PEKIN : Le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang entame lundi une visite en Europe qui doit le conduire successivement en Allemagne, en France et en Norvège, au moment où son pays entend jouer un rôle de médiateur dans la guerre en Ukraine.
La Chine, qui se présente comme un interlocuteur neutre dans le conflit en Ukraine malgré sa proximité avec la Russie, a publié en février un document en 12 points présentant sa position sur le conflit.
L'initiative, parfois perçue comme un plan de paix, exhorte notamment Moscou et Kiev à tenir des pourparlers.
Un appel attendu de longue date fin avril entre le président chinois Xi Jinping et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le premier depuis le début de l'offensive russe en Ukraine le 24 février 2022, a nourri l'espoir d'une avancée sur ce point.
Dans ce contexte, Qin Gang a eu lundi à Pékin des entretiens avec l'ambassadeur américain Nicholas Burns dans le but, qualifié de "priorité numéro un" par le ministre, de stabiliser les relations entre les deux pays.
Cette rencontre intervient après l'annulation du voyage que devait effectuer le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken en février, reporté en raison de l'incident du ballon chinois présumé espion ayant traversé le territoire des Etats-Unis.
Ils ont abordé les sujets "où (les deux pays) peuvent coopérer comme la lutte contre le changement climatique" ou contre le trafic illégal de fentanyl, un opiacé de synthèse, a indiqué un porte-parole du département d'Etat, Vedant Patel, soulignant que "l'approche de Washington était de maintenir des lignes de communication ouvertes" avec Pékin.
Qin Gang rencontrera cette semaine son homologue allemande Annalena Baerbock, la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna ainsi que la ministre norvégienne des Affaires étrangères Anniken Huitfeldt, a indiqué lundi devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
Le déplacement prendra fin vendredi. Aucun détail n'a été donné sur les sujets qui seront évoqués.
Qin Gang s'entretiendra mercredi avec Catherine Colonna, a précisé le Quai d'Orsay.
La ministre était début avril du déplacement en Chine lors d'une visite officielle d'Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat avait alors appelé son homologue chinois Xi Jinping à "ramener la Russie à la raison" vis-à-vis de l'Ukraine.
«Arrêter la guerre»
Xi Jinping, qui s'est rendu à Moscou en mars, entretient des liens étroits avec le président russe Vladimir Poutine.
Mardi, Qin Gang échangera avec la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, qui lors d'un déplacement en Chine le mois dernier avait exhorté Pékin à demander "à l'agresseur russe d'arrêter la guerre" en Ukraine.
La Chine, qui n'a pas condamné publiquement la guerre en Ukraine, a fortement accru ces derniers mois sa coopération politique et économique avec son voisin russe.
Qin Gang sera en Norvège en fin de semaine pour la dernière étape de sa visite en Europe.
"La coopération entre la Chine et la Norvège, les questions mondiales telles que le climat et l'environnement, les droits de l'homme et les questions d'actualité internationale comme la guerre en Ukraine seront des thèmes importants pour la visite", a souligné dans un communiqué le ministère norvégien des Affaires étrangères.
Les relations entre les deux pays s'étaient sérieusement détériorées après l'attribution en 2010 du prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo.
Controverse
Le déplacement en Europe du ministre chinois des Affaires étrangères intervient après des déclarations controversées en avril de l'ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye.
L'ambassadeur avait questionné l'appartenance à l'Ukraine de la péninsule de Crimée, occupée par Moscou depuis 2014.
"Ca dépend de comment on perçoit ce problème. Il y a l'Histoire. La Crimée était tout au début à la Russie. C'est Khrouchtchev qui a offert la Crimée à l'Ukraine dans l'époque de l'Union soviétique", avait argué le diplomate.
Il avait poursuivi son argumentaire, estimant que les pays de l'ex-URSS "n'ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu'il n'y a pas d'accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain".
Ces propos avaient provoqué une levée de boucliers dans les Etats concernés.
Paris avait alors appelé l'ambassadeur de Chine "à faire un usage de sa parole publique qui soit conforme avec les positions officielles de son pays".
Prenant ses distances avec les propos de son représentant en France, une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning, avait ensuite assuré que la Chine respecte "l'intégrité territoriale de tous les pays".