Au sortir de l'hiver ukrainien, l'armée russe une nouvelle fois déçue

Un militaire ukrainien tente de tirer avec un lance-grenades lors d'un exercice d'entraînement dans la région de Donetsk, le 7 avril 2023, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP).
Un militaire ukrainien tente de tirer avec un lance-grenades lors d'un exercice d'entraînement dans la région de Donetsk, le 7 avril 2023, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP).
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Publié le Samedi 08 avril 2023

Au sortir de l'hiver ukrainien, l'armée russe une nouvelle fois déçue

  • Les deux armées se battent des rives de la mer Noire au nord-est de l'Ukraine
  • L'ampleur des combats éparpille les forces et rend improbable une quelconque percée spectaculaire

PARIS : L'offensive hivernale russe avait été annoncée avec fracas et crainte par l'Ukraine. Mais comme souvent depuis le début de cette guerre, elle s'est révélée décevante pour la Russie, plus que jamais condamnée à s'inscrire dans le temps long.

Les deux armées se battent des rives de la mer Noire au nord-est de l'Ukraine. Une ampleur qui éparpille les forces et rend improbable une quelconque percée spectaculaire. Explications de ce nouveau revers russe et projections.

Le symbole Bakhmout

Ville de quelque 70 000 habitants avant la guerre, sans intérêt stratégique fondamental, Bakhmout est le théâtre d'intenses combats depuis des mois.

C'est l'apothéose de la guerre d'usure. Les deux camps sont convaincus d'affaiblir l'adversaire et refusent de reculer. Ce serait pour l'Ukraine un revers symbolique, pour la Russie un échec cuisant.

"Bakhmout est devenue une zone de forte usure avec des pertes en hausse des deux côtés", relevait mercredi l'Institut américain Hudson.

Le groupe paramilitaire russe Wagner a revendiqué début avril la prise de la mairie de cette ville. Mais les combats perdurent et le patron de Wagner Evguéni Prigojine a admis, au moment de la visite d'un cimetière, que ce dernier "continuait de s'agrandir".

Et "même si Bakhmout tombe", l'armée russe ne parviendra pas à "prendre le contrôle de la région de Donetsk, un de ses principaux objectifs territoriaux", assure l'institut Hudson.

L'offensive ratée

Selon Léo Péria-Peigné, de l'Institut français des relations internationales (IFRI), les Russes n'ont conquis que 70 kilomètres carrés en mars. Un gain misérable.

"L'armée russe manque d'homme formés", affirme-t-il à l'AFP, avec des "problèmes d'approvisionnement en munitions d'artillerie. On se rapproche de l'équilibre entre les deux camps".

A cet égard, "l'offensive russe se passe aussi mal que prévu. La question est de savoir à quel point les Russes vont s'épuiser et seront forcés de rationner les munitions", estime sur Twitter l'analyse américain Michael Kofman.

Selon lui, le chef d'état-major de l'armée russe Valéri Guérassimov "épuise les forces avec des offensives inopportunes et inefficaces" qui pourraient les rendre "vulnérables".

Guerre d'usure

Depuis un an, la guerre épuise les machines et décime les soldats. Et en l'absence de chiffres fiables, chaque camp juge les pertes ennemies supérieures. "Cela profite à la Russie (...). L'Ukraine a dépensé beaucoup de forces pour garder ces villes sans grande importance stratégique", assure à Moscou l'analyste militaire indépendant Alexandre Khramtchikhine.

Les pertes russes excèdent probablement "de beaucoup la moitié du total des engins en unités ou en stocks" pouvant être restaurés, dont "disposait la force opérationnelle terrestre" en février 2022, écrivent de leur côté Philippe Gros et Vincent Tourret dans une analyse pour la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

"Nous doutons sérieusement qu'ils puissent monter en gamme", souligne Andreï Zagorodniouk, un ex-ministre ukrainien de la Défense. "Nous ne pensons pas que l'opération soit durable".

Reste que si les deux camps peinent à consolider leurs avancées, "l'armée russe a probablement les ressources et les effectifs pour monter une défense tenace" avec "champs de mines et tranchées" face à la contre-offensive ukrainienne annoncée, note Michael Kofman.

L'aide occidentale

Kiev demeure sous perfusion occidentale en termes de renseignement, de formation et de fourniture d'armes modernes.

L'armée russe voit arriver sur le champ de bataille chars légers et lourds, radars, munitions, missiles et autres roquettes de longue portée.

A l'avenir, "la situation dépendra, d'un côté, de la vitesse des livraisons occidentales et de leur étendue et, de l'autre côté, de la capacité de la DCA russe d'intercepter" ce type d'armes, estime Igor Korotchencko, le rédacteur en chef de la revue Défense nationale.

Les livraisons à l'Ukraine "font durer le conflit", ajoute l'analyste, objet de sanctions occidentales.

Le recul impossible

Le président russe Vladimir Poutine s'inscrit donc dans la durée et devrait "s'engager dans une guerre des ressources", pense l'Ukrainien Andreï Zagorodniouk, reconnaissant que l'économie ukrainienne "ne se rétablit pas".

Alexandre Khramtchikhine regrette de son côté les choix inefficaces de Moscou face à une résistance ukrainienne toujours plus forte qu'estimée. "Les nombreux problèmes militaires n'expliquent pas les erreurs dans les objectifs politiques", dénonce-t-il.

Or ces erreurs pèsent sur l'opinion. "La rage et le désespoir sont palpables en privé" parmi les technocrates, lesresponsables militaires, dans le monde des affaires proche du gouvernement et même chez "les ultra-patriotes", écrit Tatiana Stanovaya pour l'institut Carnegie.

"Les élites russes sont unies dans la conviction que puisque Poutine a commencé la guerre, il doit la gagner", tranche-t-elle, mais au regard de l'état du front, "personne ne comprend comment il peut assurer une victoire".


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.