KABOUL: Le ministre de la Défense, Asadullah Khalid, a déclaré mardi dernier que l'armée nationale afghane serait capable de défendre la nation après le nouveau départ des forces américaines du pays dans les prochains mois, alors même que les experts mettaient en garde contre un retrait «irresponsable» des troupes étrangères.
«Les gens ne devraient pas s'inquiéter du retrait des forces étrangères du pays. Les forces afghanes sont pleinement capables de défendre le pays ... [et elles] étaient responsables de 96% des opérations», déclare-t-il.
Ces paroles d’Asadullah Khalid ont été prononcées lors d'une allocution au Parlement afghan mardi, au lendemain d’une information diffusée par les médias selon laquelle le président américain Donald Trump avait émis un «ordre d'avertissement» visant à réduire le nombre de soldats de 4 500 à 2 500 d'ici au 15 janvier, après plus de dix-neuf années de guerre en Afghanistan.
De nombreux habitants et des observateurs étrangers craignent que l'Afghanistan ne retombe dans une guerre civile après le départ des troupes, en particulier en l'absence d'un accord de paix entre Kaboul et les talibans; cela dans un contexte de recrudescence des attaques à travers un pays, attaques qui, selon chaque groupe, sont la responsabilité de l’autre groupe.
«Il est probable que l'Afghanistan se dirige vers des troubles civils et devienne par procuration le terrain de bataille entre les groupes des pays de la région», affirme mardi dans un tweet l'ancien vice-ministre de la Défense Tamim Asey. «Dans ce cas, l'Afghanistan deviendra une autre Syrie ou une autre Libye.» L’homme politique s'est dit préoccupé par le fait que Kaboul puisse sombrer dans le genre de chaos qui a affligé le pays dans les années 1990 après que les forces soviétiques ont quitté le pays.
Les experts estiment que si le retrait des troupes est une demande de longue date de Kaboul, il ne doit pas être fait «à la hâte».
«Nous ne voulons pas des troupes américaines ici pour toujours, mais, en même temps, nous ne voulons pas non plus d’un retrait irresponsable», déclare à Arab News Javid Faisal, conseiller de l’équipe de sécurité nationale du président afghan, Ashraf Ghani.
Le départ complet de toutes les forces étrangères du pays était un pilier de l’accord historique conclu entre Washington et les talibans en février dernier, après plus de deux ans de pourparlers secrets excluant le gouvernement de Ghani.
L'accord a conduit à une détérioration sans précédent des liens entre les administrations Ghani et Trump.
Le début des pourparlers de paix entre Kaboul et les talibans a été un élément central de l'accord de février.
Le groupe d'insurgés a été renversé par Washington à la fin de l’année 2001 après avoir refusé de remettre le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden.
L'accord a également poussé à l'échange de prisonniers entre Kaboul et les talibans. Ghani a libéré plus de 6 000 insurgés ces derniers mois, ce qui a initié des pourparlers intra-afghans à Doha, au Qatar, le 12 septembre, destinés à mettre fin à des décennies de conflit entre Kaboul et les talibans.
Cependant, les deux parties n'ont pas réussi à établir une feuille de route pour les négociations, et encore moins à s'engager dans des discussions sérieuses.
Avec Joe Biden, qui a remporté l’élection présidentielle américaine contre Trump il y a près de deux semaines, un sentiment d'espoir s'est réveillé chez certains dirigeants afghans à Kaboul. Il repose sur le fait que Biden pourrait ne pas ordonner un retrait complet des troupes, certains appelant le président élu à revoir l'accord avec les talibans.
D'autres experts estiment, cependant, que les États-Unis ne devraient pas investir davantage dans le maintien de troupes dans le pays, qui «en enrichit certains et les maintient au pouvoir».
Ahmad Fawad Samim, un ancien conseiller de la Banque mondiale, a déclaré que les Américains «favorisaient massivement» le retrait complet des troupes car ils étaient «fatigués de traiter avec des responsables afghans corrompus et incompétents».
«Si nous pensons que les soldats américains se battront toujours pour nous, nous nous trompons. Si nous pensons que le gouvernement américain parrainera nos modes de vie luxueux, nos comptes bancaires, nos ONG, nos véhicules blindés..., nous rêvons », fait-il remarquer.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com