LONDRES: L'auteur Salman Rushdie déclare se sentir «chanceux» d'être en vie, lors de sa première interview depuis qu'il a été poignardé à New York.
S'adressant au magazine The New Yorker, Rushdie affirme que son «sentiment dominant était la gratitude» de ne pas avoir été plus gravement blessé lors de cet incident, qui a nécessité un traitement d'urgence et l'a forcé à une hospitalisation de six semaines.
«Les grosses blessures sont pour ainsi dire guéries. J'ai des sensations dans mon pouce et mon index et dans la moitié inférieure de la paume. Je fais beaucoup de thérapie des mains, et on me dit que je vais très bien.»
«Je suis capable de me lever et de marcher. Quand je dis que je vais bien, je veux dire qu'il y a des parties de mon corps qui ont besoin de contrôles constants. C'était une énorme agression.»
L'écrivain américano-britannique d'origine indienne a été attaqué sur scène lors d'une conférence à la Chautauqua Institution le 12 août par Hadi Matar, âgé de 24 ans, qui aurait été inspiré par la fatwa émise contre Rushdie par le Guide suprême iranien décédé Ruhollah Khomeini en raison de son livre Les Versets sataniques.
Salman Rushdie, qui a passé plusieurs années à se cacher après la publication de la fatwa, a été poignardé par Matar à plusieurs reprises au cou et au torse, perdant ainsi un œil ainsi que l'usage d'une main.
Matar a été accusé de tentative de meurtre au deuxième degré et de tentative d'agression au deuxième degré, deux accusations qu'il nie entièrement.
Rushdie souligne qu'il n’accuse que son agresseur pour cette attaque et qu’il ne ressent aucune amertume envers qui que ce soit d’autre, bien que la salle en question ait mis en place des mesures de sécurité insuffisantes.
«Je ne sais pas ce que je pense de lui, parce que je ne le connais pas», déclare Rushdie à propos de Matar, qui a admis ne pas avoir lu «Les Versets Sataniques» dans leur intégralité.
«Tout ce que j'ai vu, c'est son interview idiote dans le New York Post. Ce que seul un idiot ferait. Je sais que le procès n’aura pas lieu de sitôt. Il pourrait ne pas se tenir avant la fin de l'année prochaine. Je suppose que j'en saurai alors plus sur lui.»
Rushdie poursuit: «Je me suis efforcé au cours de ces années d’éviter la récrimination et l'amertume. Je pense juste que ce n'est pas une bonne vision des choses. L'une des façons dont j'ai géré tout cela est de regarder vers l'avant et non vers l'arrière. Ce qui se passera demain est plus important que ce qui s'est passé hier.»
«Je me suis toujours efforcé de ne pas endosser le rôle de victime. Vous êtes alors juste assis là à dire: “Quelqu'un m'a planté un couteau! Pauvre de moi”… Ce que je pense parfois.»
Il admet, cependant, que l'écriture est devenue difficile à la suite de l'attaque. «Il existe une chose que l’on appelle le SSPT [syndrome de stress post-traumatique]», affirme-t-il.
«J'ai trouvé qu’écrire était très, très difficile. Je m'assieds pour écrire et rien ne se passe. J'écris, mais c'est une combinaison de vide et de bric-à-brac, des trucs que j'écris et que je supprime le lendemain. Je ne suis pas encore sorti de cette forêt, vraiment pas.»
Rushdie s'exprimait avant la publication de son dernier roman, Victory City, qu'il avait achevé avant le jour fatidique de la Chautauqua Institution.
Il ajoute que l'avenir de sa carrière d'écrivain demeurait incertain après l'attaque.
«Je vais vous dire très honnêtement, je ne pense pas au long terme, confie-t-il. Je réfléchis étape par étape. Je me dis simplement “avance tant que tu peux”.»
Il indique toutefois qu'il pourrait écrire une suite à ses mémoires Joseph Anton, qui relaterait presque certainement l'attaque.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com