PARIS: Emmanuel Macron s'adresse aux Français lundi à 20H00 pour tenter de relancer son second quinquennat après la promulgation de la réforme des retraites, dans une atmosphère de crise politique et sociale persistante.
Le président de la République a promulgué cette loi contestée dans les heures qui ont suivi la validation vendredi par le Conseil constitutionnel de la retraite à 64 ans. Et il enchaîne avec une allocution télévisée solennelle, sans contradicteurs.
Cette accélération illustre sa volonté de reprendre l'initiative. Mais la tâche s'annonce immense avec un exécutif abimé par trois mois de conflit social et toujours privé de majorité absolue à l'Assemblée nationale.
La rapidité de la promulgation a été dénoncée par les opposants à la réforme. "Jusqu'au bout le mépris", a jugé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a mis en garde lundi le chef de l'Etat contre un "ressentiment" encore vif.
"On ne peut pas passer l'éponge", a-t-il dit sur France 2.
"Nous ne sommes pas prêts à passer à autre chose", a aussi averti sur Public Sénat le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, alors que des appels ont fleuri sur les réseaux sociaux pour des concerts de casseroles et des rassemblements devant mairies ou préfectures à 20H00, lorsque le président prendra la parole depuis son palais.
A l'Elysée, on reconnaît que cette phase laisse "de la colère dans les têtes et dans les cœurs", et on assure que M. Macron va en tenir compte.
«Echanger avec les Français»
Mais après avoir reçu dans l'après-midi ministres et responsables de son camp, il veut surtout "redonner une cohérence d'ensemble à son action", "tracer des perspectives pour les semaines et les mois à venir" et "esquisser les chantiers" prioritaires, poursuit son entourage. Avec un "cap" confirmé: ordre républicain, plein emploi et réindustrialisation, progrès au quotidien autour de l'éducation, de la santé et de l'écologie.
Le président devrait aussi rapidement ressortir de l'Elysée pour "échanger avec les Français".
Hormis au Salon de l'agriculture fin février, M. Macron s'est tenu à l'écart des bains de foule depuis le début de l'année. Pourra-t-il renouer avec ce contact, alors que ses derniers déplacements ont été chahutés par des manifestants?
"Je demande que Macron passe plus de temps sur le terrain", y compris "à portée de baffes", plaide un ministre.
Un déplacement pourrait intervenir dès mercredi ou jeudi, sur le thème de l'éducation, suivi d'autres. Il pourrait se réserver des annonces sur les rémunérations des enseignants, selon plusieurs macronistes, qui préviennent qu'il ne faut pas s'attendre à d'autres dépenses pour panser les plaies de la contestation.
Retisser le lien avec les Français sera donc difficile. La popularité du président est au plus bas depuis la crise des "gilets jaunes" fin 2018, et dans son camp, on espère qu'il parviendra à rebondir comme à l'époque.
Reprendre langue avec les syndicats s'annonce aussi ardu.
L'Elysée assure qu'une rencontre entre Emmanuel Macron et les partenaires sociaux est bien maintenue mardi... malgré la fin de non-recevoir d'une intersyndicale qui réclame un "délai de décence". Il pourrait donc se retrouver en tête-à-tête avec le patronat, au risque d'envoyer une nouvelle image clivante.
Chez les syndicats, on mise plutôt sur une démonstration de force lors du 1er-Mai, après quoi la CFDT pourrait toutefois revenir à la table pour évoquer les autres problématiques autour du travail.
«Entendre cette colère»
Relancer la machine sera d'autant plus complexe que l'exécutif ressort affaibli de la séquence.
"Je trouve le pays inquiet, en colère aussi, il faut entendre cette colère", prévient la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
La Première ministre Elisabeth Borne a martelé samedi sa détermination à "accélérer" tout en assurant vouloir "apaiser le pays".
Mais accélérer quelles réformes, sans majorité absolue? M. Macron lui avait confié en mars la mission d'élargir la majorité relative, mais la cheffe du gouvernement n'y est pas parvenue. Pour autant, elle devrait être confortée à Matignon.
"Est-ce que l'absence de majorité absolue nous empêche de faire les réformes?
Manifestement non", évacue un conseiller de l'exécutif, en invoquant notamment l'exemple... de celle des retraites.
"Une Première ministre totalement carbonisée, un gouvernement décrédibilisé", a jugé au contraire la leader du Rassemblement national Marine Le Pen, pour qui le chef de l'Etat a trois solutions: référendum, dissolution de l'Assemblée nationale... ou démission.
"C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de solutions aujourd'hui", admet le patron des sénateurs macronistes François Patriat, estimant que le président "doit s'adresser" à ceux qui, de l'ex- Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve au candidat putatif de la droite à l'Elysée Laurent Wauquiez, pourraient rejoindre "un grand bloc central" pour faire barrage à "la montée inexorable des populistes".