Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
Le grand barrage de la Renaissance au début de 2022, reste une source de friction entre les pays voisins (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 27 avril 2023

Comment la crise soudanaise complique le différend au sujet du Grand Barrage de la Renaissance

  • La résolution pacifique du conflit concernant le barrage éthiopien pourrait dépendre de l'issue de la lutte pour le pouvoir au Soudan
  • Selon les experts, un conflit prolongé pourrait mettre en péril la sécurité alimentaire et hydrique du Soudan et de l'Égypte

LONDRES: Au cours des deux dernières semaines, le monde s'est habitué à voir des photos du général soudanais Abdel Fattah al-Burhan, dont les forces sont engagées dans des combats avec les forces paramilitaires rivales, les Forces de soutien rapide, depuis le 15 avril, vêtu d'une tenue de combat.

Le 26 janvier, cependant, le dirigeant de facto du pays avec un large sourire portait un costume sombre, et une cravate bleue, en mode diplomate sur tapis rouge, lorsqu'il a accueilli le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, sur la piste d'atterrissage de l'aéroport de Khartoum.

Il s'agissait de la première visite d’Abiy chez le voisin du nord de l'Éthiopie depuis le coup d'État de 2021, mené par Al-Burhan, qui en 2019, a fait dérailler la transition vers un régime civil, promise à la suite du renversement du régime du président dictateur Omar al-Bachir, en place depuis trente ans.

Les deux hommes avaient beaucoup de choses à se dire, mais la priorité d’Abiy était d'obtenir le soutien du Soudan pour le grand barrage de la Renaissance, un vaste projet hydroélectrique de 4 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,91 euro) sur le Nil Bleu, à quelques kilomètres de la frontière soudanaise, qui a suscité la controverse dans la région depuis le début des travaux, il y a plus de dix ans.

Le grand barrage de la Renaissance est maintenant achevé à 90% et la prochaine saison des pluies permettra de retenir environ 17 milliards de mètres cubes d'eau lors du quatrième remplissage de l'immense réservoir.

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Des ouvriers marchent sur le site du Grand barrage de la Renaissance à Guba, en Éthiopie, le 19 février 2022 (AFP /Archives).

Pour des millions d'Éthiopiens, dont la moitié n'ont pas l'électricité et dépendent encore du bois pour se chauffer, cuisiner et s'éclairer, le barrage est un symbole d'espoir, de fierté et d'un avenir meilleur. Lors d'une cérémonie organisée sur l'imposant barrage en février de l'année dernière, Abiy a majestueusement activé la première de ses turbines, qui a commencé à produire de l'électricité.

Lorsqu'il aura atteint sa pleine capacité et que les 13 turbines alimenteront le réseau électrique national, le barrage stimulera l'industrialisation de l'Éthiopie, révolutionnera le niveau de vie de millions de ses citoyens et rapportera au pays les revenus dont il a tant besoin en tant qu'exportateur d'électricité vers la région.

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Le projet de barrage hydroélectrique massif de l'Éthiopie a commencé à produire de l'électricité l'année dernière, plus de dix ans après le début des travaux de construction (Photo, AFP).

S'exprimant lors de la cérémonie de 2022, Abiy a déclaré: «Désormais, rien ne pourra arrêter l'Éthiopie. Le barrage ne perturbera pas l'écoulement naturel du Nil.» Il a ajouté que le début de la production d'électricité démontrait «l'attitude amicale de l'Éthiopie à l'égard du fleuve».

Il a ajouté que le projet est «une excellente nouvelle pour notre continent ainsi que pour les pays en aval avec lesquels nous espérons collaborer».

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Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, s'exprime lors de la première cérémonie de production d'électricité au Grand barrage de la Renaissance, début 2022 (Photo, AFP).

L'Éthiopie a toujours insisté sur le fait que, le barrage ayant été conçu uniquement pour produire de l'électricité, ni l'Égypte ni le Soudan, pourtant tous deux situés en aval, ne perdront une partie de l'eau précieuse fournie par le Nil.

Mais lorsque le projet a été dévoilé pour la première fois, il a été condamné par le Caire et Khartoum comme une menace existentielle – les deux pays sont totalement dépendants des eaux vivifiantes du Nil, qui descendent des hauts plateaux éthiopiens depuis la nuit des temps.

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Un homme conduit un bateau sur les eaux du Nil blanc dans la région de Jabal al-Awliyaa au Soudan, le 11 mars 2023 (Photo, AFP).

Au cours de la dernière décennie, l'inquiétude des Égyptiens à l'égard de ce stratagème a menacé à plusieurs reprises de dégénérer en violence.

En juin 2013, plusieurs hommes politiques égyptiens ont été entendus en direct à la télévision en train de discuter d'options militaires pour arrêter la construction du barrage, avec des propositions allant du soutien aux rebelles éthiopiens à l'envoi de forces spéciales pour le détruire.

En mars 2021, lors d'une visite à Khartoum, quatre jours après la signature d'un accord de coopération militaire avec le Soudan, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a déclaré: «Nous rejetons la politique consistant à imposer un fait accompli et à étendre le contrôle sur le Nil Bleu par des mesures unilatérales, sans tenir compte des intérêts du Soudan et de l'Égypte.»

Quelques jours plus tard, il a fait monter les enjeux en déclarant que «les eaux de l'Égypte sont intouchables et que les toucher est une ligne rouge».

Al-Sissi a ajouté, «personne ne peut prendre une seule goutte d'eau de l'Égypte, et que celui qui veut essayer essaie».

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L'Égypte dépend du Nil pour sa survie (Photo, AFP).

Pas plus tard qu'en mars dernier, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a averti qu'en ce qui concerne le barrage, «toutes les options sont ouvertes et toutes les alternatives restent disponibles».

Depuis lors, cependant, l'attitude du Soudan à l'égard du barrage a semblé s'assouplir, laissant l'Égypte de plus en plus isolée dans son opposition franche au projet.

Au Soudan, en janvier, Abiy a non seulement rencontré Al-Burhan, mais il s'est également entretenu avec le général Mohammed Hamdan Dagalo, connu sous le nom de Hemedti, le chef des forces paramilitaires de soutien rapide, avec lequel le chef du Conseil souverain du Soudan est actuellement engagé dans une lutte sanglante pour le pouvoir.

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Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (à droite) marche aux côtés du chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah al-Burhan à l'aéroport de Khartoum lors d'une cérémonie de bienvenue le 26 janvier 2023 (Photo, AFP).

Dans une déclaration publiée à l'issue de la réunion, le Conseil souverain du Soudan a salué le fait qu’Abiy ait «confirmé que le barrage de la Renaissance ne causera aucun préjudice au Soudan et qu'il lui apportera des avantages en termes d'électricité». Les deux pays, ajoute le communiqué, sont «alignés et en accord sur toutes les questions relatives au Grand barrage de la Renaissance».

Mais alors même qu'il s'efforçait d'apaiser les craintes des Soudanais concernant le barrage, Abiy marchait sur une corde diplomatique raide entre Al-Burhan et Dagalo.

En décembre, un accord-cadre prévoyant une transition de deux ans vers la démocratie a été signé entre les deux généraux et certains groupes soudanais favorables à la démocratie. Lors de sa visite à Khartoum en janvier, Abiy avait soutenu l'accord. Il a posté sur Twitter qu'il était «heureux de revenir et d'être en présence du peuple sage et dynamique du Soudan», et ajoutant que «l'Éthiopie continue d'être solidaire du Soudan dans son processus politique autogéré actuel».

Mais un commentaire prémonitoire du directeur d'un groupe de réflexion de Khartoum, en février, a mis en lumière les tensions entre les deux généraux.

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Le chef de l'armée soudanaise Abdel Fattah Al-Burhan, à droite, et le chef paramilitaire Mohamed Hamdan Dagalo après la signature d'une trêve en 2022 (Photo, AFP).

Khouloud Khair, fondatrice et directrice de Confluence Advisory, a déclaré à Africa Report: «Lorsqu'Abiy Ahmed s'est rendu à Khartoum, il a apporté son soutien à l'accord-cadre, qui favorise Hemedti.

 

«Ce faisant, il essaie de faire participer les deux généraux… ils ont des politiques étrangères divergentes, ils ont des flux de revenus divergents, ils ont des circonscriptions politiques divergentes au niveau national avec lesquelles ils jouent.

«En raison de cette divergence inhérente entre les deux généraux, on assiste à des jeux de pouvoir différents et imprévisibles.»

Ces jeux de pouvoir ont maintenant explosé en un conflit qui, selon Jemima Oakey, basée en Jordanie et associée à la sécurité de l'eau et de l'alimentation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au sein de la société de conseil Azure Strategy, installée à Londres, a de sérieuses implications pour la gestion future du barrage.

«Les discussions informelles semblaient plutôt positives », a-t-elle déclaré à Arab News. «D'après des rapports récents, le Soudan semblait certainement en passe de conclure un accord avec l'Éthiopie, tandis que l'Égypte avait commencé à accepter sa nouvelle réalité en matière d'eau et à élaborer des mesures d'adaptation en augmentant le nombre d'usines de dessalement et en remettant en état ses réseaux d'irrigation.»

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Jemima Oakey (Photo fournie).

Elle a ajouté, aujourd'hui la coopération régionale sur la gestion du barrage, très importante pour le Soudan, l'Égypte et l'Éthiopie, pourrait dépendre du vainqueur du conflit actuel au Soudan.

Outre la production d'électricité qui pourrait être fournie non seulement aux 60% d'Éthiopiens qui n'ont actuellement pas accès au réseau électrique, mais aussi au Soudan et à l'Égypte, le barrage promet de maximiser les rendements agricoles, notamment au Soudan, en mettant fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil.

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Les partisans du grand barrage de la Renaissance affirment qu'il pourrait mettre fin au cycle destructeur d'inondations et de sécheresses causé par les variations saisonnières du débit du Nil en Égypte et au Soudan (Photo, AFP).

Mais la seule façon d'y parvenir, a fait remarquer Oakey, est de conclure «un accord de partage des données où la disponibilité de l'eau et les lâchers d'eau du barrage sont clairement définis et équitablement répartis entre les riverains du Nil, tant en période de sécheresse qu'en période de fortes précipitations.»

«Nous n'avons aucune idée de la position de Hemedti sur les différends territoriaux dans la région d'Al-Fashaga, dans le nord de l'Éthiopie, ni s'il pourrait essayer de revendiquer cette région pour le Soudan, ni s'il soutiendrait les milices rebelles dans la région du Tigré en Éthiopie», a-t-elle expliqué.

«Tout cela pourrait faire dérailler les accords ou les ententes sur l'accès aux débits d'eau du barrage et nuire réellement à l'accès du Soudan à l'eau et à l'électricité», a-t-elle prévenu.

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Des réfugiés éthiopiens se rassemblent pour célébrer le 46e anniversaire du Front populaire de libération du Tigré au camp de réfugiés d'Um Raquba à Gedaref, dans l'est du Soudan, le 19 février 2021 (Photo, AFP).

Elle a souligné qu'une telle évolution pourrait également avoir de graves conséquences pour l'Égypte.

«À la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, l'Égypte a essayé de développer son secteur agricole afin de devenir plus autosuffisante en matière de production de blé et de compenser les pertes d'importations de blé ukrainien. Elle a donc vraiment besoin de cette eau et d'un approvisionnement fiable», a indiqué Oakey.

«C'est pourquoi un accord sur l'accès à l'eau et le contrôle de la disponibilité est si important.»

«Mais si le conflit se prolonge au Soudan, la sécurité de l'eau et de l'alimentation du Soudan et de l'Égypte pourrait devenir très incertaine», a-t-elle averti.

Selon Oakey, un scénario spécifique est aussi improbable qu'impensable, quoi qu'il arrive dans le conflit interne au Soudan: une action militaire contre le barrage par l'une ou l'autre des parties.

«Ces dernières années, les médias se sont livrés à des spéculations alarmistes selon lesquelles le grand barrage pourrait être attaqué afin d'empêcher son achèvement, mais je doute sérieusement que l'une ou l'autre des parties au conflit soudanais envisage de l'utiliser pour s'assurer un avantage militaire», a-t-elle signalé.

«Il y a maintenant près de 73 milliards de mètres cubes d'eau derrière le barrage. Le détruire pour libérer ce volume d'eau entraînerait des inondations catastrophiques dans la majeure partie du Sud-Soudan.

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Une image satellite obtenue avec l'aimable autorisation de Maxar Technologies le 21 juillet 2020 montre le grand barrage de la Renaissance et le fleuve Nil Bleu (Photo, AFP).

Mais certains experts espèrent que la nature recevra le même mémo.

La possibilité d'une destruction catastrophique du barrage a été évoquée dans plusieurs documents universitaires au cours des dernières années. Ceux-ci ont mis en évidence «le risque élevé d'instabilité du sol» autour du site du grand barrage qui, comme l'a souligné une étude récente réalisée par des ingénieurs égyptiens en génie civil et en hydraulique, est «situé sur l'une des principales plaques tectoniques et failles du monde».

Ils ont indiqué qu'autour de cette faille, environ 16 tremblements de terre d'une magnitude de 6,5 ou plus se sont produits en Éthiopie au cours du XXe siècle.

Le premier et les plus important de la série de tremblements de terre dévastateurs qui a frappé la Turquie et la Syrie en février, tuant des dizaines de milliers de personnes et causant des dégâts considérables, avait une magnitude de 7,8.

Hicham al-Askary, professeur de télédétection et de science des systèmes terrestres à l'université Chapman en Californie, a déclaré à Arab News que les risques sismiques, plutôt que le conflit actuel au Soudan, constituaient la véritable menace pour le barrage sur laquelle le monde devrait se concentrer.

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Une vue générale du grand barrage de la Renaissance près de Guba, en Éthiopie (Photo, AFP).

«Ce qui me préoccupe vraiment aujourd'hui, c'est la possibilité de mouvements tectoniques en Éthiopie, qui est le pays le plus tectoniquement actif en Afrique», a-t-il précisé.

Il a poursuivi qu'il existe des preuves que les barrages pouvaient «accentuer les activités tectoniques et les glissements de terrains».

«Nous avons vu ce qui s'est passé en Turquie, lorsque des barrages ont été ouverts pour alléger la pression de l'eau sur la croûte.

«Avec le changement climatique, ce que fait l'Éthiopie est vraiment grave et, avec la situation au Soudan, personne ne peut deviner l’issue de la situation.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »