TEKNAF, Bangladesh : Les réfugiés rohingyas des "zones à risque" du Bangladesh vont être évacués samedi, en prévision de l'arrivée vers le pays et la Birmanie voisine du plus puissant cyclone depuis près de 20 ans, ont indiqué des responsables.
Le cyclone Mocha était accompagné de vents soufflant jusqu'à 175 km/h et les responsables météorologiques à Dacca l'ont classé comme "très violent", tandis que leurs homologues indiens l'ont qualifié d'"extrêmement violent".
Il devrait toucher terre dimanche matin entre Cox's Bazar, où près d'un million de réfugiés rohingyas vivent dans des camps constitués en grande partie d'abris précaires, et Sittwe, sur la côte occidentale de l'Etat Rakhine, en Birmanie.
Les autorités bangladaises ont interdit aux Rohingyas de construire des maisons permanentes en béton, craignant que cela ne les incite à s'installer définitivement plutôt qu'à retourner en Birmanie, qu'ils ont fuie en 2017.
"Nous vivons dans des maisons faites de bâches et de bambous", a déploré Enam Ahmed, un réfugié qui vit à Nayapara, près de la ville frontalière de Teknaf.
"Nous avons peur. Nous ne savons pas où nous serons abrités. Nous sommes paniqués", a-t-il ajouté.
Les autorités ont fait savoir que des milliers de volontaires évacuaient les Rohingyas des "zones à risque" vers des structures plus solides telles que des écoles.
Mais "tous les Rohingyas des camps sont en danger", a alerté auprès de l'AFP le commissaire adjoint aux réfugiés du Bangladesh, Shamsud Douza.
"Le cyclone Mocha est la tempête la plus puissante depuis le cyclone Sidr", a indiqué à l'AFP Azizur Rahman, directeur du département météorologique du Bangladesh.
Cinq choses à savoir sur les dangers des cyclones
Cinq choses à savoir sur les cyclones et leurs conséquences, au moment où Mocha, classé comme "extrêmement sévère" et premier de la saison dans le golfe du Bengale, est attendu dimanche sur les côtes de la Birmanie et du Bangladesh.
De la tempête au cyclone
Les cyclones, la plus violente manifestation des dépressions tropicales, également appelés typhons dans l'océan Indien et le Pacifique ou ouragans dans les Caraïbes, sont des phénomènes tourbillonnaires à pression centrale basse.
Ils s'étendent sur un rayon de plusieurs centaines de kilomètres autour de "l'œil", relativement calme, de 10 à 100 km de largeur. Selon l'échelle de Saffir-Simpson utilisée dans l'Atlantique Nord, un cyclone se caractérise par des vents supérieurs à 118 km/h. En-deçà, il s'agit d'une tempête tropicale.
Ondes de tempête
Outre les dégâts causés par la violence des vents, les cyclones peuvent provoquer des inondations catastrophiques et potentiellement très meurtrières lorsqu'ils touchent terre.
Le cyclone génère une longue houle qui le précède, parfois jusqu'à 1 000 km en avant, ce qui produit une surélévation du niveau de la mer. Il peut faire déferler des murs d'eau de mer hauts de plusieurs mètres sur les zones côtières, appelés "ondes de tempête".
Ces dernières sont susceptibles de pénétrer sur plusieurs dizaines kilomètres à l'intérieur des terres, d'emporter les habitations et de rendre les infrastructures inutilisables.
Elles sont le produit de plusieurs facteurs, dont l'intensité du cyclone, sa vitesse de progression, sa taille et son angle d'approche de la côte. La topographie joue également un rôle, particulièrement dans les baies et les estuaires.
Selon le service météorologique indien, l'onde de tempête du cyclone Mocha devrait atteindre jusqu'à trois mètres de hauteur dans les zones basses de l'ouest de la Birmanie et du Bangladesh voisin.
Les zones à faible altitude
Les régions menacées par Mocha, dans la baie du Bengale, particulièrement vulnérables en raison de leur faible altitude, sont régulièrement ravagées par des tempêtes d'avril à décembre.
Selon les experts, le Bangladesh est vulnérable aux cyclones en raison de sa situation à l'extrémité triangulaire du golfe du Bengale, de la géographie de sa zone côtière et de sa forte densité de population.
Les cyclones y ont fait des centaines de milliers de morts au cours des dernières décennies.
Les bilans humains se sont pourtant réduits ces dernières années, grâce à la construction de milliers d'abris pour la population et à la mise en place de politiques d'évacuation rapide.
Le golfe du Bengale
Selon l'Organisation météorologique mondiale, la saison des cyclones tropicaux dans le golfe du Bengale connaît deux pics, l'un en mai et l'autre en novembre.
Les cyclones peuvent se former dans l'ouest de l'océan Pacifique et se déplacer en direction du nord-ouest avant d'arriver dans le golfe du Bengale.
Le golfe du Bengale présente des conditions favorables au développement des cyclones, notamment des températures élevées à la surface de la mer.
En novembre 1970, un cyclone accompagné de raz-de-marée avait fait plus de 500 000 morts dans ce qui était alors le Pakistan oriental, aujourd'hui le Bangladesh.
En 1999, 10 000 personnes avaient péri en raison d'un cyclone dans la province indienne d'Odisha.
En novembre 2007, le cyclone Sidr avait provoqué la mort de quelque 4 000 personnes dans le sud du Bangladesh et, en mai 2008, plus de 138 000 personnes avaient perdu la vie lorsque le cyclone Nargis avait ravagé une grande partie des côtes birmanes.
Changement climatique
L'intensité croissante des cyclones relevée ces dernières années dans plusieurs régions du monde est partiellement attribuée au changement climatique.
Les modèles informatiques simulant le climat font état d'un renforcement de l'intensité des cyclones (vents et pluies) et d'une possible baisse de leur fréquence au niveau mondial à l'avenir.
En novembre 2007, Sidr avait ravagé le sud-ouest du Bangladesh, faisant plus de 3 000 morts et plusieurs milliards de dollars de dégâts.
Les prévisionnistes s'attendent à ce que le cyclone apporte un déluge de pluie qui pourrait provoquer des glissements de terrain. La plupart des camps sont construits à flanc de colline et les éboulements sont fréquents dans la région.
L'ouragan devrait également déclencher une onde de tempête pouvant atteindre quatre mètres de haut, ce qui pourrait inonder les villages côtiers et fluviaux de faible altitude.
La panique s'est également emparée des quelque 8 000 habitants de l'île coralienne de Saint-Martin (sud) - l'un des principaux lieux de villégiature du pays - qui se trouve en plein dans la trajectoire de la tempête. Un millier d'habitants ont fui l'île, selon les autorités.