DUBAÏ: Les experts sont uniformément partagés sur leurs prévisions économiques pour l’avenir proche, en particulier sur les perspectives d’une récession mondiale cette année: 45% des personnes interrogées déclarent que cette option est probable et la même proportion que c’est peu probable, selon le dernier rapport Chief Economists Outlook publié par le Forum économique mondial.
«La dernière édition du rapport met en évidence l’incertitude des développements économiques actuels», explique Saadia Zahidi, directrice générale du forum.
L’édition de mai 2023 du rapport trimestriel comprend certains signes d’un optimisme naissant, mais la perturbation du secteur bancaire cette année a nui aux perspectives mondiales. Près de 80% des experts économiques estiment que les banques centrales doivent trouver un compromis entre la gestion de l’inflation et le maintien de la stabilité du secteur financier. La même proportion d’entre eux pensent que les banques centrales auront du mal à atteindre leurs objectifs en matière d’inflation.
Bien qu’une majorité de personnes (69%) considèrent la récente perturbation du secteur financier comme un épisode isolé plutôt qu’un problème systémique, elles prévoient de nouvelles faillites bancaires cette année.
Depuis la publication de la précédente édition du rapport, au mois de janvier, les prévisions de croissance se sont raffermies, mais elles varient considérablement d’une région à l’autre. L’Asie devrait connaître la reprise la plus importante grâce au rôle clé de la Chine.
En réalité, la grande majorité des économistes en chef s’attendent à une reprise significative cette année en Chine et plus de 90% s’attendent à une croissance au moins modérée en Asie de l’Est, dans le Pacifique ainsi qu’en Asie du Sud.
Les perspectives pour les autres parties du monde sont moins optimistes. 75% des experts économiques s’attendent à une croissance faible ou très faible en Europe, et plus de la moitié s’attendent à une croissance faible en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique subsaharienne.
Les prévisions pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont mitigées. 36% des personnes interrogées s’attendent à une croissance faible, 32% à une croissance forte et 32% à une croissance modérée.
Les perspectives régionales ont été affectées par la décision de l’Opep+ de réduire la production de pétrole, selon le rapport. Cela est dû, en partie, à la révision des prévisions du Fonds monétaire international (FMI) en ce qui concerne le produit intérieur brut en Arabie saoudite, qui prévoit une forte baisse, de 8,7% de croissance en 2022 à 3,1% en 2023.
Bien que les perspectives de croissance aux États-Unis soient plus optimistes depuis janvier, les experts restent partagés sur le potentiel. La moitié des personnes interrogées s’attendent à une croissance modérée ou forte et l’autre moitié à une croissance faible ou très faible.
La hausse du coût de la vie et des taux d’inflation à travers le monde inquiète les économistes depuis un certain temps. Le rapport confirme que cela reste le cas et 76% d’entre eux affirment que le coût de la vie reste élevé dans de nombreux pays.
La crise du coût de la vie est particulièrement aiguë dans certaines économies en développement, en particulier lorsque la dynamique des prix intérieurs est exacerbée par la dépréciation de la monnaie. Au Moyen-Orient et en Asie centrale, par exemple, les prix des denrées alimentaires ont grimpé de 46% entre janvier 2020 et janvier 2023.
Entre-temps, 52% des économistes s’attendent à ce que l’inflation soit élevée dans la région Mena cette année, tandis que 39% prévoient des taux modérés.
Les économistes prévoient également que l’inflation constitue un problème dans la plupart des pays développés. 90% d’entre eux s’attendent à ce que les taux soient élevés ou très élevés cette année en Europe et 68% font cette prévision pour les États-Unis. La Chine est la seule exception: 14% des économistes seulement prédisent une inflation élevée dans ce pays.
La pandémie de Covid-19 a perturbé les chaînes d’approvisionnement dans le monde entier, ce qui a obligé les entreprises et les gouvernements à repenser leurs stratégies et leurs modèles commerciaux. L’immense majorité des experts économiques estiment que les chaînes d’approvisionnement mondiales continueront d’évoluer.
Les changements qu’ils pensent être les plus probables dans le cadre de cette reconfiguration comprennent l’adaptation aux lignes de faille géopolitiques (94%), la priorité donnée à la résilience plutôt qu’à l’efficacité (91%), la diversification des fournisseurs (84%) et une attention accrue portée à la durabilité environnementale (77%).
La Chine, en particulier, devrait être affectée par cette restructuration des chaînes d’approvisionnement. En effet, 69% des spécialistes de l’économie s’attendent à une incidence sensiblement négative sur les perspectives économiques du pays.
Les changements devraient également avoir des effets sur d’autres régions, qui ne seront toutefois pas aussi importants que les répercussions sur la Chine; surtout, ils seront favorables. Selon 31% des économistes, la région Mena, par exemple, devrait bénéficier d’effets plutôt positifs.
«Les marchés du travail s’avèrent résilients pour le moment, mais la croissance reste lente, les tensions mondiales s’aggravent et le coût de la vie demeure élevé dans de nombreux pays», conclut Saadia Zahidi.
«Ces résultats confirment le besoin urgent d’une coordination des politiques mondiales à court terme et d’une coopération à plus long terme autour d’un nouveau cadre de croissance qui intégrera l’inclusion, la durabilité et la résilience dans la politique économique.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com