SAINTES: Faire des lycées professionnels une "cause nationale". Emmanuel Macron a présenté jeudi sa réforme, financée à hauteur d'un milliard d'euros supplémentaires par an, lors d'un déplacement en Charente-Maritime où les opposants à la réforme des retraites ont essayé à nouveau de se faire entendre.
Le chef de l'État, qui veut reprendre la main après plusieurs mois de crise et poursuit ses visites de terrain au rythme d'une à deux sorties par semaine, n'a pas croisé de manifestants en arrivant au lycée technologique et professionnel Bernard Palissy à Saintes.
Ils étaient maintenus à bonne distance, en vertu d'un arrêté préfectoral pris mercredi soir, interdisant les manifestations ou attroupements dans un périmètre de 500 mètres autour de l'établissement par crainte de "troubles à l'ordre public".
A l'intérieur du lycée, Emmanuel Macron a confirmé un investissement d'"un milliard d'euros par an" supplémentaire pour la filière, avec l'objectif d'"aller vers 100% d'insertion professionnelle", en faisant de ces lycées "une voie par choix".
Le chef de l’État a rappelé un chiffre "cruel": au niveau national, seulement 40% des jeunes diplômés des lycées professionnels trouvent un emploi six mois après l'obtention de leur diplôme. Cela concerne "un tiers de nos jeunes et c'est plutôt un tiers de nos jeunes qui ont eu plus de difficultés avant".
Il a vanté les mérites et le succès de l'apprentissage, qui repose sur l'alternance entre enseignement théorique et contrat chez un employeur, justifiant que certaines filières de lycées professionnels, sans débouché sur le marché du travail, soient "fermées".
Il a, en outre, détaillé des mesures de lutte contre le décrochage scolaire mais aussi assuré que "l'engagement des enseignants de lycée pro" serait reconnu par des hausses de salaires "avec un effort encore significatif et redoublé" dans la mesure où ces derniers acceptent de nouvelles tâches.
Concernant les stages, dont la durée sera augmentée de moitié en terminale pour ceux qui souhaitent aller vers l'emploi, M. Macron a promis la création d'indemnités de 50 à 100 euros par semaine de stage à partir de la rentrée 2023.
Prise en charge par l'État, cette indemnité qui n'existait pas du tout auparavant "est à la fois une mesure de justice et de mérite", a dit le chef de l'État. "C’est reconnaître que c'est un travail qui est demandé aux élèves".
En France, un tiers des lycéens, soit environ 621 000 élèves, sont scolarisés en lycée professionnel, un public souvent "fragile, jeune et hétérogène", selon une conseillère présidentielle.
Se disant "surpris par un bon discours", le secrétaire général du Snetaa-FO (majoritaire), Pascal Vivier, a apprécié que le président n'ait "pas stigmatisé le lycée professionnel comme étant la cause du problème" et ait "rappelé que les élèves arrivent dans nos établissements en étant éreintés".
Il s'est dit en revanche, "plus mitigé sur la refonte de la carte des formations". Sa collègue du Snuep-FSU, Sigrid Gérardin, s'est inquiétée qu'avec les "100% d'insertion professionnelle", "les élèves de la voie professionnelle sont destinés à aller vers le marché de l'emploi, plutôt que vers la poursuite d'études".
Emmanuel Macron détaille la réforme du lycée professionnel
Stages rémunérés, carte des filières remaniée, lien renforcé avec l'entreprise : Emmanuel Macron a présenté jeudi la réforme du lycée professionnel, promesse de campagne. Voici les principales mesures à retenir:
Une enveloppe d'un milliard d'euros par an
Pour cette réforme, un milliard d'euros par an supplémentaire est mis sur la table. "On va mettre un milliard d'euros par an en plus sur le lycée professionnel (...). On doit aller vers 100% d'insertion professionnelle", a déclaré le chef de l'État jeudi, lors d'un déplacement dans le lycée technologique et professionnel Bernard-Palissy à Saintes (Charente-Maritime).
Les lycéens rémunérés durant leur stage
Dès la rentrée prochaine, les élèves de lycée professionnel vont toucher un peu d'argent pendant leur période en entreprise. Aujourd'hui il n'y a aucune indemnité. Emmanuel Macron l'a détaillée : elle sera à hauteur de 50 euros par semaine en classe de seconde, 75 euros en première et 100 euros en terminale.
Prise en charge par l'État, cette indemnité "est à la fois une mesure de justice et de mérite", a dit le président. "C'est reconnaître que c'est un travail qui est demandé aux élèves".
Dans un communiqué, Sud éducation a regretté le choix du président "de sous-payer les élèves en stage avec des indemnités allant de 1,4 euro de l'heure pour les élèves de seconde professionnelle à 2,8 euros de l’heure en terminale".
Plus de stages en terminale
Pour l'année de terminale, qui nécessite davantage de "souplesse", selon le président, "la durée des stages sera augmentée de 50%" pour ceux qui souhaitent aller directement dans l'emploi. Elle ne change pas en revanche pour les années de seconde et première.
Les syndicats y voient une solution "facile" pour proposer de la "main-d'œuvre pas chère pour des emplois désertés par les actifs plus qualifiés".
Refonte de l'offre de formations
Le président a évoqué la fermeture de certaines filières de lycées professionnels, sans débouché sur le marché du travail, "parce que l'économie et les besoins bougent". "On doit adapter beaucoup plus, dès la rentrée prochaine, la carte des formations en fonction des besoins", a-t-il ajouté.
"Si on a des formations où les élèves n'ont ni accès à des diplômes, ni accès à un emploi, il ne faut pas les garder", a-t-il dit.
L'idée est de créer de nouvelles filières, dans des secteurs porteurs, comme le numérique, ou l'écologie.
Lien renforcé avec le monde de l'entreprise
Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d'"un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel" pour garantir un meilleur accompagnement des élèves, et la venue dans ces établissements de "professeurs associés" issus du monde de l'entreprise.
"Les formations en lycée professionnel doivent être le reflet de la réalité du monde professionnel d'aujourd'hui. On doit continuer de créer plus de liens entre le monde éducatif et le monde de l'entreprise, en assumant que le lycée professionnel est une troisième voie", a-t-il dit.
Étape surprise?
M. Macron était accompagné des ministres de l'Éducation nationale Pap Ndiaye, du Travail Olivier Dussopt, en première ligne sur les retraites, et de l'Enseignement professionnel Carole Grandjean.
Une table-ronde s'est tenue avant l'arrivée du chef de l'État avec les personnels du lycée, grâce à un groupe électrogène, l'électricité ayant été coupée. Dans d'autres déplacements présidentiels, de telles coupures avaient été revendiquées par la CGT.
Après ses annonces, M. Macron a longuement déambulé parmi les lycéens, ironisant en réponse à une question sur le financement du milliard annuel supplémentaire: "je fais des réformes, parfois impopulaires pour ça", a-t-il répliqué en référence au recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.
Va-t-il ensuite faire une étape surprise pour montrer qu'il peut échanger avec les Français malgré la vive hostilité ? Rien n'est prévu à ce stade, selon l'Élysée.
A Saintes, des manifestants, munis de casseroles, avaient réussi à se rapprocher du lycée Palissy en remontant la voie ferrée et, selon un journaliste de l'AFP, le bruit des casseroles et des slogans "Bassines, retraites, même combat" s'entendait au loin en entrant dans l'établissement. Le trafic SNCF a été interrompu.
"Le mouvement rassemble tous les milieux et tous les âges, partout en France, il serait temps qu'ils se posent les bonnes questions", a déclaré Mathilde Canivet, 33 ans, à l'AFP. "On en a ras-le-bol d'être méprisés", a ajouté cette agente d'Enedis.