Aux quatre coins du monde, la liberté de la presse «attaquée»

Au-delà du harcèlement et des arrestations, selon Reporters sans frontières, 55 journalistes et 4 collaborateurs des médias ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions en 2022 dans le monde (Photo, AFP).
Au-delà du harcèlement et des arrestations, selon Reporters sans frontières, 55 journalistes et 4 collaborateurs des médias ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions en 2022 dans le monde (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 03 mai 2023

Aux quatre coins du monde, la liberté de la presse «attaquée»

  • L'Unesco a attribué mardi soir son prix mondial de la liberté de la presse 2023 à trois journalistes iraniennes emprisonnées
  • «Les journalistes et employés des médias sont directement pris pour cible en ligne et en dehors en faisant leur travail vital»

NATIONS UNIES: Journalistes harcelés, emprisonnés ou tués à travers le monde: organisations internationales et médias se sont alarmés mardi des menaces contre la liberté de la presse à la veille du 30e anniversaire de la Journée qui la célèbre.

Dans ce contexte, l'Unesco a attribué mardi soir son prix mondial de la liberté de la presse 2023 à trois journalistes iraniennes emprisonnées. Elaheh Mohammadi et Niloufar Hamedi, qui ont contribué à rendre publique la mort en détention de Mahsa Amini en septembre, et la militante des droits humains Narges Mohammadi.

"Je viens d'un pays, l'Iran, où être journaliste est un crime", a dénoncé la journaliste et militante du droit des femmes Masih Alinejad, qui vit aux États-Unis, lors d'une conférence organisée par l'Unesco au siège de l'ONU à New York pour ce trentième anniversaire de la Journée internationale de la liberté de la presse. "Je viens d'un pays où être journaliste, citoyen journaliste, peut vous envoyer en prison, vous faire tuer, vous faire torturer".

"La liberté de la presse représente l'élément vital des droits humains. Mais aux quatre coins du monde, la liberté de la presse est attaquée", a lancé de son côté le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres dans un message vidéo.

"Les journalistes et employés des médias sont directement pris pour cible en ligne et en dehors en faisant leur travail vital. Ils sont quotidiennement harcelés, intimidés, arrêtés, mis en prison", a-t-il déploré.

S'il n'a cité aucun nom ni aucun pays, d'autres intervenants ont souligné des situations individuelles, comme celle du journaliste américain du Wall Street Journal Evan Gershkovich, détenu en Russie pour des accusations d'espionnage qu'il rejette.

"Le combat pour la liberté de la presse, le combat pour la libération d'Evan, est un combat pour la liberté de tous", a insisté le directeur de la publication du "WSJ", Almar Latour.

Et malgré les risques, "nous ne pouvons pas arrêter de rapporter ce qui se passe dans le monde", a-t-il plaidé. "Il n'y a probablement pas de meilleure réponse aux autocraties qui tentent d'écraser et d'amoindrir le journalisme que d'offrir un grand journalisme au monde".

Au-delà du harcèlement et des arrestations, selon Reporters sans frontières, 55 journalistes et 4 collaborateurs des médias ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions en 2022 dans le monde.

Une situation "inacceptable", a insisté la directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay, soulignant que nombre de ces journalistes sont tués "à leur domicile, souvent devant leur famille".

«Avalanche» de désinformation

Et si depuis 30 ans, des progrès ont été faits, notamment en matière de lois garantissant l'accès à l'information, a-t-elle estimé, "il nous faut aussi beaucoup de lucidité, rien n'est acquis, bien au contraire".

"L'avancée de l'ère numérique modifie la totalité du paysage de l'information", a-t-elle mis en garde, soulignant que dans ce contexte, "nous avons besoin (des journalistes) plus que jamais".

Parce que "la vérité est menacée par la désinformation et les discours de haine, qui cherchent à brouiller les frontières entre les faits et la fiction, entre la science et les conspirations", a renchéri Antonio Guterres.

Le secrétaire général de l'ONU s'est également inquiété "de l'augmentation de la concentration de l'industrie des médias dans les mains de quelques-uns et la faillite de nombre de médias indépendants".

"La technologie, qui a donné aux journalistes la possibilité d'atteindre les gens n'importe où, a sapé le modèle économique de l'information", a insisté le directeur de la publication du New York Times, A. G. Sulzberger, décrivant en parallèle l'"avalanche sur internet de désinformation, de propagande, de commentaires, de contenus racoleurs qui submergent l'écosystème de l'information, noyant notre journalisme crédible".

"Quand la presse libre s'affaiblit, l'érosion démocratique suit presque toujours. Et sans surprise, cette période de faiblesse de la presse coïncide avec la déstabilisation des démocraties et l'enhardissement des autocraties", a-t-il jugé.

"Malheureusement, la censure est devenue la position par défaut de nombreux gouvernements pour contrôler ce que sait la société et la plier à leur volonté", a de son côté commenté Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.


Voter ou pas, le dilemme d'Iraniens avant la présidentielle

L'élection intervient alors que l'Iran est confronté à des pressions économiques, à des sanctions internationales et à l'application du port obligatoire du voile pour les femmes. (AP)
L'élection intervient alors que l'Iran est confronté à des pressions économiques, à des sanctions internationales et à l'application du port obligatoire du voile pour les femmes. (AP)
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  • La participation est l'un des enjeux du scrutin pour lequel six candidats --cinq conservateurs et un réformateur-- ont été qualifiés par le Conseil des gardiens, l'organisme chargé de superviser le scrutin
  • Outre l'économie et le social, les tensions géopolitiques entre l'Iran et l'Occident, et la question sensible du port obligatoire du voile par les femmes font partie des préoccupations des électeurs

TÉHÉRAN, Iran : «Est-ce que ça va changer quelque chose?»: Dans le grand bazar de Téhéran, les Iraniens sont partagés sur le bien-fondé de voter à la présidentielle du 28 juin alors que beaucoup d'entre eux peinent à boucler les fins de mois.

Taghi Dodangeh fait partie de ceux qui ne se posent pas la question. «Voter est mon devoir religieux et civique. Je le ferai jusqu'au dernier jour de ma vie», affirme ce boulanger de 57 ans, interrogé par l'AFP aux abords de l'immense poumon commercial de la capitale.

Fervent défenseur de la République islamique, il se rendra donc dans son bureau de vote pour élire un nouveau président en remplacement d'Ebrahim Raïssi, décédé le 19 mai dans un accident d'hélicoptère.

A contrario, Fariba est déterminée à rester éloignée des urnes. «Je n'ai jamais voté et je ne le ferai pas», annonce sans détour cette femme de 30 ans, qui possède une boutique en ligne. «Car quelque soit le président, ça ne changera rien à nos vies», ajoute-t-elle, sans donner son nom de famille.

La participation est l'un des enjeux du scrutin pour lequel six candidats --cinq conservateurs et un réformateur-- ont été qualifiés par le Conseil des gardiens, l'organisme chargé de superviser le scrutin.

La précédente présidentielle, en 2021, avait été marquée par un taux d'abstention record depuis la révolution islamique de 1979, à 51%, alors qu'aucun candidat réformateur ou modéré n'avait été autorisé à concourir.

Au début de la campagne, le guide suprême et chef de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, a exhorté les Iraniens à participer «en grand nombre» au scrutin, qui est une «affaire importante» pour le pays.

Mahdi Zeinali n'est pas encore sûr de se déplacer le 28 juin. «Si l'un des candidats m'apparait comme la bonne personne, je vais voter. Sinon, non», explique ce jeune commerçant de 26 ans, qui espère que les besoins de la jeunesse soient pris en compte par les six candidats, tous des hommes quinquagénaires ou sexagénaires.

- Hijab et sanctions -

«Les jeunes sont les plus affectés par les difficultés économiques» même si «le président Raïssi a fait beaucoup d'efforts» pour améliorer la situation, estime Keshvar, une mère de famille de 53 ans qui porte le tchador.

Venue au bazar faire «quelques emplettes», Jowzi pense aller voter mais cette femme au foyer de 61 ans regrette que les six candidats viennent «du même milieu» et fassent «des promesses qui ne se concrétiseront pas».

Pour elle, «qu'importe que le prochain président porte ou non un turban», alors que cinq des huit présidents depuis 1979 ont été des religieux.

Cette année, seul un membre du clergé, Mostafa Pourmohammadi, est en lice sans avoir le rang d'ayatollah.

Il ne figure pas dans la liste des favoris qui comporte Saïd Jalili, l'ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire, Mohammad-Bagher Ghalibaf, le président du Parlement, et le député réformateur Massoud Pezeshkian, selon un sondage de l'institut Ispa publié jeudi.

Outre l'économie et le social, les tensions géopolitiques entre l'Iran et l'Occident, et la question sensible du port obligatoire du voile par les femmes font partie des préoccupations des électeurs.

«A l'approche des élections», les femmes qui ne portent pas le hijab dans les lieux publics sont «moins ciblées» par les forces de l'ordre, mais «une fois le vote terminé, la situation» va de nouveau se tendre, prévoit Fariba.

Pour Jowzi, qui le porte ainsi que ses filles, «le voile est une affaire personnelle» dans laquelle l'Etat «ne devrait pas s'immiscer».

Interrogés sur le sujet, la plupart des candidats ont adopté une attitude prudente, se déclarant opposés à la police des mœurs et au recours à la violence contre les femmes ne portant pas de voile.

Commerçant dans le bazar, Hamid Habibi souhaite surtout que le prochain président se concentre sur la levée des sévères sanctions internationales, essentiellement américaines, qui «frappent très durement les gens». «Nous sommes sous sanctions depuis 45 ans. Pourquoi?», s'interroge-t-il, en appelant à «un rétablissement des liens avec les Etats-Unis et les pays européens».

A ce stade, une telle perspective semble lointaine: Washington et Bruxelles ont récemment renforcé les sanctions et le Canada a ajouté mercredi à sa liste d'entités terroristes les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique de la République islamique.


Ukraine: nouvelle attaque «massive» russe sur des infrastructures énergétiques

Des soldats russes tirent avec un canon antiaérien sur un site non divulgué en Ukraine, le 21 juin 2024. (Service de presse du ministère russe de la défense via AP)
Des soldats russes tirent avec un canon antiaérien sur un site non divulgué en Ukraine, le 21 juin 2024. (Service de presse du ministère russe de la défense via AP)
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  • Selon le ministère, il s'agit de la huitième attaque «massive» contre des centrales électriques ukrainiennes au cours des trois derniers mois
  • La Russie, en multipliant ses attaques, a détruit la moitié de la capacité énergétique de l'Ukraine, selon Volodymyr Zelensky

KIEV, Ukraine : Les forces armées russes ont lancé dans la nuit de vendredi à samedi une nouvelle attaque «massive» sur des infrastructures énergétiques dans l'ouest et le sud de l'Ukraine, a indiqué le ministère ukrainien de l'Energie.

«Des installations d'Ukrenergo (opérateur ukrainien) dans les régions de Zaporijjia (sud) et de Lviv (ouest) ont été endommagées», a ajouté le ministère, précisant que deux employés avaient été blessés et hospitalisés à Zaporijjia.

Selon le ministère, il s'agit de la huitième attaque «massive» contre des centrales électriques ukrainiennes au cours des trois derniers mois, ce qui a contraint à imposer de fréquentes coupures d'électricité, le réseau électrique peinant à résister aux frappes ciblées des Russes.

Les autorités ukrainiennes avaient indiqué jeudi que des infrastructures énergétiques, dont une centrale, avaient été endommagées par une importante attaque russe nocturne qui avait fait sept blessés parmi leurs employés.

La Russie, en multipliant ses attaques, a détruit la moitié de la capacité énergétique de l'Ukraine, selon Volodymyr Zelensky.

Le président ukrainien a appelé jeudi à monter des panneaux solaires et des unités de stockage d'énergie «dans chaque école et dans chaque hôpital, dès que possible».

Le directeur général de l'opérateur DTEK, Maxime Timtchenko, avait averti que l'Ukraine risquait d'être «confrontée à une grave crise cet hiver», si ses partenaires occidentaux ne se mobilisaient pas.

Kiev exhorte ces derniers à l'aider à reconstruire son réseau électrique, un projet qui requiert d'importants investissements, et à lui fournir plus d'équipements de défense antiaérienne pour contrer les bombardements russes.

Dans ce contexte, Washington a «pris la décision difficile mais nécessaire» de désormais donner la priorité à l'Ukraine par rapport à d'autres alliés en matière de fourniture de missiles utilisés pour la défense antiaérienne.

 


Feu de végétation en Turquie: au moins onze morts, hécatombe de bétail

Une vue aérienne montre plusieurs dizaines d'animaux morts sur le sol dans le village de Koksalan à la suite d'un incendie de forêt dans la province de Diyarbakir le 21 juin 2024. Un gigantesque incendie de forêt qui a balayé plusieurs villages dans le sud-est de la Turquie, principalement kurde, a tué 11 personnes cette nuit, selon les autorités. Des centaines d'animaux ont également péri dans le brasier qui a parcouru le paysage sec, projetant des flammes dans le ciel nocturne. (Photo de Mahmut Bozarslan AFP)
Une vue aérienne montre plusieurs dizaines d'animaux morts sur le sol dans le village de Koksalan à la suite d'un incendie de forêt dans la province de Diyarbakir le 21 juin 2024. Un gigantesque incendie de forêt qui a balayé plusieurs villages dans le sud-est de la Turquie, principalement kurde, a tué 11 personnes cette nuit, selon les autorités. Des centaines d'animaux ont également péri dans le brasier qui a parcouru le paysage sec, projetant des flammes dans le ciel nocturne. (Photo de Mahmut Bozarslan AFP)
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  • Dans un bilan actualisé en début d'après-midi, le ministre de la Santé Fahrettin Koca a fait état de «onze morts et 78 personnes affectées»
  • Outre le bilan humain, les images de dizaines de chèvres, de moutons et d'ânes carbonisés, gisant dans les herbes brûlées de cette région principalement agricole et dédiée à l'élevage, ont été amplement partagées sur les réseaux sociaux

CINAR, Turquie : Au moins onze personnes ont été tuées et des dizaines blessées dans un feu de végétation qui s'est propagé sous l'effet des vents à plusieurs villages du sud-est de la Turquie, provoquant également la mort de centaines d'animaux.

Dans un bilan actualisé en début d'après-midi, le ministre de la Santé Fahrettin Koca a fait état de «onze morts et 78 personnes affectées». Parmi elles, cinq ont dû être placées en soins intensifs, a-t-il précisé.

M. Koca avait précédemment annoncé «44 blessés, dont dix grièvement», dans cette zone rurale située entre les villes de Diyarbakir et de Mardin, proche de la frontière syrienne.

Outre le bilan humain, les images de dizaines de chèvres, de moutons et d'ânes carbonisés, gisant dans les herbes brûlées de cette région principalement agricole et dédiée à l'élevage, ont été amplement partagées sur les réseaux sociaux.

Les villageois de Köksalan, l'une des localités les plus affectées, ont rapporté à l'AFP avoir perdu la moitié de leurs quelque mille chèvres et moutons et s'employaient vendredi à collecter les carcasses de leurs bêtes.

Pour les animaux rescapés qui tenaient encore debout à grand peine, la robe brûlée dans les champs noirs calcinés, la peau parfois à vif, des appels aux vétérinaires volontaires ont été lancés.

«Mes frères vétérinaires, veuillez vous rendre dans la zone incendiée» lançait ainsi Seracettin Bedirhanoğlu, responsable provincial du principal parti d'opposition CHP de la région voisine de Van, sous des «images insupportables» d'animaux gravement blessés.

Selon le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya, le feu a éclaté tard jeudi à cause d'un brûlage de chaumes dans une zone située à une trentaine de kilomètres au sud de Diyarbakir, où le thermomètre grimpe au-delà des 40 degrés en journée.

Les flammes se sont rapidement propagées sous l'effet du vent, touchant cinq villages.

Le sinistre a été maitrisé dans la nuit mais «les efforts de refroidissement» se poursuivaient vendredi, selon le ministre, par crainte d'une reprise du sinistre.

Des images diffusées dans la nuit sur les réseaux sociaux montraient un gigantesque incendie attisé par le vent et illuminant le ciel rouge, ainsi que de grands nuages de fumée.

Sept équipes d'urgence et trente-cinq ambulances ont été dépêchées sur les lieux, a précisé M. Koca.

Un nouveau foyer s'est déclaré vendredi matin près du village d'Ergani, dans la même région, mais a pu être circonscrit, selon un correspondant de l'AFP.

- Information judiciaire -

Une information judiciaire a été ouverte, a annoncé le ministre turc de la Justice, Yilmaz Tunç.

Dans la nuit, le parti prokurde d'opposition DEM, troisième force au parlement, avait exhorté les autorités à déployer des moyens aériens, comme elles l'ont fait rapidement ces derniers jours après des départs de feux dans l'ouest du pays.

«Jusqu'à présent, l'intervention terrestre a été insuffisante. Les autorités doivent intervenir plus largement et avec des moyens aériens sans perdre de temps», avait appelé le parti dans un communiqué.

Mardi, le trafic maritime avait dû être partiellement suspendu quelques heures dans le très fréquenté détroit des Dardanelles, dans le nord-ouest de la Turquie, en raison d'un feu de forêt.

Là aussi un feu de chaume allumé par un agriculteur avait été à l'origine du sinistre.

L'été 2021 avait été marqué par de violents incendies dans le sud-ouest de la Turquie, notamment dans la zone montagneuse escarpée de la province de Mugla, plantée de résineux. Un incendie avait même menacé une centrale électrique.

La population avait alors découvert, effarée, l'absence d'avions bombardiers d'eau en état de marche.

Près de 13.000 hectares ont été détruits par des incendies en Turquie en 2024, selon le Système européen d'information sur les feux de forêt (Effis).

Les incendies qui se multiplient à travers le globe sont associés à divers phénomènes anticipés par les scientifiques en raison du réchauffement de la planète.

L'augmentation de la température, la multiplication des canicules et la baisse des précipitations par endroits représentent une combinaison idéale pour le développement des incendies, qui démarrent plus facilement quand la végétation et le sol sont très secs.