2022 s'achève dans une tension extrême pour le système de santé

Un patient (D) est allongé dans un lit aux urgences adultes de l'hôpital de Hautepierre, à Strasbourg, le 29 décembre 2022. (Photo by SEBASTIEN BOZON / AFP)
Un patient (D) est allongé dans un lit aux urgences adultes de l'hôpital de Hautepierre, à Strasbourg, le 29 décembre 2022. (Photo by SEBASTIEN BOZON / AFP)
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Publié le Vendredi 30 décembre 2022

2022 s'achève dans une tension extrême pour le système de santé

  • Si la situation s'est améliorée sur le front de la bronchiolite et de la Covid-19, elle s'est tendue pour la grippe
  • La nouvelle grève déclenchée chez les généralistes entre Noël et le jour de l'An a encore accru la pression sur l'hôpital et les urgentistes libéraux de SOS Médecins

PARIS: Des urgences débordées, un manque criant de soignants à l'hôpital comme en ville: 2022 s'achève dans une tension extrême pour le système de santé, en voie de "déliquescence" selon des professionnels qui attendent la "refondation" promise par le gouvernement.

A son arrivée au ministère de la Santé début juillet, François Braun évoquait un "système de santé à bout de souffle". Six mois plus tard, l'offre de soins paraît encore plus mal en point.

Une "triple épidémie" hivernale s'est abattue sur un dispositif déjà exsangue en raison d'un manque structurel de soignants, malgré les milliards d'euros déversés depuis 2020 dans le cadre du Ségur de la santé pour renforcer l'attractivité du secteur.

Si la situation s'est améliorée sur le front de la bronchiolite et de la Covid-19, elle s'est tendue pour la grippe, le ministre de la Santé évoquant mercredi "une explosion des cas" entraînant une saturation des services de réanimation.

Partout, les appels au 15, les passages aux urgences et le recours aux brancards dans les couloirs sont anormalement élevés. Localement, comme en Savoie et dans l'Ain, des "plans blancs" ont été déclenchés, qui permettent des déprogrammations d'opérations non urgentes afin de libérer des lits.

Les "défaillances" du système ont des conséquences funestes, a souligné le syndicat Samu-Urgences de France, qui a recensé 30 "morts inattendues" de personnes en attente de prise en charge hospitalière depuis le 1er décembre en France.

Même s'il est difficile d'en mesurer l'impact, la nouvelle grève déclenchée chez les généralistes entre Noël et le jour de l'An a encore accru la pression sur l'hôpital et les urgentistes libéraux de SOS Médecins. "Plus de 50%" des cabinets sont fermés, a indiqué à l'AFP le collectif Médecins pour demain, qui avait estimé à près de 80% le niveau de sa première mobilisation, les 1er et 2 décembre.

Sa revendication centrale demeure la hausse du tarif de la consultation à 50 euros pour créer un "choc d'attractivité" vers une médecine de ville écrasée par les tâches administratives et qui n'attire plus les jeunes.

Tout en reconnaissant "les difficultés et parfois l'épuisement de certains médecins libéraux", François Braun a "fermement" condamné ce mouvement, alors que la négociation de la convention liant ces praticiens à l'Assurance maladie n'est pas terminée. L'ancien urgentiste a jugé "pas acceptable que l'accès à la santé des Français soit ainsi mis à mal" dans "une semaine de tous les dangers".

Son successeur à la tête de Samu-Urgences de France, Marc Noizet, a estimé que cette grève arrivait "au pire des moments". Mais tous les médecins hospitaliers n'ont pas critiqué l'action.

Tout «remettre à plat»

La coalition intersyndicale Action Praticiens Hôpital a demandé "que le mouvement des médecins libéraux soit pris à sa juste considération: il n'est que la face émergée de l'iceberg qu'est la déliquescence de notre système de santé".

L'amélioration des conditions de travail est au centre des attentes. "Il y a une réponse financière", mais elle n'est pas suffisante, a estimé vendredi l'urgentiste Mathias Wargon. Il faut "une réponse de fond qui est d'assurer une qualité de vie au travail, un intérêt du travail", a-t-il commenté sur franceinfo, en relevant que "les infirmières - plus que les médecins - ont l'impression de boucher les trous".

Un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants et agents hospitaliers a exigé récemment un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière. Ce qui nécessiterait d'embaucher "environ 100 000 infirmières" sur trois ans.

A eux seuls, les Hôpitaux de Paris veulent recruter 2.700 infirmières en 2023, et autant en 2024. Il faut dire qu'en quatre ans, les effectifs infirmiers de l'AP-HP, d'environ 17 000 en 2018, ont fondu de 10%, avec pour conséquence une proportion de lits fermés qui s'est aggravée, à 16%.

François Braun a réaffirmé cette semaine qu'il annoncerait dès janvier les "grands axes" de restructuration de l'offre de soins, à l'hôpital comme en ville, sur la base des travaux du Conseil national de la refondation (CNR).

"C'est tout le système de santé qu'il faut remettre à plat, et cela devient urgent", prévient Action Praticiens Hôpital.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.


Nourriture, santé: opérations de « ravitaillement » en vue en Nouvelle-Calédonie

Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel. (AFP).
Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel. (AFP).
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  • "Il y a des problèmes d'approvisionnement que nous allons résoudre: une manœuvre de ravitaillement va être mise en place"
  • Pour cela, le Haut-commissaire compte sur les renforts de sécurité intérieure qui sont arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi, soit près d'un millier d'effectifs

NOUMEA: Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel.

"Il va falloir faire un énorme travail pour rétablir le fonctionnement de la société du Grand Nouméa, qui a été durement impactée par tout ce qui a été pillé et détruit", a prévenu vendredi le représentant de l'Etat sur ce territoire du Pacifique sud, Louis Le Franc.

Le Haut-commissaire de la République a retenu pour l'heure deux "priorités": alimentation et santé.

"Il y a des problèmes d'approvisionnement que nous allons résoudre: une manœuvre de ravitaillement va être mise en place", a-t-il déclaré devant la presse à Nouméa.

Pour cela, le Haut-commissaire compte sur les renforts de sécurité intérieure qui sont arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi, soit près d'un millier d'effectifs. Ils doivent permettre de dégager les axes routiers "qu'on a besoin d'emprunter pour que les convois de réapprovisionnement alimentaire, de réapprovisionnement en médicaments, puissent se diriger vers les structures où c'est nécessaire, vers les surfaces commerciales".

Les forces de l'ordre doivent aussi "libérer tous ces barrages" qui émaillent encore l'agglomération, selon lui.