NAIROBI: Les appels au calme et au dialogue au Kenya ont fleuri mardi, notamment de la part de l'Union africaine (UA), au lendemain de nouvelles manifestations émaillées de violences et de pillages.
Le chef de l'opposition kényane, Raila Odinga, a appelé à des manifestations bihebdomadaires - chaque lundi et jeudi - contre le président William Ruto, qu'il accuse d'avoir volé la présidentielle de 2022 et d'être incapable de contrôler l'explosion du coût de la vie.
Le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, a exprimé mardi sa "profonde inquiétude concernant la violence lors des manifestations au Kenya" ayant "provoqué des pertes en vies humaines, des dégâts aux biens et l'interruption de certaines activités économiques".
Il "appelle toutes les parties en présence à faire preuve de calme et à entamer un dialogue pour régler les possibles différends, dans l'intérêt de l'unité nationale et de la réconciliation", selon un communiqué.
Lundi, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants à Nairobi et dans la ville de Kisumu, fief de M. Odinga dans l'ouest du pays, visant aussi des véhicules transportant des journalistes dans la capitale kényane.
Des policiers ont également usé de gaz lacrymogènes et d'un canon à eau contre le convoi de M. Odinga circulant dans la cohue d'un quartier densément peuplé de Nairobi, ce qui a provoqué des mouvements de foule.
«Arrêtez cette folie»
Un homme a été tué par balle à Kisumu, a indiqué à l'AFP le patron du principal hôpital de la ville. C'est le deuxième décès enregistré depuis le début des manifestations le 20 mars. Ce jour-là, un étudiant avait été tué par un tir policier dans une autre ville de l'ouest kényan.
Ces manifestations ont été qualifiées "d'illégales" par le patron de la police kényane Japhet Koome.
Des centaines de pillards se sont également attaqué lundi à une exploitation agricole des faubourgs de Nairobi, appartenant à l'ancien président Uhuru Kenyatta, volant des moutons, abattant des arbres et incendiant une partie de l'exploitation.
M. Kenyatta a soutenu la candidature de M. Odinga lors de la présidentielle d'août dernier, après s'être brouillé avec M. Ruto qui était son vice-président jusque-là et durant ses deux mandats.
Une entreprise, propriété de M. Odinga, a également été la cible de pillards à Nairobi.
Cette violence suscite l'inquiétude des Kényans, déjà en proie à une flambée de l'inflation et à un fort chômage.
"Arrêtez cette folie", titre en une mardi le quotidien kényan Nation.
Mise sur pied au Kenya après les meurtrières violences post-électorales de 2007-20008 (plus de 1.100 morts) la Commission de la Cohésion et de l'Intégration nationales (NCIC) a elle aussi appelée au dialogue "pour faire avancer (le) pays".
Son président, Samuel Kobia, a mardi "condamné dans les termes les plus forts" les "destructions gratuites (...) inacceptables".
Défenseur des opprimés
Selon le patron de la police kényane, 23 policiers ont été blessés et deux de leurs véhicules détruits lundi.
"Notre enquête (...) a commencé et ceux reconnus coupables devront en répondre devant la loi", a indiqué M. Koome dans un communiqué.
La police a parallèlement assuré "avoir répondu rapidement" aux informations sur les violences touchant les propriétés de MM. Kenyatta et Odinga et "avoir empêché d'autres infractions".
Actuellement en visite officielle en Allemagne et en Belgique, le président Ruto avait appelé la semaine dernière son rival à "cesser de terroriser le pays" avec ces manifestations.
De nombreux Kényans luttent pour se nourrir normalement, confrontés à la hausse des prix des denrées, au plongeon de la monnaie locale et à une sécheresse inédite dans certaines parties du pays.
Pendant la campagne électorale, M. Ruto s'était présenté comme le défenseur des opprimés et avait promis d'améliorer le sort des Kényans ordinaires. Mais il a depuis supprimé les subventions du carburant et de la farine de maïs - denrée de base au Kenya - dont les prix ont augmenté dans la foulée.
L'organisme de régulation de l'énergie du Kenya a aussi récemment annoncé une augmentation des prix de l'électricité à partir d'avril, alors que M. Ruto avait dit en janvier qu'il n'y en aurait pas.