BRASILIA : Le président brésilien Lula a mis fin vendredi à cinq ans d'attente des peuples indigènes en légalisant par décret six nouvelles réserves, dont un vaste territoire au coeur de la forêt amazonienne, une lueur "d'espoir" pour les autochtones.
Ces réserves garantissent aux indigènes l'usage exclusif des ressources naturelles, en préservant leur mode de vie traditionnel. Elles sont considérées par les scientifiques comme un rempart contre la déforestation, enjeu majeur du combat contre le réchauffement climatique.
Aucune nouvelle terre indigène n'avait été légalisée sous le mandat de Jair Bolsonaro (2019-2022), prédécesseur d'extrême droite de Lula, qui avait promis avant d'arriver au pouvoir de "ne pas céder un centimètre de plus" aux autochtones. La dernière légalisation de terres indigènes au Brésil remonte à avril 2018.
"C'est un processus qui prend du temps, mais nous allons faire en sorte que soit légalisé le plus grand nombre possible de réserves indigènes. Si nous voulons atteindre la déforestation zéro d'ici 2030, nous avons besoin de réserves indigènes homologuées", a déclaré vendredi Luiz Inacio Lula da Silva.
Sous la présidence de Jair Bolsonaro, la déforestation annuelle moyenne avait augmenté de 75% par rapport à la décennie précédente.
'Raoni invité de marque'
Lula a signé les décrets aux côtés de personnalités indigènes de premier plan, comme le cacique Raoni Metuktire, qui lui a remis une coiffe traditionnelle de plumes bleues et rouges.
La cérémonie a eu lieu au dernier jour du Campement "Terra Livre" (Terre Libre), rassemblement annuel de milliers d'autochtones venus de tout le pays cette semaine à Brasilia.
"En quatre ans, nous allons faire plus (pour les peuples indigènes) que lors des huit années où nous avions déjà gouverné (2003-2010)", a assuré le président de gauche, qui a débuté son troisième mandat en janvier.
Deux des six nouvelles réserves légalisées sont situées en Amazonie, dont celle qui est de loin la plus vaste, baptisée Unieuxi, attribuée à 249 indigènes des peuples Maku et Tukano. Elle couvre plus de 550 000 hectares dans l'Etat d'Amazonas (nord), sur les 620 000 hectares au total des six réserves légalisées.
Deux autres réserves sont situées dans le nord-est du pays, une dans le sud et une dernière dans la région centrale.
"C'est un poids en moins sur nos épaules. C'est la meilleure nouvelle qu'on pouvait entendre, savoir que nos terres ont été légalisées. Cela nous remplit d'espoir", dit à l'AFP-TV Claudia Tomás, 44 ans, originaire du territoire Unieuxi.
"Cela nous rassure pour l'avenir de nos enfants. C'est un jour heureux, même si je suis aussi un peu triste car le décret qui légalise nos terres n'a pas été signé aujourd'hui", raconte pour sa part Tehe Pataxo, 29 ans, qui attend la démarcation officielle de son territoire situé dans l'Etat de Bahia (nord-est).
Les décrets signés vendredi par Lula font des terres ancestrales des indigènes des sanctuaires inviolables, que l'Etat brésilien doit protéger des intrusions des trafiquants de bois ou autres orpailleurs.
Cela n'a toutefois pas empêché des milliers d'orpailleurs clandestins de détruire la forêt et polluer les cours d'eau dans la réserve Yanonami, la plus grande du Brésil, aussi vaste que le Portugal.
'Ecrire une nouvelle histoire'
Selon le dernier recensement de 2010, quelque 800 000 indigènes vivent au Brésil, la plupart dans des réserves qui occupent 13,75% du territoire.
"Ceux qui disent que ces terres qui vous sont réservées sont trop vastes doivent se rappeler qu'avant l'arrivée des colonisateurs portugais, vous occupiez 100% du territoire", a lancé Lula, sous les vivats du public.
De nouvelles homologations devraient avoir lieu prochainement: le mois dernier, la ministre des Affaires indigènes, Sonia Guajajara, a annoncé que 14 terres indigènes (dont les six homologuées vendredi) étaient prêtes à être légalisées, soit près de 900 000 hectares.
"Nous allons écrire une nouvelle histoire, pour le bien de toute l'humanité, de notre planète", a déclaré la ministre vendredi, juste avant la signature des décrets.
"Nous, les peuples autochtones, nous représentons seulement 5% de la population mondiale, mais nous préservons plus de 80% de la biodiversité mondiale", a conclu cette ancienne activiste de 49 ans, dont le ministère a été créé par Lula pour donner plus de place aux questions indigènes dans son gouvernement.