CHASIV YAR: Le groupe paramilitaire russe Wagner a revendiqué mercredi la prise de la partie est de Bakhmout, ville qui est au coeur de combats depuis des mois dans l'est de l'Ukraine, et qui pourrait tomber "dans les prochains jours", selon le secrétaire général de l'Otan.
Pour autant, à Tchassiv Iar, un peu plus à l'ouest, les obusiers ukrainiens tirent sans relâche sur les positions russes et des blindés emmènent de nouvelles troupes vers le front. Selon la directrice du renseignement américain Avril Haines, la grande offensive russe qui était crainte il y a quelques semaines a fait long feu, et le Kremlin - sauf à engager une nouvelle mobilisation massive et obtenir d'une tierce partie des livraisons d'armes massives - semble devoir se contenter d'objectifs révisés à la baisse.
Mais pour l'heure, "les unités Wagner ont pris toute la partie orientale de Bakhmout, tout ce qui est à l'est de la rivière Bakhmoutka" traversant la petite ville du Donbass, a affirmé dans un message audio le patron de l'organisation paramilitaire, Evguéni Prigojine.
Alors que les forces ukrainiennes défendant la ville sont menacées d'encerclement, le patron de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a dit ne pas "exclure que Bakhmout tombe finalement dans les prochains jours".
"Cela ne reflète pas nécessairement un quelconque tournant de la guerre", a-t-il affirmé devant la presse: "Mais cela souligne que nous ne devons pas sous-estimer la Russie. Nous devons continuer à soutenir l'Ukraine".
Pour l'heure à Tchassiv Iar, une bourgade située à l'ouest de Bakhmout, les tirs de l’artillerie ukrainienne postée aux alentours claquent sans cesse et résonnent sur les immeubles vides.
Des blindés traversent régulièrement la localité, venant du front où y allant, leurs chenilles laissant des traces de boue noire sur la route.
Fusils et lance-roquettes RPG
Tendus, même s’ils plaisantent entre eux, une dizaine de soldats attendent un blindé qui va les emmener sur le front. Outre leur armement -fusils et lance-roquettes RPG- les militaires emportent de grandes pelles pour aménager les tranchées. Nourriture, sac de couchage et tapis de sol complètent l’équipement.
Avant de monter sur le blindé, les soldats entourent leur casque et leur bras droit d’une bande de scotch vert, signe distinctif pour se reconnaître sur le front.
Les combats sont acharnés, mais à Washington la directrice du renseignement américain, Avril Haines, a estimé que les capacités de l'armée russe étaient désormais limitées.
"Si la Russie ne lance pas une mobilisation obligatoire, et n'identifie pas d'importants approvisionnements en munitions venant d'une tierce partie, il sera même de plus en plus difficile pour elle de maintenir le niveau actuel des opérations offensives au cours des prochains mois", a-t-elle dit devant une commission sénatoriale.
Par conséquent, les forces russes "pourraient se tourner complètement" vers la défense des territoires qu'elles occupent actuellement, d'après elle.
Plan munitions de l'UE
Réunis à Stockholm avec leur homologue ukrainien Oleksiï Reznikov, les 27 ministres de la Défense de l'UE peaufinent pour leur part un plan d'urgence pour livrer d'ici quelques semaines des cargaisons obus à Kiev, alors que les stocks européens sont eux-mêmes sous pression.
"Notre priorité numéro un ce sont des systèmes de défense aérienne, ainsi que des munitions, des munitions, et encore des munitions", a insisté le ministre ukrainien.
Malgré la défense efficace des Ukrainiens depuis le début de la bataille pour Bakhmout en août, la Russie s'est acharnée à tenter de conquérir la ville, au prix de pertes très importantes, de l'aveu même du chef du groupe Wagner.
La bataille est la plus longue et la plus meurtrière depuis le déclenchement de l'offensive russe en février 2022. Si la valeur stratégique de cette ville est contestée, elle a gagné une importance symbolique, au vu des lourdes pertes subies par les deux camps.
Moscou est à la recherche d'une victoire depuis ses revers cinglants de l'automne, et espère que la chute de la ville pourra lui ouvrir le contrôle de la partie du Donbass, région industrielle de l'est de l'Ukraine, qui lui échappe encore.
Retrait contrôlé
Les Russes semblent contrôler les accès à la ville au nord, au sud et à l'est, ne laissant qu'une route de sortie par l'ouest aux Ukrainiens.
Les spéculations vont dès lors bon train depuis des semaines sur un retrait tactique des troupes ukrainiennes de Bakhmout.
Dans son dernier compte-rendu, l'Institut d'étude de la guerre (ISW) a d'ailleurs estimé que les forces ukrainiennes avaient opéré un "retrait contrôlé" de l'est de Bakhmout, laissant avancer les Russes.
La vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar a répété à ce titre mercredi que la bataille de Bakhmout constituait dans tous les cas une "victoire" en ce qu'elle avait permis de neutraliser un grand nombre de soldats et d'armements russes qui y étaient engagés.
Commentant la diffusion de la vidéo, devenue virale, d'un soldat ukrainien prisonnier apparemment exécuté d'une rafale après avoir lancé "Gloire à l'Ukraine!", le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a souligné combien elle était "choquante" au regard des "lois de la guerre".
M. Guterres a rencontré Volodymyr Zelensky pour évoquer la prolongation de l'accord avec la Russie sur les exportations de céréales ukrainiennes par la mer Noire, dont il a souligné devant la presse "l'importance capitale" pour l'alimentation des pays pauvres.
M. Zelensky a indiqué avoir également évoqué "les nombreux cas d'enlèvement de nos enfants par la Russie" et la manière "dont nous pouvons les ramener à la maison".