Les présidents des groupes parlementaires LREM, MoDem et Agir devant la presse, Gérald Darmanin face aux députés: la majorité se mobilise lundi après-midi pour trouver rapidement une porte de sortie à la crise politique autour de la proposition de loi sur la «sécurité globale».
Après la tenue d'une réunion à l'Elysée, Christophe Castaner, président du groupe LREM à l'Assemblée nationale, et ses collègues Patrick Mignola (MoDem) et Olivier Becht (Agir) ont appelé à 16H00 à l'Assemblée nationale à une conférence de presse qui n'était pas prévue à l'agenda.
Ce rendez-vous relance les spéculations sur des changements à la proposition de loi sur la «sécurité globale» au lendemain d'un week-end de manifestations fournies contre un texte conspué par la gauche, les journalistes et les défenseurs des libertés publiques.
Certains députés de la majorité réclament la suppression de l'article 24 qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des forces de l'ordre, et qui cristallise les tensions.
«Une réécriture de l'article [24] ou la mise en place d'un comité Théodule ne sauraient mettre fin à la défiance ressentie par une partie de la population. Je souhaite donc la suppression de l'article 24», a affirmé Pierre Person, l'ex-numéro 2 de LREM, dans un entretien au journal Le Parisien.
Dimanche déjà, la présidente LREM de la commission des Lois à l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'était dire «fermée à rien» sur cet article.
L'avenir de cet article litigieux est désormais plus qu'incertain, même s'il ne sera pas réécrit par une commission, tel que l'avait d'abord indiqué le Premier ministre Jean Castex, sur une proposition du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, et qui a suscité une bronca parlementaire.
Pour tenter de trouver une solution, Emmanuel Macron a réuni lundi en fin de matinée le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, celui de la Justice, Eric Dupont-Moretti, et les présidents des groupes.
Le chef de l'Etat avait demandé la semaine passée qu'on lui fasse «rapidement des propositions pour réaffirmer le lien de confiance» entre police et population.
Resté en retrait pendant l'examen à l'Assemblée nationale du texte «Sécurité globale» à l'article 24 controversé sur la pénalisation de la diffusion malveillante d'images de policiers, M. Macron avait fustigé vendredi le tabassage à Paris d'un producteur noir par des policiers, révélé par des images de vidéosurveillance. «Des images qui nous font honte», avait-il dit.
M. Darmanin sera entendu lundi à 18H15 par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, après une visioconférence à huis clos en matinée avec les commissaires LREM aux Lois, puis mardi à 17H00 avec l'ensemble du groupe.
«piège»
Les tensions engendrées par la proposition de loi votée mardi au Palais Bourbon en première lecture ont explosé jeudi après la diffusion des images du passage à tabac du producteur.
Parmi les quatre policiers mis en examen ce week-end, trois le sont pour «violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP)», avec des circonstances aggravantes dont «des propos à caractère raciste».
Ils ont aussi été mis en examen pour «faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique», un crime passible des assises.
Sur les quatre policiers, deux ont été écroués et deux placés sous contrôle judiciaire.
Mais la pression ne retombe pas et de nouvelles vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré ce week-end des policiers cette fois frappés par des manifestants.
Alors que certains à gauche, dont le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon, ont réclamé la démission de M. Darmanin, incarnation d'une aile droite, la majorité lui réitère son soutien.
«C'est un bon ministre de l'Intérieur», a assuré lundi le délégué général de LREM Stanislas Guerini.
A «en faire beaucoup pour faire (de ce texte) un marqueur idéologique et donc électoral», «Gérald Darmanin s'est laissé prendre à son propre piège car cette majorité n'est pas prête à accepter ce genre de choses», estime dans l'opposition Gilles Platret, vice-président des Républicains.
Que faire désormais de l'article 24 ? Reculer ouvrirait un boulevard aux critiques de la droite sur un laxisme supposé de l'exécutif sur les questions régaliennes; s'entêter conforterait la gauche dans ses accusations de velléités «liberticides».
S'il était retiré, l'article pourrait être recyclé dans le projet de loi contre les «séparatismes», dont l'article 25 reprend l'esprit de la mesure, selon des responsables de la majorité.