ANKARA: Istanbul accueille depuis un an un rassemblement spécial qui recourt aux traditions musicales afro-arabes pour renforcer la compréhension mutuelle et l’intégration sociale en Turquie.
Depuis 2019, le 24 janvier est célébré comme la Journée mondiale de la culture africaine et afrodescendante. Un groupe unique a pris racine en Turquie, combinant les traditions musicales de l’Afrique et du monde arabe.
Le groupe, composé de dix musiciens, allie musique arabe soufie et meshk sous la direction d’Abdallah Kaymak. Les membres du groupe se réunissent chaque dimanche dans le quartier Üsküdar d’Istanbul, sur la rive anatolienne.
Le groupe se produit dans un environnement chaleureux de la ville où les musiciens – des percussionnistes, violoncellistes et violonistes aux chanteurs et joueurs d’instruments orientaux traditionnels comme l’oud, le ney et le rebab – et le public s’assoient en cercle et discutent dans un espace ouvert.
Chaque rassemblement musical, appelé meshk, est gratuit et ouvert à tous.
Au cours des sessions, des hymnes soufis traditionnels afro-arabes sont chantés avec la participation du public, qui fait office de chœur spontané.
Les chansons sont puisées dans le répertoire musical bien connu du monde arabe, en particulier des États du Golfe, de la région du Maghreb, de la Syrie, de l’Irak, de l’Égypte et de la Libye.
Le groupe a fait sa première apparition lors du dernier ramadan. Les retours positifs du public ont encouragé ses membres à poursuivre leur projet.
Ils prévoient de toucher un public plus large sans sacrifier les qualités qui les rendent uniques et ils commencent également à recevoir des invitations pour se produire à l’étranger.
À l’invitation du Centre d’études soufies Chishtiya Ribbat, ils se produiront au Pakistan à la fin du mois de janvier et ils animeront plusieurs sessions interactives de meshk.
«Les musiques turque et arabe interagissent depuis des siècles. Les instruments sont similaires, mais aussi les sujets, les mœurs et les traditions musicales», déclare M. Kaymak, chanteur principal et chef du groupe, à Arab News.
«Si la politique régionale soutient la paix, le multiculturalisme et les valeurs universelles des sciences humaines, la musique devient également un instrument pour atteindre cet objectif», poursuit-il.
M. Kaymak, originaire de Mauritanie, a appris l’arabe durant les années où il a vécu en Égypte, ce qui lui confère une parfaite maîtrise des paroles et de la prononciation.
De son enfance, il se souvient de différentes séances de meshk sous la houlette de son père, qui interprétait de la musique issue du Maghreb ainsi que des hymnes de la région du Golfe, de l’Irak et de la Libye.
Avant sa dernière escale à Istanbul, il s’est produit à Médine, au Caire, à Alexandrie, en Jordanie et en Mauritanie, ainsi que dans la province méridionale d’Adana en Turquie.
Hatice Gulbahar Hepsev est une autre membre du groupe. Pendant le meshk, elle joue du rebab, un instrument en bois semblable à un luth d’origine arabe qui se joue avec un archet.
«Au cours de ces rassemblements musicaux, un lien émotionnel se crée entre les musiciens et le public», indique-t-elle à Arab News.
«Lorsque vous apprenez à connaître une personne dans un meshk, vous l’invitez au prochain rassemblement et le public ne cesse de croître», précise-t-elle.
Ceux qui rejoignent un meshk pour la première fois sont naturellement surpris par le caractère participatif et l’atmosphère unique du rassemblement multiculturel, mais le pouvoir universel de la musique s’empare inévitablement d’eux.
Le public est principalement composé de jeunes et d’invités d’âge mûr, originaires de différentes parties du monde, notamment de Turquie, de la région arabe, d’Europe et des États-Unis.
Reflet de la richesse musicale et linguistique d’Istanbul, le rassemblement est devenu, au cours des derniers mois, une sorte d’attraction touristique.
«La caractéristique commune du public est qu’il ne se limite pas à des perceptions étroites. Les spectateurs sont plutôt intéressés par les différentes cultures et ils sont enthousiastes à l’idée de connaître les origines de l’autre», souligne M. Kaymak.
«Par conséquent, le profil de notre public est composé de ceux qui aiment – plutôt que de simplement tolérer – le multiculturalisme et le multilinguisme.
Ce projet contribue à la compréhension mutuelle dans la société turque, au sein de laquelle les Arabes et les Africains ont toujours été associés aux réfugiés et aux demandeurs d’asile qui perturberaient le tissu social.
Selon Hatice Gulbahar Hepsev, certains spectateurs apprennent de nouveaux hymnes arabes lors de ces rassemblements et ils se sentent chez eux.
«Les spectateurs turcs apprennent de nouveaux hymnes des mondes africain et arabe, ce qui leur donne l’occasion de connaître de nouvelles cultures et d’enrichir leurs échanges avec les peuples des pays arabes. De cette manière, nos rassemblements musicaux jouent un rôle important dans l’intégration sociale en Turquie», affirme-t-elle.
Avant de rejoindre le groupe, elle a participé à différents projets à Istanbul où elle a interprété de la musique soufie ottomane, turque et d’Asie centrale.
À l’ouverture de chaque rassemblement musical, M. Kaymak prononce généralement un discours et encourage les spectateurs à l’accompagner dans les reprises des hymnes.
«Les applaudissements et la participation du public renforcent l’atmosphère positive et le déroulement harmonieux du rassemblement», insiste Hatice Gulbahar Hepsev.
Chaque semaine, de nouveaux chanteurs et instrumentistes rejoignent le meshk, ce qui en fait un projet dynamique en constante évolution.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com