Au Danemark, les éleveurs de visons dévastés face à la disparition de leur filière

Visons abattus dans une ferme près de Naestved, au Danemark, après qu’une version mutée du nouveau coronavirus a été détectée chez les visons danois (Mads Claus Rasmussen / Ritzau Scanpix / AFP)
Visons abattus dans une ferme près de Naestved, au Danemark, après qu’une version mutée du nouveau coronavirus a été détectée chez les visons danois (Mads Claus Rasmussen / Ritzau Scanpix / AFP)
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Publié le Vendredi 20 novembre 2020

Au Danemark, les éleveurs de visons dévastés face à la disparition de leur filière

  • Au Danemark, les éleveurs de visons vivent des heures noires depuis l'ordre controversé d'éliminer leurs millions d'animaux pour cause de mutation du coronavirus
  • Le Danemark est depuis des décennies l'improbable pays roi du vison, élevage apparu chez les fermiers dans les années 1930 pour faire face à la chute des prix alimentaires

COPENHAGUE, Danemark : Certains ont vu leurs bêtes "massacrées", d'autres résistent encore avant de les abattre : au Danemark, les éleveurs de visons vivent des heures noires depuis l'ordre controversé d'éliminer leurs millions d'animaux pour cause de mutation du coronavirus.

Samedi, les éleveurs mécontents et leurs soutiens prévoient de manifester, tracteurs à l'appui, dans les deux plus grandes villes du pays, Copenhague et Aarhus.

"Nous sommes en état de choc", résume Marianne Nørgaard Sørensen. "Les mots ne peuvent pas décrire le cauchemar qu'on traverse".

Mariée à un éleveur qui consacre son activité aux visons depuis 1993, cette institutrice de 46 ans habite dans le Jutland du Nord, la région du nord-ouest du pays qui concentre le plus d'élevages. Comme des millions d'autres, leurs 27.000 bêtes ont été euthanasiées en urgence, début novembre.

"Nous avons écrit à l'autorité vétérinaire pour demander deux jours de plus mais ils ont débarqué (...) C'était très dur, la vidéo du massacre s'est retrouvée en ligne. Si seulement on avait eu deux jours de plus, on aurait pu le faire de manière humaine", raconte-t-elle.

Fiasco politique

Le Danemark est depuis des décennies l'improbable pays roi du vison, élevage apparu chez les fermiers dans les années 1930 pour faire face à la chute des prix alimentaires.

Avec trois fois plus de bêtes que d'habitants, le petit royaume nordique en est le premier exportateur mondial, pour un total de 670 millions d'euros, et deuxième producteur derrière la Chine.

Or l'animal prisé des fourreurs de luxe (manteaux, chapeaux, cols...) pose des problèmes dans la lutte contre le Covid-19: il peut non seulement contracter la maladie, mais aussi réinfecter l'être humain.

Début novembre, le gouvernement danois a ordonné, sur un ton alarmiste, l'abattage de la totalité du cheptel, estimé entre 15 et 17 millions de bêtes. En cause: une mutation du nouveau coronavirus pouvant potentiellement menacer l'efficacité d'un futur vaccin humain, même si une grande incertitude demeure sur ce point.

L'exécutif venait d'apprendre que cette souche, nommée "Cluster 5", avait été décelée chez 12 personnes en août et septembre dans le Jutland du Nord, décrétant en conséquence de strictes restrictions locales de déplacement.

Depuis, aucun nouveau cas. Jeudi, les restrictions ont finalement été levées et les autorités considèrent que la souche est "très probablement éteinte".

A Copenhague, l'affaire a tourné au fiasco politique: le gouvernement a dû reconnaître qu'il n'avait pas de base légale pour ordonner l'abattage des bêtes saines, entraînant la démission du ministre de l'Agriculture mercredi et des dégâts dans l'opinion.

L'abattage généralisé reste toutefois une mesure "non négociable" du fait d'autres possibles mutations, selon la Première ministre Mette Frederiksen. Elle compte faire adopter au Parlement un texte prévoyant l'interdiction de l'élevage jusqu'au 1er janvier 2022.

Indemnisations insuffisantes

Malgré tout cela, dans un autre coin du Jutland, Erik Vammen garde lui encore ses bêtes en vie.

"La nuit, quand je vois la lumière d'un véhicule qui s'approche, j'ai peur", confie le sexagénaire, qui a hérité l'élevage de son père et son grand-père.

Mais il ne se fait aucune illusion: "Si je ne les tue pas, ils vont venir le faire à ma place".

Pour lui, les indemnisations ne sont pas suffisantes. Et comment faire confiance en des autorités qui décrètent des mesures sans fondement légal?

Même si l'activité redevenait possible en 2022, peu croient en sa renaissance: il faudrait plus de 10 ans pour reconstituer des cheptels avec une fourrure de qualité.

"Il n'y a aucun espoir de futur", se désespère Marianne Nørgaard Sørensen. La principale maison de négoce, Kopenhagen Fur, a annoncé sa "fermeture contrôlée" pour deux à trois ans.

Le malheur de la filière fait toutefois le bonheur des associations de protection des animaux. Elles dénoncent depuis des années ce qu'elles considèrent comme un élevage cruel et inutile, les bêtes serrées les unes contre les autres dans de petites cages.

"Je crois qu'on ne verra jamais plus d'élevages de visons au Danemark", juge Joh Vinding, directeur de l'ONG Anima.

Les grandes maisons européennes de luxe s'étaient largement détournées de la fourrure ces dernières années, ce qui avait déjàa affecté le secteur, et le gros des débouchés se concentre actuellement sur l'Asie, notamment en Chine.

 


La France dans la ligne de mire de Moody's vendredi

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  • La note avait été abaissée de Aa2 à Aa3 (l'équivalent d'un 17/20) avec une perspective stable, qui suggère qu'une nouvelle révision n'est pas envisagée à plus ou moins brève échéance
  • "Le scénario le plus probable, c'est que la note soit confirmée. C'est un peu plus incertain pour la perspective", indique Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant

PARIS: Quatre mois après avoir revu sa note à la baisse, l'agence de notation Moody's dévoile vendredi sa nouvelle évaluation de la dette française, au moment où les droits de douane américains déstabilisent l'économie mondiale et mettent Paris au défi de respecter sa trajectoire budgétaire.

En décembre, François Bayrou à peine nommé Premier ministre, l'agence Moody's avait rétrogradé la note souveraine de la France au vu de la "fragmentation politique" du pays, peu propice selon elle au rétablissement rapide des finances publiques.

La note avait été abaissée de Aa2 à Aa3 (l'équivalent d'un 17/20) avec une perspective stable, qui suggère qu'une nouvelle révision n'est pas envisagée à plus ou moins brève échéance.

"Le scénario le plus probable, c'est que la note soit confirmée. C'est un peu plus incertain pour la perspective", indique Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant.

Deux rétrogradations pour "un pays aussi bien noté en l'espace de quatre mois, ce n'est pas du tout courant. C'est ce qui est arrivé aux pays d'Europe du Sud pendant la crise de la dette en 2010-2012", ajoute-t-il auprès de l'AFP.

Depuis le revers de décembre, la France s'est dotée d'un budget pour 2025 prévoyant une cinquantaine de milliards d'euros d'effort budgétaire et la menace d'une censure du gouvernement s'est momentanément éloignée.

"Vrai problème" 

Le grand facteur d'incertitude réside désormais dans l'impact qu'auront les droits de douane massifs décidés par le président américain Donald Trump sur l'économie mondiale, et donc française.

Cette offensive protectionniste a fait dégringoler les marchés financiers et attisé les craintes d'un fort ralentissement économique.

"Le risque politique est réduit aujourd'hui. On est surtout sur un risque économique et commercial", relève Norbert Gaillard.

Avant même la tempête douanière déclenchée le 2 avril, les incertitudes internationales ont conduit la Banque de France à réduire de 0,2 point à 0,7% sa prévision de croissance pour 2025. Le gouvernement se prépare à suivre le mouvement, possiblement le 15 avril lors d'une conférence sur les finances publiques.

Le Premier ministre François Bayrou a alerté dans Le Parisien: les droits de douane pourraient coûter "plus de 0,5% du PIB" à la France et "le risque de pertes d'emplois est absolument majeur, comme celui d'un ralentissement économique, d'un arrêt des investissements".

A ces perspectives d'activité assombries s'ajoutent la volonté affichée par le gouvernement d'augmenter les dépenses militaires et une remontée des taux d'intérêt pour les emprunts français à 10 ans, alourdissant le coût déjà colossal de la dette (58 milliards d'euros en 2024, selon l'Insee).

En conséquence, selon l'expert, tenir l'objectif de déficit public constituera "un vrai problème".

"Importance systémique" 

Le gouvernement entend réduire le déficit public à 5,4% en 2025, après 5,8% l'an dernier, avec l'ambition de passer sous le maximum européen de 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2029.

Un objectif encore récemment réaffirmé, même si le ministre de l'Economie Eric Lombard a suggéré vendredi qu'une escalade dans la guerre commerciale avec les Américains pourrait le compromettre. Il a exclu tout coup de rabot supplémentaire dans les dépenses et de nouvelles hausses d'impôts.

Et François Bayrou a prévenu, à propos du retour aux 3%, que "la crise pouvait tout changer".

"Avec une croissance plus faible que prévu", le gouvernement "a très peu de marges de manœuvre", constate Norbert Gaillard.

"On liste les mesures, mais on sait qu'elles sont impopulaires, qu'elles peuvent déclencher le vote d'une motion de censure, des manifestations, des mouvements de grève", développe-t-il, citant les pistes d'un effort éventuel demandé aux retraités ou d'une hausse de la TVA avancée par le patronat.

Dans son évaluation en décembre, Moody's souligne que la France a régulièrement manqué ses objectifs concernant la réduction de son endettement.

Toutefois, au-delà de la fragilité de ses finances publiques, le pays a des atouts "dans un monde plus nationaliste et plus protectionniste", estime Norbert Gaillard — outre une économie diversifiée et des institutions solides.

Seule puissance nucléaire de l'UE, elle est "incontournable au niveau européen", avec "une importance systémique, financière, économique et stratégique".

 


Droits de douane: l'industrie française veut faire front face à un «choc historique»

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  • Face à ce que certains acteurs ont qualifié de "choc historique", la rencontre devait permettre d'identifier les "impacts directs et indirects" de ces nouvelles taxes douanières, notamment sur les "sous-traitants et l'emploi", indique Bercy
  • L'un des principaux enseignements est qu'il n'y a "pas d'objection à une approche ferme et une réponse rapide de l'Union européenne", a poursuivi la même source, rapportant toutefois des "sensibilités" et des "inquiétudes" différentes selon les filières

PARIS: Les industriels français se sont réunis mardi à Bercy autour du ministre Marc Ferracci pour faire part de leurs inquiétudes face à un "choc historique" et tenter d'élaborer une position française commune dans la riposte européenne face à la crise commerciale mondiale déclenchée par la hausse des droits de douane américains.

Le Conseil national de l'Industrie réunissait mardi des représentants de tous les secteurs industriels, notamment de l'énergie, des matériaux (bois, chimie, matériaux, eau, mines, métallurgie, valorisation des déchets), des transports (industrie aéronautique et spatiale, automobile, ferroviaire, industries de la mer), des biens de consommation et de la santé (agroalimentaire, mode et luxe, industries de santé).

Face à ce que certains acteurs ont qualifié de "choc historique", la rencontre devait permettre d'identifier les "impacts directs et indirects" de ces nouvelles taxes douanières, notamment sur les "sous-traitants et l'emploi", indique Bercy.

L'un des principaux enseignements est qu'il n'y a "pas d'objection à une approche ferme et une réponse rapide de l'Union européenne", a poursuivi la même source, rapportant toutefois des "sensibilités" et des "inquiétudes" différentes selon les filières, notamment sur les conséquences d'une escalade.

L'Union européenne a proposé de répliquer aux taxes américaines sur les importations d'acier par des droits de douane de 25% sur des marchandises américaines, mais épargnera le bourbon, pour éviter des représailles aux vins et spiritueux européens, selon une liste consultée par l'AFP.

L'UE pourrait présenter sa réponse aux droits de douane de 20% "en début de semaine prochaine", selon un porte-parole de la Commission.

"Reports de marchés" 

Alors que les Etats-Unis ont acté mardi une taxation des produits chinois de 104% au total, plusieurs filières ont manifesté leurs inquiétudes concernant d'éventuels "reports de marché" asiatiques vers l'Europe, une crainte notamment soulevée par le secteur automobile.

Sur ce point, pour la filière acier, "ce qu'on peut faire est encore significatif", a estimé Bercy, qui soutient l'idée d'un renforcement de la clause de sauvegarde.

Cette clause de sauvegarde est une mesure de protection utilisée par l'Union européenne pour limiter les importations. L'UE y a recours depuis 2018 pour protéger ses producteurs d'acier.

"On va demander une nouvelle évolution de ces mesures de sauvegarde au 1er juillet de manière à se montrer encore plus restrictifs", ajoute Bercy, des mesures qui pourraient aussi s'appliquer à d'autres secteurs.

En France, le président Emmanuel Macron avait appelé la semaine dernière les industriels français à suspendre leurs investissements aux Etats-Unis, dans le cadre d'une riposte européenne qu'il souhaite "proportionnée" afin de laisser sa chance à la négociation avec les Américains.

Mardi, la Bourse de New York a terminé en net recul, manquant le rebond tenté en début de journée, les investisseurs se montrant à cran face aux droits de douane, tandis que les valeurs automobiles ont plongé à la suite de cette offensive protectionniste américaine sans équivalent depuis les années 30.


L'Arabie saoudite ambitionne de renforcer la voix des marchés émergents au sein du comité influent du FMI

Mohammed Al-Jadaan a présidé la première réunion officielle du CMFI organisée dans le Royaume. SPA
Mohammed Al-Jadaan a présidé la première réunion officielle du CMFI organisée dans le Royaume. SPA
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  • Cette réunion marque une étape importante, car c'est la première réunion officielle du CMFI organisée dans le Royaume.
  • En présidant le CMFI, l'Arabie saoudite se positionne comme un acteur central dans l'élaboration de la politique économique mondiale. 

DJEDDAH : L'Arabie saoudite souhaite faire entendre la voix des économies émergentes au sein d'un comité clé du Fonds monétaire international (FMI), a annoncé le ministre saoudien des Finances.

S'exprimant lors de la session d'ouverture de la réunion des députés du Comité monétaire et financier international à Diriyah, Mohammed Al-Jadaan a fait l'éloge du FMI et des membres du CMFI pour avoir guidé l'organisation à travers des périodes difficiles, a rapporté l'agence de presse saoudienne SPA. 

M. Al-Jadaan, qui a été nommé président du CMFI en décembre 2023 pour un mandat de trois ans, a souligné « l'importance de la collaboration pour assurer la stabilité financière mondiale et une croissance économique forte et inclusive », selon SPA.

Cette réunion marque une étape importante, car c'est la première réunion officielle du CMFI organisée dans le Royaume.

Le rapport SPA ajoute que M. Al-Jadaan a salué le nouveau membre du CMFI issu du continent africain, qui participe pour la première fois à l'histoire du comité, et a déclaré que le Royaume, en tant que président du comité, souhaitait renforcer la voix des marchés émergents et des économies en développement au sein de cet important organisme.

En présidant le CMFI, l'Arabie saoudite se positionne comme un acteur central dans l'élaboration de la politique économique mondiale. 

Le comité sert d'organe consultatif au Conseil des gouverneurs du FMI et aborde les questions économiques mondiales, tout en recommandant des mesures pour soutenir la stabilité financière et la croissance.

À cette occasion, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a remercié l'Arabie saoudite pour son soutien constant et son rôle de chef de file. 

Elle a noté qu'en dépit d'importants changements de politique au niveau mondial, « la mission du FMI consistant à favoriser la stabilité macroéconomique et financière reste aussi essentielle aujourd'hui qu'elle l'était il y a 80 ans ». Nos 191 pays membres peuvent continuer à compter sur le FMI en tant que conseiller de confiance ». 

Au cours d'une table ronde intitulée « Sortir de la voie de la faible croissance et de l'endettement élevé », les participants ont souligné que l'économie mondiale se trouve à un moment charnière, avec une incertitude accrue qui perturbe les flux de capitaux à travers les marchés avancés et émergents.

Les panélistes ont noté que les perspectives de croissance restent inférieures aux normes historiques, les niveaux d'endettement élevés limitant les investissements dans les infrastructures, les protections sociales et la création d'emplois, et donc la capacité des nations à répondre à de nouveaux chocs économiques.

Ils ont également discuté de la double nature des forces de transformation telles que l'intelligence artificielle, la numérisation et les changements démographiques, qui présentent à la fois des risques et des opportunités. 

Lors d'une deuxième table ronde intitulée « Renforcer le filet de sécurité financier mondial », le rôle central du FMI dans le soutien aux pays confrontés à des problèmes de balance des paiements a été examiné. 

Les participants ont étudié les moyens d'approfondir la coordination entre le FMI et les institutions financières régionales. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com