'intention de conserver ses armes au nord du fleuve Litani, une position qui viole les termes de l'accord de cessez-le-feu.

Après la déclaration de Qassim selon laquelle "il n'y a pas de menace ou de danger pour les colonies du nord", nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur la raison pour laquelle le Hezbollah conserve ses armes au nord du fleuve Litani.

En réponse, le parti phalangiste a déclaré que le fait de rassurer Israël sur le fait que les colonies du nord ne sont pas menacées, tout en exprimant la volonté de débarrasser le sud de ses armes, soulève de sérieuses questions quant à l'objectif de la conservation de ces armes.

Le parti a demandé : Où est la soi-disant "résistance contre Israël" si sa priorité aujourd'hui est de rassurer Israël plutôt que de l'affronter ?


Cisjordanie: deux adolescents palestiniens abattus, l'armée israélienne dit avoir déjoué une attaque

 L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
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  • L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes"
  • L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU

DAYR ISTIYA: L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque".

Le ministère de la Santé palestinien a annoncé sans plus de détail "le martyre de Bilal Bahaa Ali Baaran (15 ans) et Mohammad Mahmoud Abou Ayache (15 ans) tués par des balles de l'occupation [Israël, NDLR], cet après-midi, jeudi, près de Beit Omar, au nord de Hébron", grande ville du sud de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes en passe de perpétrer une attaque".

L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU.

Jeudi également, le ministère des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah, a accusé des colons israéliens d'avoir incendié la mosquée Hajja Hamida à Dayr Istiya, dans le nord de la Cisjordanie.

Un photographe de l'AFP sur place a vu des murs noircis, des corans brûlés et des graffitis sur un mur de la mosquée.

"Cela viole, et de façon flagrante, le caractère sacré des lieux de culte et reflète le racisme profond des colons qui agissent en se plaçant sous la protection du gouvernement de l'occupation", a déclaré dans un communiqué le ministère.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a déclaré que des forces de sécurité avaient été dépêchées sur les lieux après avoir reçu "des informations et des images [...] concernant des suspects ayant incendié une mosquée et tagué des graffitis".

Les soldats n'ont identifié aucun suspect sur place, a ajouté l'armée, condamnant "toute forme de violence".

"Schéma de violences extrémistes" 

Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné l'attaque de la mosquée, jugeant "que de tels actes de violence et de profanation de lieux de culte sont inacceptables", a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, dénonçant "un schéma de croissance de violences extrémistes qui attisent les tensions et doivent cesser immédiatement".

La veille, le lieutenant général Eyal Zamir, chef d'état-major de l'armée israélienne avait affirmé vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie, territoire palestinien où vivent désormais plus de 500.000 Israéliens - dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international - au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons, jeunes, et de plus en plus violents et organisés, se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants israéliens ou étrangers contre la colonisation, des journalistes, et parfois des soldats.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.005 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.