WASHINGTON: Une nouvelle proposition des Nations unies visant à organiser des élections législatives et présidentielles en Libye cette année a suscité chez certains l'espoir selon lequel ce pays arabe d'Afrique du Nord riche en pétrole pourrait bientôt connaître une période de réconciliation et de stabilité après des années de conflit armé.
Les factions politiques se disputent le pouvoir au beau milieu de cette crise – voire de cette impasse – qui paralyse le pays depuis plus de dix ans, avec la chute de l'ancien dirigeant Mouammar Kadhafi, en 2011.
Malgré plusieurs tentatives pour résoudre les différends entre les groupes belligérants et parvenir à un consensus sur le partage des pouvoirs, la Libye reste cruellement divisée entre le gouvernement d'entente nationale à Tripoli et une administration rivale, dans l'est du pays, alliée au général Khalifa Haftar, qui commande l'armée nationale libyenne. Chaque camp est soutenu par diverses parties régionales et internationales.
Au cours d'une session de discussion organisée jeudi à Washington par le Middle East Institute et à laquelle Arab News a assisté, des experts ont partagé leurs points de vue sur la situation actuelle en Libye. Nombre d'entre eux ont souligné la nécessité de relancer le processus de négociation entre les groupes rivaux afin de parvenir à un accord et, à terme, à des élections démocratiques.
Au début de la semaine, l'envoyé de l'ONU en Libye, Abdoulaye Bathily, a annoncé une nouvelle proposition de processus électoral.
Il a déclaré que, «sur la base des accords précédemment conclus entre les parties prenantes libyennes», il avait «décidé de lancer une initiative qui vise à permettre l'organisation et la tenue d'élections présidentielles et législatives en 2023».
Stephanie T. Williams, chargée de mission non résidente au Center for Middle Eastern Policy de la Brookings Institution et ancienne conseillère spéciale des Nations unies pour la Libye, a déclaré que la situation en Libye était extrêmement complexe, le principal obstacle aux élections étant le «critère d'éligibilité» des candidats.
Selon elle, il existe un dilemme démocratique dans la mesure où les négociations constitutionnelles antérieures ont montré que les Libyens souhaitent un système présidentiel fort et susceptible d'instaurer la stabilité ainsi que l'unité entre les factions en guerre.
L'un des principaux écueils, a expliqué Mme Williams, est de savoir «qui arrivera au pouvoir» compte tenu des élections précédentes au cours desquelles des «candidats controversés» ont créé plus de frictions que d'unité, mettant finalement un terme au processus politique.
Taher el-Soni, l'ambassadeur libyen auprès des Nations unies, a déclaré au cours de la session que, dans le pays, les factions rivales en sont venues à représenter les intérêts de leurs bailleurs de fonds étrangers, ce qui entraîne encore plus de conflits.
Il a affirmé qu’un soutien s’est toujours manifesté en faveur d’un gouvernement intérimaire capable d'organiser et de tenir des élections sur une base constitutionnelle consensuelle, mais que cela n'a pas abouti parce que des pays et des groupes étrangers aux intérêts contradictoires ont interféré dans les affaires libyennes.
L'envoyé libyen a reconnu que la responsabilité de l'échec de la conclusion d'un accord global pour résoudre le conflit entre les groupes rivaux n'incombe pas seulement aux autres pays de la région et au-delà, ou à l'ONU, mais aussi aux Libyens eux-mêmes.
Cependant, aucun groupe n'a le pouvoir d'imposer l'ordre à l'ensemble du pays, d'où l'impasse qui perdure, a ajouté M. El-Soni.
«Les Libyens restent à la merci des acteurs régionaux et internationaux [et de leurs idées divergentes sur] la manière dont ils veulent gérer la Libye», a-t-il indiqué.
«La Libye ne peut être déconnectée de la géopolitique et des défis régionaux qui se produisent tout autour. Nous sommes devenus le terrain de jeu de ces conflits.»
M. El-Soni a déclaré qu'il reste à voir si la proposition de M. Bathily peut fonctionner et que beaucoup de choses dépendraient des critères de sélection des candidats.
Mary Fitzgerald, chercheuse non résidente à l'Institut du Moyen-Orient et spécialiste de la région euro-méditerranéenne et plus particulièrement de la Libye, a fait savoir que si le processus officiel de réconciliation continue de tourner en rond, des efforts officieux sont également déployés sur la base de relations personnelles.
Elle dit avoir observé des signes inhabituels, et improbables, de rapprochement entre certains personnages clés qui étaient auparavant en désaccord les uns avec les autres, mais qui semblent maintenant s'être mis d'accord sur certaines questions.
«Je pense que cela pourrait se poursuivre en dehors du processus de réconciliation formel», a-t-elle affirmé.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com