Trump inculpé, l'Amérique plongée dans l'inconnu judiciaire et politique

Le milliardaire clame son innocence et assure être victime d'une «chasse aux sorcières» orchestrée par les démocrates du président Joe Biden (Photo, Reuters).
Le milliardaire clame son innocence et assure être victime d'une «chasse aux sorcières» orchestrée par les démocrates du président Joe Biden (Photo, Reuters).
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Publié le Mercredi 05 avril 2023

Trump inculpé, l'Amérique plongée dans l'inconnu judiciaire et politique

  • Donald Trump est accusé d'avoir falsifié des documents concernant une série de paiements visant à étouffer trois affaires embarrassantes avant l'élection de novembre 2016
  • La justice évoque une prochaine comparution en fin d'année et un procès en janvier 2024, juste avant les primaires

NEW YORK: Et maintenant? Après l'inculpation officielle et ultra-médiatisée de Donald Trump, la course à la Maison Blanche en 2024 apparaît plus incertaine que jamais, tout comme le calendrier judiciaire chargé de l'ancien président.

Cela alors que l'autre grand prétendant, le président démocrate Joe Biden, prend tout son temps pour annoncer officiellement une candidature qui semble inévitable.

Devant un juge à New York, Donald Trump, premier ex-président américain à se trouver dans cette position d'inculpé, a plaidé non coupable de falsification de documents concernant des paiements en vue d'étouffer des affaires embarrassantes pour lui avant la présidentielle de 2016.

Reste maintenant à savoir si cette affaire -- une parmi tant d'autres qui concernent le milliardaire -- ira jusqu'à un procès.

Le calendrier est crucial pour celui qui espère bien décrocher l'investiture républicaine pour la présidentielle de novembre 2024.

La justice évoque une prochaine comparution en fin d'année et un procès en janvier 2024, juste avant les primaires, mais les avocats de l'ancien président ne l'entendent pas de cette oreille.

"Nous n'irons pas devant un jury... Cette affaire va s'écrouler de son propre fait, en raison de difficultés légales, bien avant" cela, a affirmé l'un d'eux, Joe Tacopina, sur NBC mercredi, parlant d'une affaire "zombie".

 "Insulte à la nation" 

En attendant, Donald Trump, laissé libre, peut faire campagne à loisir, à condition toutefois de "s'abstenir de commentaires susceptibles d'inciter à la violence" à propos de son affaire, l'a averti mardi le juge Juan Merchan.

Mais la retenue n'est pas le fort de Donald Trump, qui a dénoncé mercredi matin sur sa plateforme Truth Social, en majuscules comme il en a coutume, une supposée "instrumentalisation" de la justice par les démocrates, accusés par l'ex-président d'"ingérence électorale".

Dès mardi soir, il avait tenté d'utiliser à son avantage l'attention médiatique inouïe autour de son inculpation.

L'ancien président, qui est apparu sombre et tendu tout au long de la journée, a qualifié d'"insulte à la nation" sa mise en accusation, détaillée dans 34 chefs d'inculpation, depuis Mar-a-Lago, sa luxueuse résidence de Floride.

Il a estimé que le procureur chargé de son dossier devrait lui-même "être poursuivi".

L'ancien magnat a livré un discours provocateur sur le fond, mais décousu et parfois monocorde, devant des militants arborant des casquettes rouges et autres accessoires classiques de ses meetings.

 Justiciable 

Après un trajet aussi présidentiel que possible -- avion privé flanqué de son nom, convoi sous très haute sécurité dans les rues de New York --, Donald Trump a été rattrapé par sa situation de simple justiciable lors des deux heures passées dans un palais de justice du sud de Manhattan.

L'ancien président a dû: décliner son nom, âge et profession, effectuer un relevé d'empreintes digitales. En revanche, il a échappé à l'humiliante prise de la photo d'identité judiciaire.

Le milliardaire assure être victime d'une "chasse aux sorcières" orchestrée par les démocrates du président Joe Biden, qui lui aurait "volé" sa victoire à la présidentielle de 2020.

Donald Trump est accusé d'avoir falsifié des documents concernant une série de paiements visant à étouffer trois affaires embarrassantes avant l'élection de novembre 2016.

Notamment 130.000 dollars pour obtenir le silence d'une star de films pornographiques, Stormy Daniels, avec laquelle il aurait eu en 2006 une liaison extraconjugale -- ce que le principal intéressé nie fermement.

 Indifférence 

Donald Trump n'a "cessé de mentir", a tonné le procureur de Manhattan Alvin Bragg, élu affilié au parti démocrate, en dénonçant une "conduite délictuelle grave".

Le président Joe Biden, lui, a choisi de se tenir en retrait, refusant de commenter les ennuis judiciaires de son possible rival en 2024.

Il "ne se préoccupe pas de cette inculpation", selon la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre. Le démocrate de 80 ans déroule depuis lundi son programme dans une indifférence presque complète.

Il espère néanmoins qu'à long terme, le contraste jouera en sa faveur, alors que Donald Trump n'en est sans doute qu'au début de ses comparutions et procédures judiciaires -- l'ancien président est l'objet d'enquêtes pour une tentative de détourner le scrutin présidentiel en Géorgie, pour son rôle présumé dans l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021, et dans une affaire de documents confidentiels retrouvés à Mar-a-Lago.

La frénésie médiatique mardi autour de l'ancien président a en tous cas occulté une incontestable victoire diplomatique de Joe Biden, et une annonce lourde de conséquences pour la marche du monde: c'est presque dans l'indifférence que la Finlande a officiellement rejoint l'Otan.

 

Les autres enquêtes autour de Donald Trump

L'assaut du Capitole

Une commission parlementaire, dissoute par la nouvelle majorité républicaine, a enquêté sur le rôle du républicain dans l'attaque de ses partisans contre le siège du Congrès le 6 janvier 2021, au moment où les élus certifiaient la victoire de son rival Joe Biden à la présidentielle de 2020.

Lors d'auditions très médiatisées, ce panel à majorité démocrate a dit que l'ancien président avait chauffé ses supporteurs à blanc avant le coup de force et "failli à son devoir de commandant en chef" pendant l'assaut.

Dans son rapport final, la commission a estimé que Donald Trump ne devrait jamais pouvoir occuper de nouvelles fonctions publiques après avoir incité ses partisans à l'insurrection.

Ses membres ont aussi recommandé que des poursuites pénales soient lancées contre lui par la justice fédérale, notamment pour appel à l'insurrection.

C'est le dossier susceptible d'aboutir sur les charges les plus sérieuses.

Un procureur spécial, Jack Smith, se penche également sur le rôle de l'ancien président dans les tentatives de renverser les résultats de la présidentielle de 2020. Au terme de son enquête, il pourrait recommander ou non de l'inculper.

Mais le dernier mot reviendra au ministre de la Justice Merrick Garland.

L'élection de 2020 en Géorgie

Une procureure de l'État de Géorgie enquête depuis 2021 sur "les tentatives d'influencer les opérations électorales" de cet État du Sud, remporté d'une courte tête par Joe Biden en 2020.

Dans un appel téléphonique dont l'enregistrement a été rendu public, Donald Trump avait demandé à un haut responsable local, Brad Raffensperger, de "trouver" près de 12 000 bulletins de vote à son nom.

Fani Willis, procureure du comté de Fulton qui comprend Atlanta, a chargé un grand jury de déterminer s'il existait assez d'éléments pour inculper le magnat de l'immobilier. Elle est parvenue à recueillir des témoignages de ses proches, notamment de son ex-avocat personnel Rudy Giuliani.

Ce grand jury a recommandé des inculpations contre plusieurs personnes sans révéler si l'ancien président en faisait partie.

Les archives de la Maison Blanche

En quittant la Maison Blanche, Donald Trump a emporté avec lui des boîtes entières de documents. Or une loi de 1978 oblige tout président américain à transmettre l'ensemble de ses e-mails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales.

En janvier 2022, il a rendu 15 cartons. Après examen, la police fédérale a estimé qu'il en conservait probablement d'autres dans sa luxueuse résidence Mar-a-Lago.

Des agents du FBI y ont ensuite mené le 8 août une perquisition spectaculaire sur la base d'un mandat pour "rétention de documents classifiés" et "entrave à une enquête fédérale", et ont saisi une trentaine d'autres boîtes.

Une intense bataille judiciaire s'est alors ouverte pour déterminer la nature des documents saisis (classifiés ? personnels ? déclassifiés ?), ce qui a ralenti la procédure mais, là encore, une inculpation fédérale reste possible.

Le procureur spécial Jack Smith enquête également sur ce dossier.

Ses affaires financières à New York

En janvier, la Trump Organization a été condamnée à New York à une amende maximale de 1,6 million de dollars pour fraudes financières et fiscales, une première au pénal pour le groupe, qui attend un procès encore plus vaste au civil à l'automne.

À la tête de la justice de l'État de New York, Letitia James, une élue démocrate, a en effet déposé plainte contre Donald Trump, ses enfants et la Trump Organization.

Elle les accuse d'avoir "délibérément" manipulé les évaluations des actifs du groupe – qui regroupe clubs de golf, hôtels de luxe et autres propriétés – pour obtenir des prêts plus avantageux auprès des banques ou réduire ses impôts.

Elle réclame 250 millions de dollars de dommages-intérêts au nom de l'État, ainsi que des interdictions de diriger des sociétés pour l'ex-président et ses proches.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »