DOHA: Les dirigeants des pays les plus pauvres du monde étaient réunis dimanche à Doha sous l'égide de l'ONU, réclamant des "actions concrètes" contre l'extrême pauvreté, tout en portant parfois un regard désabusé sur l'économie mondiale.
Trente-trois pays d'Afrique, 12 d'Asie-Pacifique et Haïti étaient représentés à cette conférence reportée deux fois pour cause de pandémie. Tous appartiennent à la catégorie des Pays les moins avancés (PMA), créée par l'ONU il y a 50 ans.
"Plus d'excuses", a lancé le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres aux pays les plus riches, dont aucun chef d'État ou de gouvernement n'était présent, à l'exception du pays hôte. "Il est grand temps que les pays développés respectent leur engagement de fournir aux PMA entre 0,15 et 0,2% de leur revenu national brut."
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a évoqué "l'absence de justice dans la relation entre les centres industriels avancés et les périphéries de notre monde", réclamant "un monde nouveau plus sûr, plus juste et plus libre".
Mais si un plan d'action a été adopté lors de l'Assemblée générale de l'ONU l'an passé, aucune contribution financière majeure n'était attendue au sommet.
Les PMA sont censés bénéficier de privilèges commerciaux et d'un accès plus facile aux aides et autres financements. Depuis 1971, leur nombre --24 au départ-- a pourtant presque doublé.
«En deçà des objectifs»
Le minuscule Bhoutan devrait sortir cette année de la catégorie. Bangladesh, Laos, Népal, Angola, Sao Tomé-et-Principe et les îles Salomon devraient suivre d'ici à 2026.
"Nos nations ne demandent pas la charité" mais une aide qu'elles "méritent", a estimé la Première ministre du Bangladesh Sheikh Hasina, plaidant pour "une réelle transformation structurelle" des PMA.
L'ensemble des économies des pays pauvres ont plongé sous l'effet des crises récentes: la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, puis l'inflation de l'alimentation et de l'énergie.
Un demi-siècle après la création du statut de PMA, "le constat est sans équivoque", a déploré le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh. "Nous sommes en deçà des objectifs poursuivis dans la plupart des domaines."
Depuis samedi, de fait, les constats les plus accablants se sont succédé.
Services de bases exsangues, dette souveraine abyssale, taux d'intérêts de "rapaces", logiques financières de prédation, pays riches incapables de matérialiser les promesses, pour cause de divisions géopolitiques, voire de manque de volonté politique.
"Il nous faut évaluer de manière critique l'efficacité de nos différents plans et prendre des mesures correctives", a insisté le président Guelleh.
La "vision limitée, étroite, débilitante" réduisant les PMA à des pays en attente d'aide doit être abandonnée, a-t-il ajouté, réclamant notamment des "investissements à fort rendement".
«Ironie»
La RCA, en guerre civile depuis 2013, est au cœur de la stratégie d'influence de Moscou en Afrique. Le rôle grandissant du groupe paramilitaire russe Wagner a d'ailleurs conduit la France, ex-puissance coloniale, à retirer ses derniers soldats du pays fin 2022.
Touadéra accuse les Occidentaux d'empêcher le développement de la RCA
Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a violemment attaqué les Occidentaux dimanche à Doha, les accusant "d'entretenir l'instabilité politique" pour piller les richesses du pays et empêcher son développement.
Lors d'un sommet des Pays les moins avancés (PMA) sous l'égide de l'ONU à Doha, le chef de l'Etat a jugé son pays "victime de visées géostratégiques liées à ses ressources naturelles".
"La République centrafricaine (RCA) est soumise depuis son indépendance à un pillage systématique facilité par l'instabilité politique entretenue par certains pays occidentaux" et des "groupes armés terroristes dont les leaders sont des mercenaires étrangers", a-t-il dénoncé.
"Les attaques récurrentes" de ces groupes visent à "rendre le pays ingouvernable, à empêcher l'Etat d'exercer son droit de souveraineté sur les réserves naturelles et son droit légitime à l'autodétermination".
Et Wagner vient d'être sanctionné par l'Union européenne pour ses "violations des droits humains" en Centrafrique, au Soudan et au Mali.
Dans les immenses couloirs du centre de conférence du Qatar, riche émirat gazier devenu une plateforme de négociations et de rendez-vous internationaux, les commentaires alternent entre volontarisme et militantisme, notamment au sein de la société civile.
Affirmer que les PMA ont besoin d'argent "est la meilleure façon d'éviter la réforme des structures qui les enferment dans la pauvreté", affirme à l'AFP Dereje Alemayehu, coordinateur de l'ONG Global alliance for tax justice.
"Il y a beaucoup d'ironie dans ce spectacle", déplore pour sa part Marina Durano, une Philippine du syndicat international UNI. Mais "nous devons dialoguer, faire partie du discours. Rester à l'écart, c'est laisser le statu quo demeurer."
La conférence onusienne, officiellement ouverte dimanche après un sommet samedi des PMA, doit durer jusqu'au 9 mars.