A Bagdad, la directrice de l'Unesco veut «aider l'Irak à reconstruire»

La directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay à côté du ministre irakien de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, Ahmed Fakak Al-Badrani, lors d'une visite sur le site du patrimoine d'al-Qishla à Bagdad le 6 mars 2023. (Photo, AFP)
La directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay à côté du ministre irakien de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, Ahmed Fakak Al-Badrani, lors d'une visite sur le site du patrimoine d'al-Qishla à Bagdad le 6 mars 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 06 mars 2023

A Bagdad, la directrice de l'Unesco veut «aider l'Irak à reconstruire»

  • «Pendant toutes ces années de guerre, (…), c'est la culture, l'éducation, qui ont été délibérément détruites, attaquées, alors que l'on est dans un pays à l'histoire plurimillénaire», a indiqué Mme Azoulay
  • Le déplacement de Mme Azoulay, le premier en Irak, intervient au moment où le pays marque le vingtième anniversaire de la chute de Saddam Hussein

BAGDAD: Déambulant dans la mythique rue des bouquinistes à Bagdad, la directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay a exprimé lundi son soutien à un Irak ravagé par des décennies de conflits, soulignant sa volonté "d'aider à reconstruire" le pays. 

Au moment où l'Irak, frappé de plein fouet par le changement climatique, souffre de pénuries d'eau qui impactent les marais mésopotamiens classés au patrimoine mondial de l'Humanité, Mme Azoulay a proposé l'envoi d'une mission d'experts pour aider à affronter une "crise structurelle". 

"Pendant toutes ces années de guerre, et encore plus pendant l'occupation (du groupe Etat islamique EI), c'est la culture, l'éducation, qui ont été délibérément détruites, attaquées, alors que l'on est dans un pays à l'histoire plurimillénaire", a indiqué Mme Azoulay, en visitant une librairie de la rue Al-Moutanabi. 

"Je suis là pour retrouver cette identité culturelle, aider l'Irak à reconstruire, non seulement les murs, le patrimoine, comme nous le faisons à Mossoul, mais aussi tout ce patrimoine immatériel, cette richesse liée a l'éducation, au savoir-faire qui a tant souffert", a-t-elle souligné. 

Une visite hautement symbolique puisque l'emblématique rue des bouquinistes avait été la cible d'un attentat kamikaze ayant coûté la vie à 30 personnes en mars 2007. 

Le déplacement de Mme Azoulay, le premier en Irak, intervient au moment où le pays marque le vingtième anniversaire de la chute de Saddam Hussein, renversé en 2003 par une invasion américaine qui a ouvert une des pages les plus sanglantes de l'histoire irakienne. 

En 20 ans, les Irakiens ont connu tous les traumatismes: guerre confessionnelle meurtrière, montée en puissance des jihadistes de l'EI qui ont conquis près d'un tiers du territoire national et transformé Mossoul en leur "capitale" dans le nord de l'Irak avant d'être mis en déroute en 2017 au prix de batailles destructrices. Mais aussi pillages et trafics d'antiquités, qui en 2003 n'ont pas même épargné le musée de Bagdad, et destructions spectaculaires menées par les jihadistes sur les sites archéologiques. 

« Renouer avec l'Histoire » 

"Ces déchirements de la guerre, de l'occupation par l'EI, ont profondément meurtri la société irakienne", a regretté Mme Azoulay. 

"C'est la raison pour laquelle l'Unesco est engagée en ce moment comme nulle part ailleurs pour mobiliser la communauté internationale et agir directement sur le terrain", a-t-elle confié. 

Depuis 2018, l'agence onusienne a mobilisé plus de 150 millions de dollars en faveur de l'Irak, dont une grande partie allouée à la reconstruction de Mossoul, selon un porte-parole de l'Unesco. 

Accompagnée par le ministère de la culture irakien Ahmed Fakak al-Badrani, Mme Azoulay s'est attablée au café Shabandar, frappé de plein fouet par l'attentat de mars 2007. Elle s'est entretenue avec le propriétaire du café à l'histoire tragiquement célèbre: plusieurs de ses fils ont été tués dans l'attaque. 

Lors d'une allocution à la presse au musée national, Mme Azoulay s'est félicitée de la réouverture de l'institution, qui permet aux familles irakiennes "de renouer avec une longue Histoire". 

Illustrant les défis encore nombreux dans un pays aux infrastructures en déliquescence, une coupure d'électricité a eu lieu au moment où la conférence touchait à sa fin. 

L'Irak, qui compte six sites inscrits au patrimoine mondial, est le berceau des civilisations de Sumer, d'Akkad, de Babylone et d'Assyrie, auxquelles l'humanité doit l'écriture et les premières villes. 

Le pays est considéré par l'ONU comme un des cinq Etats les plus touchés par certaines conséquences du changement climatique, notamment de très graves pénuries d'eau en raison d'un débit réduit des fleuves Tigre et Euphrate. 

"Ce pays a été si fertile, ce pays a été un berceau de civilisations, à cause de ses fleuves et de son eau", a rappelé Mme Azoulay, assurant avoir proposé aux autorités l'envoi d'une mission d'un programme de l'Unesco "sur la gestion des ressources hydrographiques pour voir comment les aider a gérer cette ressource". 

Plus tôt lundi, Mme Azoulay s'est entretenue avec le président Abdel Latif Rachid et le Premier ministre Mohamed Chia al Soudani. 

Elle sera mardi à Mossoul pour inspecter les chantiers de reconstruction engagés notamment à la mosquée Al-Nouri et l'église du couvent Notre-Dame-de-l'Heure, qui attend trois nouvelles cloches fondues en France. Mme Azoulay clôturera son séjour en se rendant mercredi à Erbil, capitale du Kurdistan autonome. 


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".