BAKHMOUT: "Je n'ai pas peur des Russes", s'exclame "Voron", un tireur d'élite des gardes-frontières ukrainiens dans la région orientale du Donbass.
"Mais ne dis pas à ma mère que je suis ici", ajoute en riant ce soldat de 29 ans, dans l'armée depuis 12 ans.
Il voulait être tireur d'élite depuis son enfance. Dans les films d'action, les tireurs d'élite sont généralement décrits comme des loups solitaires, impitoyables et silencieux, à l'affût pour abattre leurs proies avec une efficacité chirurgicale.
Mais "Voron" - de son nom de guerre qui veut dire "Corbeau" en ukrainien - décrit une réalité bien différente.
Toute une équipe
"D'habitude, le matériel que j'ai ne tient pas toujours dans une seule voiture", explique-t-il, le visage dissimulé par un masque de ski et une cagoule thermique afin de se protéger du froid mordant et de garder son identité secrète.
Pour mener à bien ses tâches, Voron a besoin de bien plus que de son AXMC, un fusil qui permet d'atteindre des cibles situées jusqu'à un kilomètre et demi de distance.
Avec lui, "ce sont des pelles, juste pour bâtir votre position, des munitions bien sûr. Et votre groupe de couverture avec votre guetteur", "généralement cinq ou six personnes, quatre au minimum".
Malgré des combats acharnés et des bombardements sans relâche dans les endroits comme Bakhmout, une ville dont l'armée russe cherche à s'emparer depuis l'été, les mois d'hiver ont ralenti le rythme de la bataille pour le contrôle du Donbass.
Mais le conflit devrait s'intensifier à l'approche du premier anniversaire du début de l'invasion russe, le 24 février.
Et les tireurs d'élite jouent leur rôle.
Ils peuvent remplir des missions de reconnaissance sur des cibles jusqu'à trois kilomètres ou tirer sur de petits groupes de combattants ennemis à partir de caches.
Mais leur première tâche consiste à méticuleusement surveiller tout changement survenu dans les environs.
"Un buisson qui n'était pas là la veille (...) pourrait abriter un tireur d'élite ennemi si c'est une zone rurale", explique-t-il.
"Dans les zones plus urbaines, vous recherchez des modifications dans les fenêtres et les toits et quelque chose qui n'est pas comme cela devrait être (...) tout est une menace".
«Un dur travail»
Voron esquive une question sur l'efficacité des tireurs d'élite dans la guerre jusqu'à aujourd'hui.
Il maintient toutefois que ceux-ci restent essentiels, même s'il reconnaît qu'ils ne sont pas la panacée.
"Certaines personnes nous détestent. Mais s'il y a des problèmes, les gens veulent toujours que nous soyons là", dit-il.
Et ils occupent une place particulière au sein de l'unité paramilitaire qui, en temps de paix, patrouille aux frontières de l'Ukraine.
"Vous êtes les yeux de votre commandant et vous êtes celui qui éliminera la menace la plus dangereuse - à moins qu'il ne s'agisse d'un char, bien sûr", souligne-t-il.
Regarder dans un viseur télescopique de longues heures durant peut être stressant, explique Voron, mais rien n'est aussi difficile que de résister au gel pendant des heures.
Les tireurs d'élite peuvent rester jusqu'à deux jours terrés dans une position.
Même lorsque les températures sont récemment descendues vers les -12 degrés Celcius, recouvrant le sol de neige et gelant tout, les hommes ont dû tenir le coup.
"Il fait sacrément froid", note-t-il en riant, "c'est un travail dur".
Mais la préparation et l'attente, aussi pénibles soient-elles, sont la force de ces hommes.
"Il y a une blague dans l'armée selon laquelle si vous dites à l'infanterie et à un tireur d'élite qu'ils ont huit heures pour abattre un arbre, l'infanterie passe huit heures à le couper", raconte Voron. "Le tireur d'élite passe sept heures à aiguiser sa hache, puis le coupe d'un seul coup".