Les membres de l’OPEP+, alliance formée des 13 pays de l’OPEP et de 10 cohortes dirigées par la Russie, ont annoncé jeudi qu’ils étaient parvenus à un compromis dans leurs discussions concernant les changements des niveaux de production de pétrole dans les prochains mois.
L’Arabie saoudite et la Russie auraient favorisé la prolongation de la réduction actuelle de 7,7 millions de barils par jour (b/j) jusqu’aux premiers mois de 2021. Plusieurs autres pays se seraient opposés à une telle extension et auraient demandé de réduire les coupes de production à 5,8 millions de b/j, comme convenu en avril.
En fin de compte, les 23 pays se sont mis d’accord pour réduire ces coupes de 500 000 b/j en janvier, puis de décider de la trajectoire future sur une base mensuelle. Les pays qui ont surproduit durant les mois précédents ont jusqu’à la fin du mois de mars pour réaliser des coupes compensatoires, ce qui équivaut à une prolongation de trois mois.
Les négociations auraient été tendues et la réunion ministérielle de l’OPEP + a dû être reportée de mardi à jeudi afin de mieux organiser les choses.
Au début du mois de novembre, un accord pour prolonger de quelques mois le niveau actuel des coupes de production paraissait plus faisable. De plus, l’espoir d’approbations rapides de vaccins contre le coronavirus (COVID-19), la hausse du marché des actions et le redressement des cours du pétrole ont duré quatre semaines, ce qui n’a guère contribué à la cohésion au sein du groupe.
Les Émirats arabes unis auraient remis en question la validité du respect des quotas ou de la compensation en contrepartie des dépassements de ces derniers, alors que certains pays surproduisent et ne compensent pas. L’Iraq et le Nigéria estiment qu’une approche « universelle » des coupes est injuste, compte tenu de leurs problèmes internes.
La réalisation de la cohésion au sein d’un groupe aussi disparate est plus facile lorsque l’épée de Damoclès — sous la forme d’une demande en baisse et d’une chute des prix — est suspendue au-dessus de ses membres. Réaliser cette cohésion est encore plus difficile lorsque la demande semble vraiment bonne à l'est de Suez et que les vaccins pourraient bientôt commencer à offrir un répit à l'ouest de Suez. Le fait que les décisions au sein de l’alliance doivent être prises à l’unanimité complique davantage les choses.
Le problème, cependant, c’est que les vaccins sont encore une vision d’avenir alors que les restrictions et les mesures de confinement à l’ouest de Suez sont une réalité, puisque le virus continue de traverser les pays en influençant la demande ici et maintenant. De plus, la Libye a déversé un million de b/j supplémentaires sur le marché après que Khalifa Haftar a mis fin à son blocus des installations pétrolières. La Libye, comme l’Iran et le Venezuela s’est exemptée des coupes de production de l’OPEP+.
Au final, le fait d’ajouter 500 000 b/j en janvier ne serait peut-être pas une décision aussi idéale que de prolonger les coupes de 7,7 millions de b/j pour plusieurs mois — toutefois, cela profiterait davantage aux marchés que ce n'aurait été le cas si 1,9 million de b/j supplémentaires avaient été mis sur les marchés en janvier, comme prévu précédemment.
Des revues mensuelles font sens en ce qui concerne l’adaptation aux évolutions du marché en temps réel. Lors de l’annonce de jeudi, le ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdel Aziz ben Salman, a insisté sur le fait qu’il était important d'être réactif face au marché, et qu'une évaluation mensuelle était donc la seule voie à suivre compte tenu des incertitudes entourant la propagation du virus.
Les marchés pétroliers ont apprécié cette annonce, ce qui a causé l’augmentation du WTI de 1,75% et du Brent de 1,9%.
Les membres de l’OPEP+ devaient faire des compromis, et c’est ce qu’ils ont fait : tout le monde aurait souffert si l’incapacité de parvenir à un accord avait mené à un chute des prix — ce qui était une possibilité, étant donné les perspectives de demande à court terme à l’ouest de Suez et les barils supplémentaires produits par la Libye.
Les délibérations qui ont précédé la réunion, ainsi que le compromis à l’arraché, nous ont appris trois choses. Premièrement, les Émirats arabes unis s’affirment de plus en plus. L’ADNOC a considérablement augmenté ses capacités au cours des dernières années, et elle souhaite en profiter. (Ceci n’est pas sans rappeler la situation il y a quelques années, lorsque le chef de Rosneft, Igor Sechin, a exercé une pression sur le président russe Vladimir Poutine pour qu'il n’entrave pas la capacité de production nouvellement créée dans l’industrie pétrolière du pays.)
Deuxièmement, plusieurs plus petits producteurs, mais néanmoins substantiels, tels que l’Irak et le Nigéria, sont hostiles à l’approche « taille unique» des coupes de production et estiment que leur situation interne devrait être davantage prise en considération.
Troisièmement, l’Arabie saoudite et la Russie marchent au pas, ce qui est important. Nous nous souvenons tous de ce qui s’est passé lorsqu’elles n’ont pas réussi à s’entendre en mars et qu’elles se sont engagées dans une guerre de production. Un mois plus tard, le prix du WTI est devenu négatif durant près d’une journée.
Depuis avril, l’Arabie saoudite a méticuleusement respecté son quota — et a même réalisé des coupes supplémentaires au-delà de ce volume, le cas échéant. La Russie a parfois dépassé son quota. Le prince Abdel Aziz avait cependant raison lorsqu'il a souligné que malgré une certaine surproduction de la part de certains pays, la conformité globale des membres de l'alliance a été élevée, dépassant 95%.
L’Arabie saoudite a méticuleusement respecté son quota — et a même réalisé des coupes supplémentaires au-delà de ce volume, le cas échéant.
Cornelia Meyer
Enfin, l’Organisation est parvenue à un compromis et ceci est important car c’était une décision unanime. Il est également important que le prince Abdel Aziz et Alexander Novak, l’actuel vice-Premier ministre russe et ancien ministre de l’Énergie du pays, demeurent coprésidents du comité ministériel conjoint de suivi, car cela garantira son efficacité.
Les prochains mois ne seront pas faciles, car l’humeur du marché oscille entre espoirs liés à l’effet des vaccins dans un proche avenir et inquiétudes concernant la destruction de la demande dans le présent alors que le virus continue de faire des ravages, en particulier à l'ouest de Suez.
Nous devons nous attendre à une instabilité, qui sera le résultat de facteurs fondamentaux bien plus que de toute incertitude mensuelle sur les prochaines décisions de l’OPEP +. L’organisation surveillera le marché de près.
Cornelia Meyer est une économiste titulaire d'un doctorat, avec 30 ans d'expérience dans le domaine de la banque d'investissement et de l'industrie. Elle est présidente et PDG de la société de conseil aux entreprises Meyer Resources. Twitter : @MeyerResources
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