RABAT: Des militants marocains qui affirment avoir été ciblés par Pegasus ont annoncé mercredi leur intention de se joindre à l'action en justice menée aux Etats-Unis par Meta contre la société israélienne NSO, propriétaire du logiciel espion.
Selon un communiqué reçu par l'AFP, six "victimes marocaines d'intrusions illégales dans leurs téléphones" ont décidé d'intervenir dans la procédure en cours en Californie par le biais d'un recours collectif ("class action").
Ce collectif précise avoir "reçu une lettre formelle de la société WhatsApp, détenue par le groupe Meta, les avertissant que leurs téléphones personnels avaient fait l'objet d'une intrusion criminelle par le logiciel espion Pegasus, via l'application WhatsApp".
"L'intrusion criminelle a causé aux victimes de graves préjudices, en raison de leurs activités en tant que défenseurs des droits humains, journalistes, avocats et hommes politique", souligne le communiqué.
Parmi les membres du collectif, figurent trois militants des droits de l'Homme: Fouad Abdelmoumni, Abdellatif El Hamamouchi et Hicham Mansouri, ainsi que Khouloud Mokhtari, épouse du journaliste emprisonné Soulaimane Raïssouni, Ali Reda Ziane, fils de l'avocat Mohamed Ziane, également détenu, et le journaliste et universitaire Omar Brouksy.
"Ces pratiques doivent s'arrêter immédiatement. Pegasus a été utilisé pour écraser des militants des droits humains, des opposants politiques, des journalistes, des avocats. C'est inacceptable et il est évident que nous devons profiter de ce procès aux Etats-Unis pour que justice soit faite", a expliqué Fouad Abdelmoumni à l'AFP.
La Cour suprême américaine a autorisé le 9 janvier la poursuite de NSO par la société Meta, à la suite d'une première demande d'abandon de cette poursuite par NSO qui remonte à octobre 2019 devant un tribunal fédéral de Californie.
La maison mère de WhatsApp reprochait à NSO d'avoir pénétré sur les serveurs de son application de messagerie et d'avoir, par ce biais, installé Pegasus sur les téléphones portables de 1 400 utilisateurs, à leur insu.
Le Maroc fait partie d'une dizaine de pays accusés en juillet 2021 par Amnesty International d'avoir utilisé Pegasus dans le but de pirater les téléphones de journalistes, politiciens et militants des droits humains marocains et étrangers.
Les autorités marocaines ont réfuté catégoriquement ces accusations qualifiées d'"injustes et fantaisistes".
"Nous ne nous laisserons pas impressionner par quelques gesticulations de non spécialistes", a commenté Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de protection des données à caractère personnel (CNDP), une instance officielle.
"Nous attendons que les +accusateurs+ justifient scientifiquement leurs propos en évitant les tentatives d'assassinat médiatique", a tweeté mercredi M. Seghrouchi.
La CNDP a auditionné le week-end dernier des "experts techniques internationaux" à propos des "allégations non prouvées" formulées par Amnesty International.
"Si le Maroc nie être client de NSO, le gouvernement israélien soutient avoir fourni ce logiciel au régime marocain (...) Si c'est bien le cas, NSO fait partie intégrante de l'appareil répressif du Maroc à l'égard de ceux qui lui résistent", a argué de son côté Ali Reda Ziane, le fils de l'ex-bâtonnier emprisonné.
Rabat a poursuivi en diffamation des ONG et médias français qui ont révélé ou dénoncé le recours par le Maroc au logiciel Pegasus, mais ces plaintes ont été jugées irrecevables par le tribunal de Paris.