PARIS: La croissance de l'économie française connaîtra une nette baisse de régime en 2023, toujours affectée par la crise énergétique et l'inflation, avant de rebondir sur les deux années suivantes, a projeté la Banque de France samedi.
Malgré ces nuages sombres qui s'amoncellent depuis le choc de la reprise post-Covid puis celui de la guerre en Ukraine, l'économie fait preuve de résistance: l'institution table toujours sur un cycle économique en trois "R" - résilience, ralentissement et reprise.
Ainsi, la hausse du produit intérieur brut (PIB) va fortement décélérer, de 2,6% en 2022 à 0,3% en 2023, selon le scénario "le plus probable" retenu pour les projections macroéconomiques des trois prochaines années de la banque centrale française.
Ce tassement sera suivi d'un rebond à 1,2% en 2024 – moins que le +1,8% anticipé précédemment, car "l'hiver 2023-24 pourrait encore être un peu compliqué dans le contexte de la crise énergétique", selon son directeur général, Olivier Garnier.
Mais la reprise se poursuivra en 2025 avec une croissance attendue à 1,8%. A cet horizon, le chômage, qui connaîtrait une hausse "temporaire" à plus de 8% sur la période, commencerait à refluer.
Confrontée à "un choc extérieur majeur" avec la guerre en Ukraine, l'économie française "manifeste une certaine résilience" et, une fois le trou d'air de 2023 passé, "s’adaptera ensuite à cette nouvelle donne", a fait valoir le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, dans un entretien au Journal du Dimanche.
Flambée alimentaire
Ces prévisions restent toutefois à prendre avec des pincettes, au vu des "grandes incertitudes" qui pèse sur l'économie française et européenne, a-t-il relevé.
De ce fait, la Banque de France publie pour l'an prochain une fourchette de l'évolution du PIB comprise entre -0,3% et +0,8%.
Dans tous les cas, l'institution se montre plus pessimiste que le gouvernement, qui prévoit 2,7% de croissance pour cette année et 1% en 2023.
"On n'exclut pas une récession, mais s'il y a récession, elle sera limitée et temporaire", a estimé Olivier Garnier. A plus long terme, sur "2024-28", a-t-il ajouté, "on revient sur une croissance qui rejoint la croissance potentielle de l'économie française", c'est-à-dire celle qu'elle peut maintenir à long terme.
S'ils vont quelque peu s'assagir, les prix du pétrole et du gaz resteront élevés et continueront à nourrir l'inflation, comme les prix de l'alimentation qui se sont emballés aussi.
"Mais le pic de l’inflation devrait être atteint au cours du premier semestre 2023", estime le gouverneur de la Banque de France, l'institution prévoyant une hausse des prix à 7,3% fin 2022, avant de refluer à 4% en fin d'année prochaine et de revenir aux alentours de 2% vers fin 2024-25.
"L'inflation qui, au départ, était principalement due à l'énergie, est devenue non seulement plus haute mais plus large", a constaté Olivier Garnier. "En 2023, la contribution de l'alimentation est même plus forte sur la hausse en moyenne annuelle (des prix) que celle de l'énergie".
Déficit public «élevé»
Pour mesurer l'inflation, la Banque de France utilise l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui permet la comparaison entre pays européens et accorde une place plus importante aux prix de l'énergie que l'indice des prix à la consommation utilisé par l'Insee et le gouvernement français.
L'institut statistique anticipe une inflation culminant à 7% sur un an en janvier et février, puis un repli à 5,5% en juin.
Pour tenter de dompter la flambée des prix et atteindre la cible des 2%, garants d'une stabilité des prix selon la Banque centrale européenne (BCE), cette dernière a affiché jeudi sa détermination à poursuivre ses hausses de taux.
Elle table sur une inflation à 6,3% l'an prochain en zone euro, plus élevée que précédemment anticipé, et une croissance abaissée à 0,5%.
Dans ces conditions, les ménages resteront frappés au portefeuille, avec une "baisse limitée" de leur pouvoir d'achat en 2022-2023, qui repartirait à la hausse ensuite.
Surtout, les finances publiques accuseront le coup: selon la Banque de France, le déficit public resterait ainsi "élevé", de l'ordre de 5% du PIB en 2022-23 et de 4,5% par la suite. Le taux d'endettement public resterait à 112% du PIB jusqu'en 2025.