MARSEILLE, France : Georges est enfin rentré chez lui vendredi, 18 jours après l'explosion mortelle d'un immeuble voisin, au coeur de Marseille. Et sa vie semble être resté sur pause: «Tout est impeccable, il y a même la table de Pâques qui est toujours dressée».
Drôle d'impression de revenir dans ce décor figé où tout avait été abandonné en l'état, quelques heures après l'explosion du 17 rue de Tivoli, un drame vraisemblablement dû au gaz, dans la nuit du 8 au 9 avril.
«Le choc, le bruit, les morts»: Georges, qui habite ce quartier «extraordinaire» depuis 50 ans, y repense.
En partant remplir le frigo, il croise une voisine qui rentre chez elle avec son mari, un peu plus bas dans la rue Jaubert: «Oh, Monsieur Georges, ça me fait un de ces effets de revenir», glisse cette dame âgée, un sanglot dans la voix. «Nous étions à Aix chez ma soeur, mais ça a été dur, je pensais à mes amis qui sont partis».
Parmi les huit victimes, un couple de trentenaires, mais surtout des figures historiques et âgées de ce quartier familial et animé.
Des banderoles «Marseille solidaire» endeuillées d'un bandeau noir ont été disposées aux entrées des rues proches. Rue de Tivoli, des agents continuent de déblayer les gravats au numéro 17, l'immeuble soufflé, et à celui du 15, qui s'est effondré dans la foulée. Un miroir toujours accroché au mur et une table en dessous témoignent de ces quotidiens fauchés. «Une plaie ouverte», reconnaît Georges.
Des armatures spectaculaires en métal surplombent désormais la rue et permettent à deux immeubles face à face de s'appuyer l'un sur l'autre pour tenir debout.
Vendredi, les autorités ont donné leur feu vert pour la réintégration de 19 immeubles dans deux rues perpendiculaires, soit 138 personnes sur les plus de 300 habitants évacués. «Aujourd'hui, une partie de la vie du quartier reprend», s'est félicité le maire divers gauche de la 2e ville de France, Benoît Payan.
- «Des mois, voire des années» -
Les diagnostics des immeubles se font «très finement, cage d'escalier par cage d'escalier». Par exemple, rue Jaubert, un immeuble est toujours scellé par un gros cadenas et des grillages alors que les deux bâtiments l'encadrant ont été rendus à leurs occupants.
Les immeubles juste à côté du drame «sont tout à reconstruire» et «ceux tout proches sont dans un état qui rend très difficile la possibilité d'y retourner», admet le maire devant la presse, en assurant qu'il trouve des solutions de relogement pour tout le monde, notamment avec l'aide de la plate-forme Airbnb.
Mais certaines assurance ne font pas «correctement leur travail», glisse-t-il au passage.
Juste après le passage de l'élu, un monsieur, qui vient de regagner son logement, sort à la fenêtre pour crier: «Bravo les pompiers !». Après plusieurs jours d'une mobilisation massive, une dizaine de marins-pompiers sont encore là, pour accompagner chaque personne jusqu'à sa porte, afin d'«apporter un soutien après cette expérience qui a pu être traumatisante», explique Kevin, lieutenant de vaisseau qui pilote le dispositif de retour.
En fin de matinée, 31 personnes sur les 138 attendues étaient revenues chez elles. Certaines pour en repartir tout de suite, comme Nicolas, qui attendait «avec impatience» ce feu vert pour finaliser son déménagement.
Un autre se précipite pour arroser ses plantes qui colorent la rue et va se concentrer sur ses chats. Heureusement il avait eu l'autorisation de venir les nourrir rapidement tous les deux jours.
Après des «semaines difficiles», c'est «une bonne nouvelle de retrouver notre chez nous», explique Alhil Villalba: le «pire», c'est de ne «pas savoir combien de temps» ça va durer, avait-elle confié à l'AFP au lendemain de l'explosion.
Pour elle, cela a donc pris 18 jours. Mais «malheureusement il y a encore des voisins délogés pour quelques semaines», confie la trentenaire, «et d'autres pour qui ça va prendre des mois, voire des années».
Vendredi soir, le parquet a annoncé l’ouverture d'une information judiciaire pour homicide involontaire.