MONTRÉAL: Le lendemain de sa nomination comme représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, le 26 janvier, Amira Elghawaby a dû clarifier des déclarations polémiques qu’elle avait faites en 2019. La parution d’un article dans le quotidien La Presse a en effet rappelé le contenu d'une lettre publiée par Elghawaby dans le Ottawa Citizen, où elle dénonçait le sentiment antimusulman qui aurait entouré l'adoption de la loi sur la laïcité de l’État, également connue sous le nom de «loi 21» au Québec.
«Malheureusement, la majorité des Québécois semblent influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman»
Amira Elghawaby, à propos de la loi 21 dans une chronique du Ottawa Citizen
Dans un message publié sur Twitter, elle a expliqué qu’elle «ne pense pas que les Québécois sont islamophobes», mais que ses commentaires précédents faisaient référence à un sondage sur la loi 21.
Ce texte coécrit avec Bernie Farber, président du Réseau canadien antihaine, en 2019, se basait sur un sondage de la firme Léger, qui montrait que 88 % des Québécois qui avaient une perception négative de l’islam étaient défenseurs de la loi sur la laïcité de l’État.
De son côté, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a été appelé à commenter les déclarations d'Elghawaby lors d'une réunion avec les membres de son caucus et a déclaré qu'il ne partageait pas ses propos et qu'il s'attendait à ce qu'elle les clarifie
QUE DIT LA LOI 21 AU QUÉBEC?
Elle interdit le port de symboles religieux pour les employés de l'État en position d'autorité de contrôle et les enseignants dans le réseau scolaire public. Cependant, elle reconnaît le droit des personnes déjà en poste avant le 27 mars 2019, jour précédant la présentation du projet de loi.
Nomination contestée et «douteuse»
La nomination d'Amira Elghawaby a été critiquée par le ministre de la Langue française du Québec, Jean-François Roberge, qui l’a qualifiée de «douteuse» en raison de ses opinions antiquébécoises. «Au nom du gouvernement, je lui ai demandé de retirer ses propos et de s'excuser. Or, elle n'a fait que tenter de justifier ses propos odieux. Ça ne passe pas. Elle doit démissionner et si elle ne le fait pas, le gouvernement doit la démettre sans délai», a affirmé celui qui est aussi ministre de la Langue française, dans une note écrite transmise à Radio-Canada.
D'autres ministres au sein du gouvernement Trudeau, comme Pablo Rodriguez, ministre fédéral du Patrimoine, ont également exprimé leur insatisfaction et ont été blessés et insultés par les déclarations de Mme Elghawaby.
Sur Twitter, vendredi, le chef de l'opposition officielle, le conservateur Pierre Poilievre, a déclaré que Trudeau choisissait encore une fois de diviser les Canadiens en nommant une personne ayant fait des remarques antiquébécoises, antijuives et antipolicières. «Il [Justin Trudeau] doit nommer quelqu'un qui peut nous unir tous dans la lutte contre le racisme et l'islamophobie», affirme-t-il.
EN BREF
La semaine dernière, le Canada a nommé sa toute première conseillère chargée de la lutte contre l'islamophobie, dans un pays marqué par une série d'attaques visant la communauté musulmane ces dernières années. Le communiqué émis par le bureau du Premier ministre Justin Trudeau indique que Amira Elghawaby sera en charge de représenter, conseiller, informer et parler au nom du gouvernement fédéral dans ses efforts pour lutter contre l'islamophobie, le racisme systémique, la discrimination raciale et l'intolérance religieuse. L'annonce a été faite jeudi par le ministre de la Diversité et de l'Inclusion, Ahmed Hussen.
Islam et engagement civique
Le chef du Nouveau parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a pour sa part apporté son soutien à Amira Elghawaby, affirmant qu’elle avait clarifié sa pensée et qu'il était important de lutter contre l'islamophobie, qui est une réalité au Canada.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a quant à lui sollicité une rencontre urgente avec Mme Elghawaby, et le Premier ministre Trudeau s'est engagé à la faciliter.
Le président du Centre culturel islamique de Québec, Mohammed Labidi, a également défendu la nomination de Elghawaby. «C’est une femme, elle est bilingue, elle a toutes les qualités pour mener ce dossier», a-t-il indiqué sur le nouveau site Web de 24 heures (24heures.ca).
«Elle nous a appuyés tout au long et après la tragédie de l’attentat perpétré à la grande mosquée de Québec il y a six ans. Elle était là à la Cour pour appuyer les familles, et a montré son engagement et ses compétences pour soutenir les familles de victimes», a-t-il ajouté.