YAOUNDÉ, Cameroun : Les travaux d'une commission d'historiens français et camerounais chargée de «faire la lumière» sur l'action de la France au Cameroun pendant la colonisation, que le président français Emmanuel Macron avait appelé de ses vœux en juillet, ont débuté vendredi.
L'historienne française Karine Ramondy et l'artiste camerounais Blick Bassy co-dirigent cette commission, qui va se pencher sur le «rôle et l'engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition entre 1945 et 1971», ont-ils précisé devant une trentaine de journalistes réunis lors d'une conférence de presse au centre culturel Ubuntu à Yaoundé.
La commission rendra ses travaux publics «fin 2024», ajoutent les deux co-présidents, qui ont fait la lecture d'un communiqué.
Cette commission comprend un volet scientifique, pour «fournir une analyse de l'histoire de cette période», a indiqué Mme Ramondy. Elle coordonnera une équipe de 15 chercheurs camerounais et français qui auront accès «à la totalité des archives publiques françaises, y compris celles encore classifiées».
Après la défaite de l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, la Société des Nations (SDN, ancêtre de l'ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à la tutelle de la France et le reste - la partie occidentale bordant le Nigeria - au Royaume-Uni.
Avant l'indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont réprimé dans le sang les «maquis» de l'UPC (Union des populations du Cameroun), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays Bamiléké.
Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d'abord par l'armée française, puis après l'indépendance par l'armée camerounaise du régime d'Ahmadou Ahidjo (1960-1982).
Le second volet de la commission, animé par M. Bassy, se penchera sur les enjeux «patrimoniaux et artistiques», notamment l'étude du «patrimoine oral et matériel» de cette période.
La désignation des co-présidents avait suscité les critiques d'une partie de la communauté scientifique camerounaise.
Le professeur Daniel Abwa, président de la Société camerounaise d'histoire (SCH), avait notamment regretté «une volonté française d'écrire l'histoire du Cameroun sans les historiens camerounais», dans un communiqué.
«Les gens se sont appuyés sur une rumeur pour faire des débats», a répondu M. Bassy. «Je ne vais pas travailler avec les historiens, mais plutôt avec les associations et les gens de terrain».