Un nouveau rapport révèle l'ampleur de l'oppression de la presse libre en Turquie

Des manifestants brandissent des affiches sur lesquelles on peut lire « Le journalisme, c’est la garantie de la démocratie » devant un tribunal d'Istanbul, avant le procès de journalistes détenus. (AFP)
Des manifestants brandissent des affiches sur lesquelles on peut lire « Le journalisme, c’est la garantie de la démocratie » devant un tribunal d'Istanbul, avant le procès de journalistes détenus. (AFP)
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Publié le Samedi 05 décembre 2020

Un nouveau rapport révèle l'ampleur de l'oppression de la presse libre en Turquie

  • Une des craintes que suscite la nouvelle loi est qu'elle pourrait contraindre les médias à se plier à la censure imposée par le gouvernement
  • Cela consisterait à supprimer des contenus sur demande et communiquer les données des utilisateurs aux autorités et tribunaux hautement politisés du pays

ANKARA : La mission internationale conjointe sur la liberté de la presse en Turquie, qui s'est tenue en octobre, a publié un nouveau rapport exhaustif qui révèle l'ampleur de la répression de la liberté des médias dans le pays et a appelé la communauté internationale à agir de manière concertée pour affronter ce défi.

Le rapport intitulé « Les journalistes turcs pris à la gorge » (Turkey’s Journalists on the Ropes) est financé par l'Union européenne et soutenu par 11 organisations internationales actives dans le domaine de la liberté d'expression et des droits de l'homme.

La mission s'est déroulée dans un contexte où les médias dissidents sont constamment ciblés par les autorités turques, où les journalistes qui critiquent le régime du président Recep Tayyip Erdogan sont de plus en plus agressés et où une nouvelle loi restreignant les médias sociaux a été introduite, ce qui risque de compromettre le dernier bastion de l'information indépendante dans le pays.

Lors de sa précédente visite en Turquie, en septembre 2019, la mission s'était focalisée sur les amendements apportés aux procédures de procès, aux détentions provisoires, au recours abusif aux lois anti-terroristes dans le but de détenir des journalistes dissidents. La mission a également examiné les changements potentiels que pourrait apporter la Stratégie de réforme judiciaire.

Début octobre 2020, 77 journalistes étaient encore derrière les barreaux, ce qui représente l'un des chiffres les plus élevés au monde. Le rapport de cette année a attiré l’attention sur la loi d'amnistie controversée, annoncée en début d'année dans le but de désengorger les prisons turques, et qui a exclu les journalistes.

« La crise de la liberté de la presse en Turquie s'aggrave en raison de l'emprise de l'État sur les médias qui ne cesse de croître, du problème des institutions de régulation non indépendantes et de la nouvelle loi sur les médias sociaux qui vise à restreindre la liberté d'expression », indique le rapport. Il ajoute que le système judiciaire turc non indépendant encourage la répression de la presse par le gouvernement.

Le rapport a également critiqué la nouvelle loi sur les médias sociaux, prévoyant qu'elle aggraverait la censure de l'expression des opinions sur Internet et paralyserait les journalistes critiques dans un environnement qui était auparavant propice au journalisme indépendant, mais qui a été contrecarré par le rachat des médias traditionnels par le gouvernement.

Une des craintes que suscite la nouvelle loi est qu'elle pourrait contraindre les entreprises à se plier à la censure imposée par le gouvernement et à supprimer des contenus sur demande et communiquer les données des utilisateurs aux autorités et tribunaux hautement politisés du pays - ce qui entraînerait de nouvelles arrestations de journalistes qui expriment des opinions dissidentes en ligne.

Arrestations en série

L'année dernière, un total de 61 049 sites web ont été bloqués en Turquie.

Le ciblage politique des radiodiffuseurs critiques représente toujours un problème majeur en Turquie. En effet, les organismes de régulation ont augmenté les amendes et les interdictions de diffusion des chaînes de télévision dissidentes et ont menacé de révoquer leurs licences si celles-ci faisaient l'objet d'une deuxième interdiction, tout en faisant pression pour que les journaux critiques soient interdits de publicité.

« L'autoritarisme croissant, et les autorités turques qui cherchent à établir un contrôle intégral sur le flux d'informations, constitue pour nous la principale préoccupation. Elles agissent par différents moyens pour y parvenir, qu'il s'agisse de mettre des journalistes sous les verrous ou de modifier la législation afin de compliquer la tâche des journalistes et des organes de presse qui souhaitent opérer librement en Turquie », a déclaré à Arab News Gulnoza Said, militante de la liberté de la presse et responsable du programme Europe et Asie centrale au sein du Comité de protection des journalistes.

Entre mars et août seulement, 13 cas d'arrestation ou d'enquête sur des journalistes dissidents couvrant le dossier de Covid-19 ont été signalés. Au moins 22 journalistes ont été arrêtés depuis le début de cette année.

Par ailleurs, les procès de ces journalistes ne se tiennent pas en public, et les avocats ne sont pas autorisés à assister aux audiences. Les autorités avancent que ces mesures sont dues à la pandémie de Covid-19, alors que les observateurs exhortent le gouvernement à respecter le principe des procès équitables.

En novembre, au moins 30 procès concernant la presse se sont tenus dans huit provinces turques, et une quarantaine de journalistes ont été poursuivis en justice. Neuf de ces journalistes ont été accusés d'avoir insulté des représentants de l'État.

« La communauté internationale doit multiplier les efforts bilatéraux et multilatéraux pour que la Turquie rejoigne à nouveau le cercle des pays qui respectent l'État de droit. Il ne faut pas que les questions relatives aux droits de l'homme, y compris la liberté de la presse, soient prises en otage par les développements géopolitiques », indique le rapport.

Selon Mme Said, il faut continuer à recourir aux pressions internationales. Toutefois, celles-ci sont moins importantes aujourd'hui que lors de l'adhésion de la Turquie à l'UE il y a quelques années.

« La Turquie affiche un certain mécontentement à l'égard de l'Occident - à l'égard de l'UE et des États-Unis à la fois. Ce sentiment est associé à la distance que les États-Unis ont prise ces quatre dernières années alors qu’ils jouaient par le passé un rôle (central) dans la défense de la démocratie et des droits de l'homme, y compris la liberté de la presse dans le monde entier. J'espère que la nouvelle administration américaine se montrera plus déterminée à défendre la liberté de la presse et les journalistes indépendants en Turquie et ailleurs », a-t-elle déclaré.

Le rapport de la mission a salué certaines décisions positives rendues par la Cour constitutionnelle turque concernant la protection de la liberté d'expression en ligne et dans les médias traditionnels. « Cependant, les tribunaux de première instance ne tiennent pas compte de ces décisions ; ils ont par exemple refusé de débloquer des sites web dans certains pro », souligne le rapport.

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Le rapport intitulé « Les journalistes turcs pris à la gorge » (Turkey’s Journalists on the Ropes) est financé par l'Union européenne et soutenu par 11 organisations internationales actives dans le domaine de la liberté d'expression et des droits de l'homme


Afghanistan: rare visite du chef suprême taliban à Kaboul

Le mystérieux chef suprême des autorités talibanes, Hibatullah Akhundzada, a effectué une visite rare dans la capitale afghane, a indiqué vendredi un site Internet du gouvernement, quittant son complexe isolé de Kandahar pour rencontrer les hauts responsables du pays. (AP)
Le mystérieux chef suprême des autorités talibanes, Hibatullah Akhundzada, a effectué une visite rare dans la capitale afghane, a indiqué vendredi un site Internet du gouvernement, quittant son complexe isolé de Kandahar pour rencontrer les hauts responsables du pays. (AP)
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  • Le pouvoir en Afghanistan s'exerce entre deux pôles: à Kandahar, le fief du mouvement d'où le chef suprême dirige le pays par décret, et à Kaboul, siège du gouvernement
  • Le site taliban Al Emarah a posté des extraits du discours prononcé jeudi par l'émir au ministère de l'Intérieur en présence de hauts responsables

KABOUL: Le chef suprême des talibans, l'émir Hibatullah Akhundzada, qui vit reclus dans son fief de Kandahar (sud), a fait une rare visite à Kaboul pour s'adresser à tous les gouverneurs des provinces afghanes, a-t-on appris vendredi de source talibane.

Le site taliban Al Emarah a posté des extraits du discours prononcé jeudi par l'émir au ministère de l'Intérieur en présence de hauts responsables, dont les gouverneurs des 34 provinces.

Cette visite entourée du plus grand secret de l'émir, dont une seule photo a jamais été rendue publique, lui a permis d'insister auprès des gouverneurs sur la priorité "à accorder à la religion sur les affaires du monde" et "à promouvoir la foi et la prière parmi la population".

L'émir a déclaré que l'obéissance était "une obligation divine", toujours selon Al Emarah, et appelé à "l'unité et à l'harmonie".

"Le rôle de l'émirat est d'unir le peuple", a insisté Hibatullah Akhundzada, et celui des gouverneurs "de servir le peuple".

Les gouverneurs ont été ainsi encouragés à "accorder la priorité à la loi islamique plutôt qu'à leurs intérêts personnels", et à lutter contre "le favoritisme" ou "le népotisme".

"La motivation de cette visite" de l'émir à Kaboul "semble être de rappeler la discipline, notamment la discipline financière", décrypte une source diplomatique occidentale. "Il est ici question de renforcer la discipline et l'unité".

Cette visite pourrait également être motivée par "une préoccupation au sujet des troubles du Badakhshan et de la manière dont ils sont gérés". Dans cette province du nord-est, plusieurs paysans cultivant du pavot malgré son interdiction ont été tués par des unités antinarcotiques talibanes au début du mois.

Les autorités afghanes ont par ailleurs réprimé des manifestations de nomades sédentarisés kouchis dans la province du Nangarhar (est) et sont confrontées à des attentats meurtriers réguliers du groupe jihadiste Etat islamique, particulièrement à Kaboul.

Le pouvoir en Afghanistan s'exerce entre deux pôles: à Kandahar, le fief du mouvement d'où le chef suprême dirige le pays par décret, et à Kaboul, siège du gouvernement. Si les décrets du leader suprême font autorité, les analystes font toutefois état de voix discordantes s'élevant du clan des responsables afghans plus "pragmatiques".

"A chaque fois qu'il y a des craquements ou des désaccords, Kandahar intervient et rappelle à chacun la nécessité de renforcer l'unité", conclut la source diplomatique.

L'émir n'était venu qu'une fois auparavant à Kaboul depuis le retour des talibans au pouvoir et ne s'exprime très rarement depuis son accession à la fonction suprême en 2016.

Le mystérieux mollah avait prononcé son dernier discours public le 10 avril dans une mosquée de Kandahar lors de la prière de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, mais aucune photo de lui n'avait circulé.

 

 


Sánchez annoncera mercredi la date de la reconnaissance par l'Espagne d'un Etat palestinien

Sanchez a déclaré en mars que l’Espagne et l’Irlande, ainsi que la Slovénie et Malte, avaient convenu de faire les premiers pas vers la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël, considérant qu’une solution à deux États est essentielle à une paix durable. (AFP)
Sanchez a déclaré en mars que l’Espagne et l’Irlande, ainsi que la Slovénie et Malte, avaient convenu de faire les premiers pas vers la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël, considérant qu’une solution à deux États est essentielle à une paix durable. (AFP)
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  • M. Borrell avait déclaré la semaine dernière avoir été informé par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, que la date choisie était le 21 mai
  • Le schéma envisagé jusqu'à maintenant à Madrid était celui d'un décret adopté mardi en conseil des ministres par le gouvernement de gauche

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a indiqué vendredi qu'il annoncerait mercredi prochain la date de la reconnaissance par l'Espagne d'un Etat palestinien, affirmant que celle-ci n'aurait donc pas lieu le 21 mai, mais "les jours suivants".

"Nous sommes en train de nous coordonner avec d'autres pays pour pouvoir faire une déclaration et une reconnaissance communes", a déclaré M. Sánchez, lors d'une interview à la chaîne de télévision La Sexta, pour expliquer pourquoi l'Espagne ne procèderait pas à cette reconnaissance dès mardi, date évoquée notamment par Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.

M. Borrell avait déclaré la semaine dernière avoir été informé par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, que la date choisie était le 21 mai.

M. Sánchez n'a pas précisé les pays avec lesquels son gouvernement était en discussions à ce sujet, mais il avait publié en mars à Bruxelles un communiqué commun avec ses homologues irlandais, slovène et maltais dans lequel ils faisaient part de la volonté de leur quatre pays de reconnaître un Etat palestinien.

Le chef de la diplomatie irlandaise, Micheal Martin, a confirmé mardi que Dublin "(reconnaîtrait) l'Etat de Palestine avant la fin du mois", sans toutefois indiquer de date ni dire si d'autres pays se joindraient à l'Irlande.

Le schéma envisagé jusqu'à maintenant à Madrid était celui d'un décret adopté mardi en conseil des ministres par le gouvernement de gauche.

M. Sánchez doit comparaître le lendemain devant le Congrès des députés pour faire le point sur divers sujets d'actualité, dont la politique de Madrid au Proche-Orient et la reconnaissance d'un Etat palestinien, sujet sur lequel l'Espagne est en pointe.

"Je pense que je serai en mesure le 22 (...) de clarifier devant le Parlement la date à laquelle l'Espagne reconnaîtra l'Etat palestinien", a-t-il dit.

"Sérieux doutes 

M. Sánchez est devenu au sein de l'UE la voix la plus critique vis-à-vis du gouvernement israélien et de son offensive militaire dans la bande de Gaza contre le mouvement palestinien Hamas.

Le conflit actuel a été déclenché le 7 octobre par une attaque surprise du Hamas dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes du côté israélien, dans leur grande majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

L'offensive militaire lancée en riposte par Israël a causé la mort d'au moins 35.303 Palestiniens, en majorité des civils, dans la bande de Gaza, selon le dernier bilan publié vendredi par le ministère de la Santé du Hamas.

Evoquant la situation à Gaza, M. Sánchez a de nouveau sévèrement critiqué vendredi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Interrogé sur le fait de savoir s'il considérait les évènements de Gaza comme un génocide, le chef du gouvernement espagnol a évité de répondre, mais a déclaré, à trois reprises, avoir de "sérieux doutes" sur le respect des droits humains par Israël.

Il a aussi établi un parallèle entre l'invasion de l'Ukraine par la Russie et l'offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza.

"Nous défendons la légalité internationale", a-t-il dit. "En Ukraine, logiquement, on ne peut pas violer l'intégrité territoriale d'un pays, comme le fait la Russie (...). Et en Palestine, ce que l'on ne peut pas faire, c'est ne pas respecter le droit humanitaire international, comme le fait Israël".

La politique de Madrid, a-t-il conclu, "est appréciée par la communauté internationale, aussi bien du point de vue du gouvernement ukrainien que du point de vue de la communauté arabe".

 

 


Armes à Israël: les républicains tentent de forcer la main à Biden

Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
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  • Pour les républicains, Joe Biden n'a pas le droit d'interférer dans la manière dont Israël mène sa campagne militaire, qui a provoqué un désastre humanitaire à Gaza
  • Mais 16 démocrates se sont joints aux républicains pour adopter la proposition de loi, défiant le chef de l'Etat

WASHINGTON: La Chambre américaine des représentants, dominée par les républicains, a voté jeudi une mesure largement symbolique visant à forcer le président démocrate Joe Biden à mettre fin à sa suspension d'une livraison de bombes à Israël.

Cette suspension de la livraison d'une cargaison d'armes, composée de bombes de 2 000 livres (907 kg) et de 500 livres (226 kg), a été décidée au moment où Washington, premier soutien militaire d'Israël, s'oppose à une offensive d'ampleur des troupes israéliennes à Rafah.

La mesure votée jeudi n'a aucune chance de devenir loi. En théorie, elle empêcherait M. Biden de geler toute aide militaire à Israël approuvée par le Congrès.

"Le président et son administration doivent immédiatement faire marche arrière et se tenir aux côtés d'Israël", a déclaré Mike Johnson, chef républicain de la Chambre des représentants, dans un communiqué.