PARIS: Le gouvernement français a dévoilé mardi sa réforme des retraites, dont la mesure phare sera l'allongement de l'âge de départ à 64 ans, contre 62 aujourd'hui, les syndicats ayant de leur côté annoncé une première journée de mobilisation le 19 février contre ce projet.
"Nous proposons que celles et ceux qui le peuvent travaillent plus longtemps (...) Ce choix, c'est aussi celui qu'ont réalisé tous nos voisins européens", a annoncé la Première ministre Elisabeth Borne lors d'une allocution télévisée. Le projet prévoit d'augmenter l'âge légal progressivement jusqu'en 2030, jusqu'à atteindre 64 ans.
"J'ai bien conscience que faire évoluer notre système de retraite suscite des craintes et des interrogations chez les Français. Nous voulons y répondre et convaincre", a-t-elle poursuivi.
Les huit principaux syndicats ont appelé à une première journée de manifestation et de grèves le 19 janvier face à ce plan auquel le président Emmanuel Macron s'était engagé dès la campagne de son premier mandat et qui est une des réformes cruciales de son second mandat.
Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, l'un des syndicats signataires, a ainsi espéré une forte mobilisation "pour que le gouvernement recule", alors que Laurent Lescure, celui de l'Unsa, autre organisation signataire, a souhaité "des actions tous les jours dans les entreprises, les administrations".
La thématique s'annonce particulièrement clivante, le Medef, principal syndical patronal, ayant, lui, salué des "décisions responsables et pragmatiques", tandis que la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen a dit vouloir "faire barrage" à "une "réforme injuste". Le parti de gauche radicale La France insoumise a dénoncé une "grave régression sociale".
La France a connu depuis une trentaine d'années une série de grandes réformes de ses systèmes de retraite, presque toutes assorties d'importants mouvements sociaux, pour répondre à la dégradation financière de ses caisses et au vieillissement de la population.
Pour chaque Français de 65 ans et plus, on en dénombre actuellement 2,6 âgés de 20 à 64 ans. Mais ils ne seront plus que 2,25 en 2030 et moins de 2 en 2040, ce qui met en péril le modèle de retraite dite "par répartition", dans lequel les cotisations des actifs paient justement les pensions des retraités.
La réforme des retraites prévoit aussi d'accélérer l'allongement de durée de cotisations, avançant à 2027 l'exigence de 43 années de cotisations pour une pension à taux plein au lieu de 2035. En échange, la pension minimum sera revalorisée pour tous les retraités, actuels ou futurs, a annoncé Mme Borne.
Chômage avant la retraite
La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. C'est 65 ans en Allemagne, Belgique ou Espagne, 67 ans au Danemark selon le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, un organisme public français.
Mais la mesure d'âge reste fortement impopulaire. Plus de deux tiers des Français (68%) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial.
"A partir de 50 ans, il est difficile pour quelqu'un de trouver un emploi. Donc, que va-t-il faire de 50 à 65 ans ? Pendant 15 ans, il va rester demandeur d'emploi avant de passer à la retraite", relève Emmanuel, un entrepreneur interrogé par l'AFP à Versailles, en banlieue parisienne.
Au Parlement, le gouvernement français, qui ne dispose pas de la majorité, espère rallier la droite modérée (Les Républicains-LR), qui s'est dite "satisfaite d'avoir été entendue" par l'exécutif, via le président du groupe à l'Assemblée nationale Olivier Marleix.
Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 23 janvier. La coalition de gauche Nupes a prévu un meeting le 17 janvier, La France insoumise (LFI - gauche radicale) une marche le 21 janvier.
"Je pense qu'on a un bon rapport de forces", a estimé la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot.
Le projet de loi doit passer en commission à l'Assemblée nationale à partir du 30 janvier, et dans l'hémicycle le 6 février.
Samedi, les "gilets jaunes" - dont les rassemblements hebdomadaires pendant plus d'un an avaient fortement marqué le premier mandat d'Emmanuel Macron - ont tenté de remobiliser.
Seules 4.700 personnes, dont 2.000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, étaient présentes pour un défilé avec des chants hostiles au président français mais sans les violences qui avaient émaillé le mouvement de fin 2018 à début 2020.