PARIS: "Modèle contre modèle": les députés ont démarré lundi après-midi l'examen du projet de loi prévoyant une forte hausse du budget des armées, camp présidentiel et oppositions se préparant à une bataille de doctrines et de chiffres.
Avec 413 milliards d'euros sur sept ans (2024-2030), l'enveloppe de cette nouvelle Loi de programmation militaire (LPM) est en nette progression par rapport à la précédente (295 milliards pour 2019-2025), mais les oppositions dénoncent des "effets d'annonce".
En ouverture des échanges, qui doivent durer deux semaines, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a soutenu un texte qui permettra des "sauts technologiques (...) stratégiques ou tactiques" et a appelé les parlementaires à débattre "modèle contre modèle".
L'objectif affiché est de moderniser la dissuasion nucléaire, d'améliorer le traitement des troupes, de renouveler du matériel mais aussi d'investir dans le cyber, le spatial et la maîtrise des fonds marins. Une trentaine de milliards doivent servir à couvrir l'inflation.
À gauche, Fabien Roussel (PCF) a défendu sans succès une motion de rejet. S'il a soutenu le besoin d'investissements, il a déploré un budget qui doit être porté en 2030 à 69 milliards par an, contre 45 en 2023, alors que des "efforts" sont demandés aux citoyens, notamment sur les "retraites". Il a également plaidé pour que la France s'engage pour la fin de la dissuasion nucléaire.
Les insoumis ont présenté peu avant la séance un contre-projet, plaidant, comme M. Roussel, pour une "sortie du commandement intégré de l'Otan". Le député Bastien Lachaud a appelé à "offrir une alternative à la logique belligène des blocs". Ils plaident également pour une remise en cause du "partenariat privilégié" avec l'Allemagne.
Anna Pic (PS) a critiqué "une LPM qui n'a rien d'historique", malgré un "effort budgétaire". La patronne des députés écologistes Cyrielle Chatelain a déploré, pour sa part, l'absence d'engagement pour une "Europe de la défense", et défendu "l'augmentation des moyens de la diplomatie".
Elles ont toutes deux plaidé pour davantage de contrôle parlementaire sur les questions de défense.
L'horizon des 2% du PIB
Chez Les Républicains, Jean-Louis Thiériot a salué un "effort majeur", à défaut d'une "loi historique". Il avait voté pour la LPM en commission à "titre personnel" et l'exécutif espère convaincre des députés LR de l'imiter.
M. Thiériot a souligné que son groupe proposerait de modifier "à la marge" la répartition des efforts budgétaires.
Les opposants à cette LPM reprochent au texte de repousser les hausses les plus importantes après 2027, c'est-à-dire après la fin du mandat d'Emmanuel Macron.
"Nos dépenses militaires doivent rester soutenables pour nos finances publiques", a rétorqué le ministre, défendant les investissements engagés pendant le premier quinquennat.
Côté RN, la présidente de groupe Marine Le Pen a dit aborder le débat "dans un esprit constructif". Elle a toutefois tancé une "profession de foi multilatéraliste", jugeant "indispensable de mettre en place des alternatives souveraines" à certains programmes militaires européens ou franco-allemands.
"Sur les coopérations européennes en matière industrielle, l'affirmation de nos intérêts doit être rappelée", avait estimé plus tôt le ministre.
Dans la soirée, le débat devrait se porter sur la part du PIB consacrée à la défense. La France, comme membre de l'Otan, s'engage à la porter à 2%. En commission, Sébastien Lecornu a relativisé l'objectif, mais affirmé qu'il était prévu de l'atteindre au plus tard en 2027.
Le texte initial prévoyait de le faire dès 2025, et des amendements, y compris de députés de la majorité, entendent rétablir cette date butoir.
Les oppositions dénoncent aussi une incertitude sur 13,3 milliards d'euros qui doivent découler de ressources extra-budgétaires, malgré l'insistance du ministre sur le fait qu'ils n'étaient pas menacés.
La LPM va également entraîner un décalage de livraisons de plusieurs équipements majeurs (blindés Scorpion, avions Rafale, frégates de défense et d'intervention...), ce qui inquiète dans l'opposition.
Lundi, dans un courrier consulté par l'AFP, le ministre a également annoncé 10 milliards d'euros supplémentaires pour mieux rémunérer les militaires, mais aussi pour faire progresser leurs grilles indiciaires, à partir de 2023 pour les troupes du rang et les sous-officiers.