PARIS: Le journaliste Jean Clémentin, ancienne grande plume du Canard Enchaîné accusée d'avoir été un espion de l'Est dans les années 1960, est "décédé le 5 janvier à 98 ans", a annoncé mercredi l'hebdomadaire satirique.
"Durant les années 70-80, (Jean Clémentin) avait été l'un des piliers du Canard Enchaîné", rappelle dans un entrefilet le journal, qui "s'est tourné vers l'investigation" sous "son impulsion".
Jean Clémentin "dit 'Tintin', dit 'Jean Manan'", avait rejoint l'hebdomadaire en 1960, après avoir travaillé pour l'Associated Press pendant la guerre d'Indochine (1946-1954), puis à "Combat", aux "Temps modernes" et à "Libération" (fondé par Emmanuel d'Astier de La Vigerie et publié de 1941 à 1964).
L'auteur d'ouvrages comme "Quasi" et "Les poupées de Kirchenbronn" avait pris sa retraite de journaliste en 1989 pour se consacrer à la littérature.
Mais il est revenu dans l'actualité l'année dernière, une enquête de l'Obs l'accusant d'avoir été, de "1957 à 1969", un "espion stipendié des Tchécoslovaques, donc du camp soviétique".
La Tchécoslovaquie, scindée depuis 1993 en deux Etats (République tchèque et Slovaquie), était alors un Etat satellite de l'Union soviétique.
"Pipa" (son nom de code) a notamment "remis pas moins de 300 notes, au cours de 270 rencontres en France et à l'étranger", relevait l'Obs, s'appuyant sur un dossier du StB, les services secrets tchécoslovaques, exhumé par un historien.
Il a également "participé activement – et consciemment – à trois opérations de désinformation, en publiant dans Le Canard enchaîné des articles conçus par la StB".
"Nous ne sommes évidemment pas au courant, nous sommes sidérés", avait affirmé l'année dernière à l'AFP Nicolas Brimo, directeur actuel du Canard.
Jean Clémentin aurait assumé ses premières sympathies pour le bloc de l'Est pendant la guerre d'Indochine, écœuré par les méthodes de l'armée coloniale française, avant de collaborer avec un membre de l'ambassade tchécoslovaque à Paris.
Attiré par les "démocraties populaires" de l'Est mais aussi par "l'appât du gain", il était décrit par son officier traitant comme un homme qui "aime l'argent", revendique "cinq maîtresses" et n'a pas les revenus suffisants pour subvenir à son train de vie.
Protégé de toute poursuite par la prescription, Jean Clémentin "n'avait pu répondre à ses détracteurs" l'année dernière en raison d'une "santé chancelante", affirme mercredi le Canard Enchaîné.
"Fin de partie. Tchèques et mat !", conclut le journal.