CHICAGO: Mardi, d’éminentes personnalités politiques européennes ont incité leurs gouvernements à condamner plus fermement la réponse violente du régime iranien aux manifestations en cours dans le pays ainsi que la répression des droits des manifestants.
Lors d’une conférence organisée par le Comité international en quête de justice (ISJ) au Press Club de Bruxelles, plusieurs anciens membres du Parlement européen ont appelé à la fermeture des ambassades iraniennes et à l’expulsion des diplomates. Par ailleurs, ils exhortent tous les pays européens à «mettre un terme à leur hypocrisie» en fermant également leurs propres ambassades en Iran.
On compte parmi les intervenants Alejo Vidal-Quadras, président de l’ISJ et ancien premier vice-président du Parlement européen, Struan Stevenson, président de la Commission de l’ISJ sur la protection des libertés politiques en Iran et ancien membre du Parlement européen (1999-2014), et Ingrid Betancourt, une candidate à la présidence colombienne qui a été prise en otage par des guérilleros dans son pays d’origine pendant plus de six ans.
Cette dernière, qui détient également la nationalité française, a déclaré que les gouvernements européens devraient immédiatement rappeler leurs ambassadeurs d’Iran, ajoutant que les ambassades «doivent être fermées» et que le monde doit faire preuve de «courage».
Elle a félicité les manifestants iraniens qui poursuivent le soulèvement entamé le 16 septembre dernier et qui est principalement dirigé par des femmes. Ces mouvements ont commencé peu après la mort en garde à vue de Mahsa Amini, 22 ans, qui avait été arrêtée pour avoir prétendument enfreint les codes vestimentaires stricts du régime.
La réponse des autorités de Téhéran est une tentative brutale pour réprimer le soulèvement populaire. Les intervenants soutiennent que plus de cinq cents civils auraient été exécutés jusqu’à présent, selon les estimations. Beaucoup ont été pendus à des grues en public.
«C’est la première révolution menée par des femmes. Pendant que les femmes se battent pour recouvrer leurs droits, les hommes sont également attaqués et persécutés par le régime. Tous sont pris pour cible», déclare Ingrid Betancourt.
«En ce moment, ces femmes mettent leur vie en jeu et elles le font pour nous – toutes les femmes du monde. Si nous ne faisons pas les choses correctement, nous ne pourrons résoudre aucun autre problème à travers le monde. Il est question, avant tout, d’humanité.»
Elle accuse le régime iranien de cibler ses détracteurs en menant des attaques terroristes dans le but de faire taire leur soutien aux manifestants.
«S’ils doivent […] tuer leur jeunesse, imaginez ce qu’ils font subir à leur pays», souligne-t-elle avant de critiquer les autres nations pour leur manque de mobilisation.
«Nous ne faisons rien. Je suis offensée par l’inaction de nos gouvernements face à ce qui se passe en Iran», poursuit-elle.
À la fin de l'année dernière, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, a été critiqué par des membres de l’ISJ pour avoir signé un traité d’échange de prisonniers avec le régime iranien. Leur lettre de protestation, signée par vingt et un anciens ministres et dignitaires européens, exhorte les autorités belges à ne pas inclure les terroristes condamnés dans le traité, en particulier le redoutable Assadollah Assadi, condamné en 2021 à vingt ans de prison en Belgique pour son rôle dans un complot qui visait à bombarder un rassemblement du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), un groupe d’opposition.
M. Vidal-Quadras souligne que de nombreux pays européens n’avaient pas été assez fermes dans leur condamnation de la violence du régime iranien contre les manifestants civils et il appelle à la mise en place d’un gouvernement alternatif qui respecterait les droits humains et civils.
«Il ne s’agit pas de remplacer une dictature par une autre dictature», précise-t-il. «La solution de rechange doit garantir la transition d’une dictature vers une démocratie.»
La démocratie a été sapée en 1953, explique M. Quadras, lorsque le Royaume-Uni et les États-Unis ont orchestré un coup d’État qui a renversé le gouvernement iranien démocratiquement élu. C’est cela, insiste-t-il, qui a conduit à la montée de la tyrannie en Iran, d’abord de la part de l’ancien chah d’Iran, puis des ayatollahs.
M. Stevenson affirme que plus de cinq cents personnes auraient été exécutées à la suite des manifestations actuelles, parmi lesquelles cinq professeurs. Malgré cela, le régime n’a «pas réussi» à mettre fin aux manifestations. Il ajoute que ce dernier avait également intensifié sa campagne de désinformation, qualifiant à tort l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien, un groupe d’opposition également connu sous le nom de «MEK», d’«islamiste» et de «marxiste».
Le MEK est une organisation militante iranienne qui veut renverser la République islamique et nommer Maryam Radjavi comme nouvelle dirigeante démocratique du pays.
«L’Occident est tombé dans le panneau», déclare M. Stevenson. «Cependant, au cours des quarante dernières années, le MEK a été la première et la seule résistance au régime tyrannique» en Iran; il a mis en lumière sa brutalité.
Comme pour justifier le point de vue du régime, lors d’une séance de questions-réponses après la conférence, la première question posée par un membre du public a accusé la dirigeante du MEK, Maryam Radjavi, d’être une islamiste. Tous les intervenants ont dénoncé cette affirmation comme une «fausse propagande» caractéristique de la désinformation promue par le régime iranien pour contrer la couverture médiatique négative de sa propre brutalité. M. Stevenson a de nouveau déclaré que les gouvernements devraient fermer les ambassades d’Iran dans leurs pays et en expulser les diplomates et le personnel.
«Il ne doit pas y avoir d’impunité pour les personnes responsables de ces atrocités», explique-t-il. «Elles doivent être tenues responsables de ces crimes.»
«Si nous gardons le silence, cela conduira à davantage d’exécutions. Mais les mots seuls ne pourront pas mettre fin à ces exécutions. Retirons nos ambassadeurs d’Iran, fermons leurs ambassades et expulsons tous les collaborateurs du régime hors de nos territoires et du sol européen. Ensuite, nous pourrons envisager de restaurer la démocratie.»
La conférence a été diffusée en direct sur Twitter. Les présentations des conférenciers sont incluses dans un rapport de 78 pages récemment publié par l’ISJ. Il est intitulé La Révolution démocratique d’Iran et examine le soulèvement actuel sous un certain nombre d’angles politiques, stratégiques, internationaux et des droits de l’homme.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com