Pourquoi les Latino-Américains manifestent en solidarité avec les manifestants iraniens persécutés

La répression sévère de l'Iran contre les manifestations à l'échelle nationale a provoqué l'indignation en Amérique latine, notamment à Mexico (Photo, AFP).
La répression sévère de l'Iran contre les manifestations à l'échelle nationale a provoqué l'indignation en Amérique latine, notamment à Mexico (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 05 janvier 2023

Pourquoi les Latino-Américains manifestent en solidarité avec les manifestants iraniens persécutés

  • Des activistes se sont rassemblés devant les ambassades iraniennes dans toute la région pour dénoncer la répression de Téhéran
  • La condamnation à mort prononcée contre le footballeur iranien Amir Nasr-Azadani a contribué à déclencher une colère publique

SAO PAULO: De nombreuses personnes en Amérique latine ont manifesté contre la répression brutale de l'Iran contre les manifestations nationales déclenchées par la mort en septembre de Mahsa Amini, 22 ans, aux mains de la police des mœurs du pays pour avoir prétendument porté son hijab de manière incorrecte.

Des activistes – en particulier des femmes – ont organisé des marches et se sont rassemblés devant les ambassades iraniennes, dénonçant la répression de Téhéran et les violations des droits humains.

Les manifestations à travers l'Amérique latine ont été dynamisées par le fait que des centaines d'Iraniens risquent désormais de longues peines de prison et même des peines de mort pour avoir manifesté.

Au Mexique, par exemple, des manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade d'Iran dans la capitale nationale le 19 décembre.

«Le catalyseur de la manifestation a été la condamnation à mort du footballeur Amir Nasr-Azadani», a déclaré à Arab News la militante Paola Schietekat, qui a coorganisé la manifestation.

Mais ce n'était pas la seule raison, a-t-elle affirmé. «Nous avons été horrifiés par la longue liste de personnes actuellement condamnées à mort. Le message que le gouvernement iranien veut faire passer est que les citoyens doivent avoir peur d'exprimer leurs opinions politiques.»

Selon Human Rights Iran, une ONG basée en Norvège, au moins 100 personnes ont été inculpées ou condamnées à la peine capitale à ce jour.

Des militantes féministes et des Iraniennes vivant au Mexique ont organisé une manifestation dans la capitale en septembre.

Schietekat a signalé que certains des participants nés en Iran avaient été identifiés par les caméras de surveillance de l'ambassade et avaient ensuite eu des problèmes pour renouveler leurs documents.

«Maintenant, certains d'entre eux avaient visiblement peur des représailles et ont préféré ne pas y assister. Il était important pour eux que nous, Mexicains, montrions notre solidarité», a-t-elle ajouté.

Laura Vazquez, l'une des manifestantes, a déclaré à Arab News: «J'en ai entendu parler sur les réseaux sociaux et j'ai décidé d'y aller. C'est une cause importante. De nos jours, les gens peuvent facilement “soutenir” une manifestation mais ne pas se présenter.»

«La chose la plus estimable était d'être présent et de montrer notre solidarité. Les problèmes en Iran n'ont pas commencé en septembre. Ils sont historiques», a-t-elle ajouté.

La campagne a déjà été soutenue par 1,8 million de personnes dans le monde (Photo fournie).

Le Mexique s'est abstenu lors du vote de l'ONU qui a entraîné le retrait de l'Iran de l'agence des droits des femmes de l'organisation en décembre.

Selon Schietekat, c'était une grave erreur: «Le gouvernement mexicain a fondé sa décision sur le principe de non-ingérence, mais nous ne pouvons pas avoir de relations diplomatiques avec un pays qui viole systématiquement les droits de l'homme.

Il y avait une présence policière «disproportionnée» lors de la manifestation du 19 décembre, a-t-elle affirmé, mais aucun incident n'a été signalé.

Il y a également eu des manifestations récentes en Argentine, mais l'action la plus visible du pays a été une pétition en ligne contre l'exécution de Nasr-Azadani.

Créée par Natalia Marcellino, la campagne a déjà été soutenue par 1,8 million de personnes dans le monde.

«Je n'ai pas d'expérience particulière de la situation politique en Iran. Je suis psychologue et gère une école pour enfants ayant des besoins spéciaux. Mais j'ai été très touchée par la nouvelle et j'ai décidé de faire quelque chose», a-t-elle déclaré à Arab News.

«J'ai été surprise par la réaction massive à la pétition. Je suis heureuse de voir que nous pouvons nous réunir et faire quelque chose. Nasr-Azadani a défendu les femmes iraniennes et nous devons maintenant l’aider.»

Plusieurs célébrités ont publiquement soutenu la pétition, notamment la chanteuse d'origine colombienne Shakira, l'acteur argentin Ricardo Darin et le musicien espagnol Alejandro Sanz.

Des manifestations ont également eu lieu dans les capitales chilienne, argentine et brésilienne (Photo, AFP).

«Je crois que la Coupe du monde a peut-être donné plus de visibilité à son cas, étant donné que les gens étaient plus connectés au football et que c'est un joueur bien connu», a estimé Marcellino.

Le footballeur uruguayen Luis Suarez et le Colombien Radamel Falcao Garcia font partie des athlètes professionnels qui ont exprimé leur solidarité avec Nasr-Azadani.

Un rapport publié en 2021 par l'unité de recherche et d'études de l'actualité arabe, intitulé «Border wars: Iran’s terror haven in Latin America» (Guerres frontalières: refuge de la terreur iranienne en Amérique latine), a mentionné que depuis la révolution iranienne de 1979, la République islamique avait travaillé sans relâche afin de renforcer ses relations avec les pays d'Amérique latine, tout en recherchant des alliés politiques parmi les gouvernements de gauche de la région qui partageaient son hostilité envers les États-Unis.

Le rapport a mis en lumière la nature de la coopération politique et économique entre l'Iran et le Paraguay et a analysé les activités et opérations suspectes de l'Iran et de ses mandataires, tels que le Hezbollah, dans la zone des trois frontières en général et au Paraguay en particulier.

Dans les années 1990, une personnalité politique et religieuse paraguayenne de premier plan, Fernando Lugo, a effectué une visite historique en Iran, un geste récompensé par Téhéran par son soutien à sa candidature présidentielle réussie en 2008, selon le Dr Hamdan al-Chehri, analyste politique et spécialiste des relations internationales.

«Néanmoins, les relations diplomatiques et économiques entre les deux pays sont restées quelque peu modestes par rapport aux relations de l'Iran avec d'autres pays d'Amérique latine», a-t-il écrit.

«Cependant, dans les années qui ont suivi l’imposition de sanctions internationales, l'Iran s'est rendu compte qu'il avait besoin d'un refuge pour ses activités illégales qui soit hors de vue de la communauté internationale et à l'abri de poursuites judiciaires.

«Dans certains pays d'Amérique latine, l’Iran a trouvé le terrain de rassemblement idéal pour ses opérations illicites, en particulier dans la zone dite des trois frontières de l'Argentine, du Paraguay et du Brésil. Selon plusieurs enquêtes, les activités iraniennes étroitement surveillées dans cette région frontalière vont du trafic de drogue et d'armes au blanchiment d'argent et à l'entraînement des terroristes.»

À présent, d'éminents dirigeants politiques d'Amérique latine condamnent la répression iranienne. Lorsque le président colombien, Gustavo Petro, a félicité l'Argentine pour sa victoire en Coupe du monde sur Twitter le 18 décembre, il a exhorté l'Iran à ne pas exécuter le footballeur.

La répression de l'Iran contre les manifestations à l'échelle nationale a provoqué l'indignation en Amérique latine, en particulier à Mexico (Photo, AFP).

La Colombie a approuvé les critiques de l'Iran sur la scène internationale au cours des derniers mois.

Téhéran s'est formellement plaint à la Colombie de son vote pour évincer l'Iran de l'agence onusienne des droits des femmes.

En septembre, le président chilien, Gabriel Boric, a condamné l'Iran pour la mort d'Amini dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies.

Les mouvements féministes chiliens ont suivi les événements en Iran et ont organisé plusieurs initiatives contre le régime.

«Nous avons des relations de solidarité avec plusieurs groupes de femmes, notamment avec des Iraniennes. Nous avons manifesté contre l'Iran et produit des vidéos à ce sujet avec des sous-titres en farsi afin qu'elles puissent savoir que nous les soutenons ici», a déclaré Javiera Manzi, porte-parole du groupe féministe CF8M, à Arab News.

«Nous publions maintenant une déclaration condamnant la répression des manifestants et rassemblant le soutien de plusieurs organisations de défense des droits humains», a-t-elle ajouté.

Mahmonir Nadim, une chanteuse d'origine iranienne qui vit au Brésil depuis 2012, a révélé à Arab News: «Beaucoup de gens au Brésil affirment qu'ils n'en savent pas assez sur la situation iranienne et qu'ils ne peuvent donc pas donner d'opinion.

«Que doivent-ils savoir d'autre lorsque des personnes sont arrêtées et tuées pour avoir manifesté contre le gouvernement?»

Nadim a confié qu'elle avait toujours rêvé d'être une artiste, mais ce serait trop difficile en Iran après la révolution de 1979. «C'est pourquoi j'ai décidé de venir au Brésil.»

Elle et sa sœur ont organisé une manifestation au Brésil en septembre et en préparent une autre. Elles veulent que plus de Brésiliens les rejoignent.

«Les médias brésiliens ne montrent pas d’une manière correcte ce qui se passe là-bas, et les Brésiliens sont assez déconnectés de cette réalité», a soutenu Nadim, ajoutant que nombre de ses amis iraniens ont été détenus ces derniers mois. «Les Iraniens espèrent que nous pourrons être leur voix. Nous devons les aider.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »