L'Arabie saoudite et la Chine doivent privilégier leurs relations

Le roi Salmane d'Arabie saoudite avec le président chinois, Xi Jinping. (SPA)
Le roi Salmane d'Arabie saoudite avec le président chinois, Xi Jinping. (SPA)
Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, avec le président chinois, Xi Jinping, au palais d’Al-Yamamah, à Riyad. (SPA)
Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, avec le président chinois, Xi Jinping, au palais d’Al-Yamamah, à Riyad. (SPA)
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Publié le Samedi 10 décembre 2022

L'Arabie saoudite et la Chine doivent privilégier leurs relations

  • Les deux parties ont réaffirmé qu'elles continueraient à soutenir fermement leurs intérêts fondamentaux respectifs
  • Les deux parties ont exprimé leur satisfaction quant aux étapes progressives des relations bilatérales au cours des trois dernières décennies

RIYAD: L'Arabie saoudite et la Chine se sont engagées à accorder la priorité aux relations dans le cadre de leur politique étrangère ainsi qu’à établir un modèle de coopération et de solidarité pour les pays en développement, selon une déclaration conjointe publiée par les deux parties à l'issue du sommet saoudo-chinois.

Les deux parties ont réaffirmé qu'elles continueraient à soutenir fermement leurs intérêts fondamentaux respectifs, à s'aider mutuellement à préserver leur souveraineté et leur intégrité territoriale et à déployer des efforts conjoints pour défendre le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, les règles du droit international et les principes fondamentaux des relations internationales. La partie saoudienne a réaffirmé son adhésion au principe d'une seule Chine, a rapporté l'agence de presse nationale SPA.

En outre, la partie chinoise a exprimé son soutien au Royaume dans le maintien de sa sécurité et de sa stabilité. Elle a par ailleurs affirmé son opposition à toute action qui interférerait dans les affaires intérieures du royaume d'Arabie saoudite et rejeté toute attaque visant les civils, les installations civiles, les territoires et les intérêts saoudiens.

Les deux parties ont exprimé leur satisfaction quant aux étapes progressives des relations bilatérales au cours des trois dernières décennies.

En outre, elles ont souligné l'importance de poursuivre l'action conjointe dans tous les domaines, d'approfondir les relations dans le cadre du partenariat stratégique global entre les deux pays et d'atteindre des horizons nouveaux et prometteurs.

Les deux parties ont salué les résultats positifs et fructueux de la visite dans le Royaume du président chinois, Xi Jinping, en janvier 2016, et celle du roi Salmane en Chine en mars 2017, ainsi que celle du prince héritier, Mohammed ben Salmane, en février 2019. Des visites qui ont contribué à élargir le champ de la coopération entre les deux pays dans divers domaines.

En ce qui concerne les relations bilatérales, les deux parties ont rappelé qu’il était essentiel de continuer à élargir les relations saoudo-chinoises dans leur cadre international et de donner un exemple de coopération, de solidarité et d’intérêt mutuel aux pays en développement. La partie saoudienne a félicité la Chine pour le succès du 20e Congrès national du Parti communiste chinois. En outre, la partie chinoise a félicité le Royaume pour les grandes réalisations accomplies dans le domaine du développement national dans le cadre de la Vision 2030.

Les deux parties ont dit l’importance de renforcer la coopération par le biais d'un comité mixte saoudo-chinois de haut niveau afin d'atteindre des objectifs communs, de renforcer la coopération entre les deux pays dans tous les domaines, d'intensifier la communication entre le gouvernement et le secteur privé des deux pays. L’objectif annoncé est de discuter des opportunités économiques, commerciales et d'investissement et de les traduire en partenariats tangibles, ainsi que de renforcer la coopération dans des domaines qui visent à ouvrir les horizons des relations économiques et de développement entre les deux pays.

En ce qui concerne l'énergie, les deux parties ont affirmé que le renforcement de leur coopération dans ce domaine est considéré comme un partenariat stratégique de premier ordre.

Elles ont fait l'éloge du volume de leurs échanges pétroliers et des grandes bases de la coopération en raison des abondantes ressources pétrolières du Royaume et des vastes marchés de la Chine.

Elles ont également indiqué que le développement et la consolidation de la coopération dans le domaine du pétrole sont conformes aux intérêts communs des deux parties. En outre, elles ont souligné l'importance de la stabilité des marchés pétroliers mondiaux.

La Chine a salué le rôle du Royaume en tant que défenseur de l'équilibre et de la stabilité sur les marchés pétroliers mondiaux et comme un exportateur considérable et fiable de pétrole brut vers la Chine. Les deux parties sont convenues d'explorer les opportunités d'investissement communes dans le secteur pétrochimique, de développer des projets prometteurs dans les techniques de conversion pétrochimique et de renforcer la coopération conjointe dans un certain nombre de domaines et de projets, notamment l'électricité, l'énergie photovoltaïque, l'énergie éolienne et d'autres sources d'énergies renouvelables.

Les deux parties ont également décidé de développer des projets annexes, des utilisations innovantes des ressources en hydrocarbures, l'efficacité énergétique, la localisation des composants du secteur de l'énergie et ses chaînes d'approvisionnement, en plus de coopérer au niveau des objectifs pacifiques de l'énergie nucléaire et du développement de technologies modernes telles que l'intelligence artificielle ou l'innovation dans le secteur de l'énergie.

Elles ont évoqué l'importance d'approfondir la coopération conjointe dans le cadre de l'initiative intitulée «Belt and Road» («la ceinture et la route», NDLR), se félicitant de la participation des entreprises saoudiennes concernées par divers partenariats d'énergie et d'investissement dans ce cadre. Cela renforce la position du Royaume en tant que centre régional pour les entreprises chinoises dans la production et l'exportation de produits du secteur de l'énergie, mais aussi l'investissement conjoint dans des projets énergétiques des États de la région et les pays consommateurs d'énergie en Europe et en Afrique. En outre, tout cela contribuera à développer le savoir-faire saoudien et à assurer l'autosuffisance de la Chine dans le domaine de la pétrochimie grâce à ses investissements dans le Royaume.

En ce qui concerne le changement climatique, la partie chinoise a salué le lancement par le Royaume de l’Initiative saoudienne verte et de l’Initiative du Moyen-Orient vert. Elle a exprimé son soutien à tous les efforts déployés par le Royaume dans le domaine du changement climatique avec sa stratégie de l'économie circulaire du carbone approuvée par les dirigeants du G20. Les deux parties ont souligné l'importance des principes de la convention-cadre sur les changements climatiques et de l'accord de Paris et de la mise en œuvre des conventions climatiques en se concentrant sur les émissions plutôt que sur les sources. Elles sont convenues de poursuivre leur coordination sur les politiques énergétiques en utilisant l'économie circulaire du carbone comme un outil pour gérer les émissions et atteindre les objectifs climatiques.

Elles se sont également mises d’accord pour exhorter les pays développés à prendre leurs responsabilités historiques au sérieux en réduisant considérablement les émissions avant la date butoir et pour aider de manière concrète les pays en développement par un soutien financier, technique et relatif au renforcement des capacités.

Les deux parties ont salué la croissance du commerce et des investissements entre les deux pays, ce qui illustre la profondeur et la durabilité de leurs relations économiques.

Elles ont également affirmé leur volonté d'augmenter le volume des échanges non pétroliers, de faciliter les exportations non pétrolières du Royaume vers la Chine, ainsi que d'accroître les investissements conjoints de qualité entre les deux pays.

Les deux parties ont l’intention d'améliorer les travaux qui visent à tirer parti des opportunités de commerce et d'investissement disponibles, d'intensifier la capacité des porte-avions, de motiver les partenariats d'investissement du secteur privé dans les deux pays. Elles souhaitent aussi consolider les efforts qui visent à créer un environnement d'investissement attractif, favorable et incitatif dans le cadre de la Vision 2030 du Royaume et de l'initiative Belt and Road en approfondissant la coopération dans un certain nombre de domaines – notamment l'industrie automobile, les chaînes d'approvisionnement, la logistique, le dessalement de l'eau, les infrastructures, la fabrication, l'exploitation minière et le secteur financier.

La partie saoudienne a exprimé son désir d'attirer l'expertise chinoise pour participer aux futurs mégaprojets du Royaume ainsi que de permettre les investissements saoudiens en Chine et de surmonter les difficultés auxquelles ces derniers peuvent être confrontés.

La partie saoudienne fait savoir qu’il était essentiel d'attirer les entreprises internationales chinoises pour qu'elles ouvrent des sièges régionaux dans le Royaume. Elle a apprécié l'intérêt, à cet égard, d'un certain nombre d'entreprises qui obtiennent des licences pour établir leurs sièges régionaux dans le Royaume afin de bénéficier des expériences et des capacités exceptionnelles de la Chine au profit des économies des deux pays.

Les deux parties ont exprimé leur satisfaction quant à la signature du «plan d'harmonisation» entre la Vision 2030 du Royaume et l'initiative Belt and Road. Les deux parties sont convenues de l'importance d'accélérer le rythme de l'harmonisation entre leurs projets dans les deux pays, d'utiliser les avantages intégrés et d'approfondir la coopération pratique entre elles afin d'obtenir des avantages mutuels et un développement commun.

Les deux parties se sont également félicitées de la signature de douze accords et protocoles d'entente gouvernementaux pour la coopération dans les domaines de l'énergie hydrogène, du domaine judiciaire, de l'enseignement du chinois, du logement, de l'investissement direct, de la radio et de la télévision, de l'économie numérique, du développement économique, de la normalisation, de la couverture médiatique, de l'administration fiscale et de la lutte contre la corruption – cela en plus de la signature de neuf accords et protocoles d'accord entre le gouvernement et le secteur privé et de la signature de vingt-cinq autres entre les entreprises des deux pays.

La partie chinoise a invité la partie saoudienne à être l'invitée d'honneur de la 6e session de l'exposition arabo-chinoise pour l'année 2023.

Elle a également exprimé sa volonté d'approfondir la coopération en matière d'investissement avec la partie saoudienne dans le domaine de l'économie numérique et du développement vert, de renforcer la coopération en matière de commerce électronique et d'explorer les moyens de coopération économique et commerciale conjointe avec l'Afrique.

La partie saoudienne a également salué les investissements des entreprises chinoises dans le Royaume, grâce aux immenses opportunités d'investissement offertes par la Vision 2030 dans plusieurs secteurs. D'autre part, la partie chinoise a loué l'augmentation des investissements des fonds souverains et des capitaux industriels saoudiens en Chine.

Les deux parties sont convenues d'encourager la création de partenariats entre les fonds d'investissement des deux pays.

En ce qui concerne le volet financier, les deux parties ont évoqué l'importance d'une coopération conjointe pour soutenir le succès du «Cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de la portée de l'initiative de suspension du service de la dette», qui a été approuvé par les dirigeants du G20 lors de son sommet dirigé par le Royaume.

Elles ont également confirmé la nécessité de coordonner leurs positions dans les forums internationaux tels que le G20, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque asiatique afin d'investir dans les infrastructures et dans d'autres domaines de manière à renforcer les efforts qui visent à accroître l'efficacité et la gouvernance de ces groupes et institutions.

Les deux parties ont également confirmé qu’il était fondamental de renforcer la coopération dans le domaine des politiques fiscales, contribuant ainsi à renforcer la coopération financière, commerciale et d'investissement entre les deux pays.

Dans le domaine de l'eau et de l'agriculture, la partie saoudienne a salué l'établissement d'un partenariat direct entre les secteurs privés chinois et saoudien au sujet des opportunités d'investissement disponibles dans le Royaume au niveau des usines de dessalement, de l'eau potable, des lignes de transport d'eau, des usines de traitement des eaux usées, des barrages, et l'organisation d'activités commerciales entre les représentants du secteur privé des deux pays. L’objectif est de discuter des possibilités d'investissement dans les industries agricoles et alimentaires.

En ce qui concerne les communications et les technologies de l'information, les deux parties ont souligné la nécessité de renforcer le partenariat dans les domaines liés aux communications, à l'économie numérique, à l'innovation et à l'espace afin d'assurer un meilleur avenir numérique aux générations futures des deux pays.

Pour ce qui est du transport et de la logistique, elles ont dit l’importance de renforcer la coopération et l'action conjointe afin de développer les secteurs du transport aérien et maritime, les modes de transport modernes et les chemins de fer et d'accélérer l'achèvement des études sur le projet de pont terrestre saoudien.

Les deux parties ont également insisté sur la nécessité de renforcer et de développer la coopération dans les secteurs industriel et minier de manière à servir leurs intérêts communs.

Au chapitre de la défense et de la sécurité, les deux parties ont affirmé leur détermination à développer la coopération dans les domaines de la défense, à renforcer et à accroître le niveau d'échange d'informations et d'expertise dans la lutte contre le crime organisé, y compris les crimes terroristes. Elles se sont aussi engagées à prévenir la violence et l'extrémisme ainsi qu'à renforcer la coopération et la coordination des efforts et l'échange d'expertise dans les domaines de l'alerte précoce, du renseignement sur les risques, de l'évaluation des risques de sécurité et de la lutte contre la cybercriminalité de façon à servir et à concrétiser les intérêts communs des deux pays.

Les deux parties ont réaffirmé le rejet et la dénonciation du terrorisme et de l'extrémisme sous toutes ses formes, le refus de lier le terrorisme à une culture, à une race ou à une religion particulière, celui d’appliquer une politique de deux poids deux mesures dans la lutte contre le terrorisme, et l'importance de véhiculer la modération et la tolérance.

Elles ont également salué le niveau de coopération en matière de sécurité entre les deux pays amis dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de son financement.

Elles sont par ailleurs convenues de renforcer la coopération internationale conjointe pour lutter contre les crimes de corruption transfrontaliers sous toutes ses formes, d'assurer la réalisation des objectifs communs liés à la consolidation des principes de transparence, d'intégrité, de communication et de coopération efficace entre les agences concernées par la lutte contre ce fléau dans les deux pays. Elles se sont également entendues sur le fait de bénéficier des principes approuvés par le G20 en matière de lutte contre la corruption, de poursuite des criminels en fuite et de recouvrement des produits du crime, s’appuyant sur l'Initiative mondiale de Riyad pour les autorités chargées de l'application des lois anticorruption dans le domaine des enquêtes sur les affaires de corruption, de la poursuite des auteurs et du recouvrement des produits du crime.

En ce qui concerne la santé, les deux parties ont dit qu’elles comptaient renforcer leur coopération dans ce domaine et élever leur niveau de coordination pour combattre les menaces sanitaires et les pandémies actuelles et futures.

Dans le domaine culturel, les deux parties ont discuté des moyens de renforcer leur coopération dans le cadre des relations historiques et culturelles qui unissent les deux pays amis. Elles ont exprimé leur soutien et leur approbation de nombreuses initiatives culturelles qui expriment la force des relations entre l'Arabie saoudite et la Chine. Elles ont également salué le lancement de la première édition du prix du prince Mohammed ben Salmane pour la coopération culturelle entre les deux pays.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


1976, les origines de la Journée de la Terre

Un policier palestinien place un drapeau national devant des soldats israéliens lors d'affrontements sur des terres confisquées par l'armée israélienne pour ouvrir une route aux colons juifs. (AFP)
Un policier palestinien place un drapeau national devant des soldats israéliens lors d'affrontements sur des terres confisquées par l'armée israélienne pour ouvrir une route aux colons juifs. (AFP)
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  • La Journée de la terre reflète une injustice historique non résolue
  •  Pendant la Nakba, en 1948, deux villages palestiniens du nord d'Israël, Iqrit et Biram, majoritairement chrétiens, ont été dépeuplés par les forces israéliennes

AMMAN: La Journée de la terre, célébrée chaque année le 30 mars, commémore un moment crucial de l'histoire palestinienne: en 1976, six citoyens palestiniens d'Israël non armés ont été tués par les forces israéliennes lors de manifestations contre l'expropriation par le gouvernement de terres appartenant à des Arabes en Galilée.

Cet événement n'a pas seulement marqué la première mobilisation de masse des Palestiniens en Israël depuis 1948, il a également mis en évidence leur lutte permanente pour les droits fonciers et l'identité.

Les premières manifestations de la Journée de la terre, le 30 mars 1976, ont été déclenchées par le projet du gouvernement israélien de confisquer environ 20 000 dunams (2 000 hectares) de terres dans la région de Galilée, au nord d'Israël. Les terres visées par l'expropriation, dans des villages tels que Sakhnin, Arraba et Deir Hanna, appartenaient principalement à des citoyens palestiniens d'Israël.

Cette confiscation de terres à grande échelle s'inscrivait dans le cadre d'une politique israélienne plus large, la «judaïsation de la Galilée», qui visait à accroître la population juive dans la région et à réduire la proportion de terres appartenant à des Arabes.

La Journée de la terre reflète également une injustice historique non résolue. Pendant la Nakba, en 1948, deux villages palestiniens du nord d'Israël, Iqrit et Biram, majoritairement chrétiens, ont été dépeuplés par la force. L'armée israélienne a promis aux habitants, qui sont devenus citoyens israéliens et ont continué à vivre en Israël, qu'ils pourraient retourner chez eux après une brève évacuation jugée nécessaire pour des raisons de sécurité. Cependant, ils n'ont jamais été autorisés à rentrer chez eux; au contraire, les villages ont été détruits et les terres expropriées par l'État israélien.

Les villageois d'Iqrit et de Biram, ainsi que leurs descendants, continuent de faire campagne pour leur droit au retour, et les deux villages perdus restent des symboles durables de la lutte palestinienne plus large pour le droit à la terre.

Arab News a commémoré le 75e anniversaire de la Nakba en titrant en première page «La lutte continue».

L'importance de la Journée de la terre va au-delà des événements de 1976. La commémoration annuelle permet de rappeler le lien profondément ancré entre le peuple palestinien et ses terres ancestrales, un lien qui a été continuellement menacé par les politiques israéliennes conçues pour modifier les paysages historiques, démographiques et géographiques de la Palestine.

Au cours des années qui ont suivi cette première Journée de la terre, le gouvernement israélien a continué à mettre en œuvre des politiques qui aboutissent à l'appropriation de terres palestiniennes. Ces actions comprennent l'expansion des colonies en Cisjordanie, la construction de la barrière de séparation et la désignation de terres domaniales dans des zones traditionnellement utilisées par les communautés palestiniennes.  

La réponse à ces politiques a été multiforme, englobant des défis juridiques, un activisme de base et un plaidoyer international.

Les citoyens palestiniens d'Israël, ainsi que ceux des territoires occupés et de la diaspora, ont utilisé la Journée de la terre comme plate-forme pour mettre en lumière les problèmes de dépossession des terres et appeler à la justice et à l'égalité. Cette journée est devenue un événement fédérateur, favorisant la solidarité entre Palestiniens au-delà des clivages géographiques et politiques.

Cependant, les défis à relever restent considérables. Le système juridique et politique israélien favorise souvent les intérêts de l'État et des colons, ce qui rend difficile pour les Palestiniens de récupérer les terres confisquées ou d'empêcher de nouvelles expropriations.

Les lois israéliennes ont facilité l'expansion des colonies, fourni des protections juridiques aux colons et permis l'appropriation de terres, souvent au détriment des droits des Palestiniens. La loi de 1970 sur les questions juridiques et administratives, par exemple, promulguée après l'annexion de Jérusalem-Est en 1967, permet aux juifs de récupérer les propriétés qui leur appartenaient dans cette zone avant 1948, même si des Palestiniens y ont vécu pendant des décennies depuis lors. Toutefois, les Palestiniens n'ont pas le même droit de réclamer les propriétés qu'ils possédaient à Jérusalem-Ouest, ou ailleurs en Israël, avant la guerre de 1948.

Les expulsions de Sheikh Jarrah en 2021, qui ont été à l'origine de la guerre de 11 jours entre Palestiniens et Israéliens cette année-là, ont montré que les communautés palestiniennes sont toujours menacées d'expulsion à Jérusalem-Est en vertu des lois israéliennes. La Cour suprême israélienne a tranché en faveur des colons en décidant que les familles palestiniennes de Sheikh Jarrah ne pouvaient rester sur place que si elles payaient un loyer aux colons, reconnaissant de fait les revendications de ces derniers en matière de propriété de biens immobiliers antérieurs à 1948.

En outre, les réactions internationales à ces développements se sont souvent limitées à des déclarations d'inquiétude, avec peu d'actions tangibles pour tenter de rendre les autorités israéliennes responsables de leurs politiques, y compris celles liées aux questions d'expropriation de terres, de colonies illégales et de déplacements de population.

Ces dernières années, la Journée de la terre a pris une signification supplémentaire, notamment dans le contexte des manifestations de la Grande Marche du retour qui ont débuté en 2018 dans la bande de Gaza. Ces manifestations, qui réclamaient le droit au retour des réfugiés palestiniens et la fin du blocus de Gaza, se sont heurtées à une violence importante de la part des forces israéliennes, faisant de nombreuses victimes.

En outre, les actions des citoyens palestiniens d'Israël en Galilée n'ont pas permis à la société israélienne de prendre véritablement conscience des injustices historiques et actuelles perpétrées à l'encontre de ces Palestiniens. Il s'agit notamment de l'incapacité à reconnaître la discrimination systémique et la dépossession qui ont caractérisé les politiques de l'État, ou à œuvrer en faveur d'une égalité et d'une réconciliation véritables.

Les événements de 1976, qui ont marqué la première mobilisation palestinienne de masse depuis 1948, ont mis en évidence le pouvoir de la solidarité au-delà des clivages politiques, religieux et idéologiques. Cette unité est restée la pierre angulaire de la lutte, renforçant l'idée que ce n'est que par des efforts collectifs que les politiques discriminatoires peuvent être efficacement contestées et les droits affirmés.

Les enseignements de la Journée de la terre soulignent également l'importance d'une résistance stratégique et persistante, tant au niveau local qu'international. L'attention mondiale suscitée par les manifestations de 1976 a montré l'importance d'un activisme pacifique et organisé pour amplifier la cause palestinienne. Elles ont également mis en évidence la nécessité d'une mobilisation politique pour lutter contre la discrimination systémique et garantir l'égalité des droits.

Pour les Palestiniens d'Israël et d'ailleurs, la Journée de la terre est une occasion qui résume à la fois la douleur de la perte et l'espoir d'un avenir où règnent la paix et la justice.

Daoud Kuttab est chroniqueur pour Arab News, spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient, et plus particulièrement dans les affaires palestiniennes.

Il est l'auteur du livre «State of Palestine NOW: Practical and logical arguments for the best way to bring peace to the Middle East».


1979 : La révolution iranienne, le siège de La Mecque et l'invasion soviétique de l'Afghanistan

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  • Les événements sismiques de 1979 ont remodelé le Moyen-Orient, alimentant l'extrémisme, les hostilités régionales et les conflits mondiaux qui continuent de se répercuter aujourd'hui

RIYAD – Dans une région où les bouleversements géopolitiques sont presque monnaie courante, la triple onde de choc de 1979 a fait de cette année un tournant exceptionnel, hors du commun.

La révolution iranienne, le siège de La Mecque et l'invasion soviétique de l'Afghanistan ont été reliés par un seul et même fil conducteur : La naissance d'une forme d'extrémisme islamique qui allait avoir des conséquences catastrophiques pour des millions de personnes, et dont les répercussions se font encore sentir aujourd'hui dans le monde entier.

Les premiers grondements ont commencé l'année précédente, dans un contexte d'inquiétude généralisée en Iran face au régime de plus en plus oppressif du shah Mohammed Reza Pahlavi, dont les réformes de la "révolution blanche" étaient perçues par beaucoup comme poussant l'occidentalisation du pays trop loin et trop vite.

En janvier 1978, une manifestation religieuse dans la ville de Qom, centre d'études chiites situé à 130 kilomètres au sud-ouest de la capitale, Téhéran, a été violemment réprimée par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu, tuant jusqu'à 300 manifestants, principalement des étudiants du séminaire.

Les manifestations se sont étendues aux villes du pays et ont culminé à la fin de l'année par des grèves et des protestations généralisées pour exiger le départ du shah et le retour du grand ayatollah Khomeini de son exil en France.

Comment nous l'avons écrit

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Le journal a couvert la "première crise majeure" du gouvernement iranien lorsque les troupes pro-Chah ont affronté les manifestants à Ahwaz, ravivant les tensions dans le contexte d'un tremblement de terre simultané.

Le 16 janvier 1979, le chah et sa famille quittent l'Iran pour ne plus jamais y revenir. Le 1er février, Khomeini est arrivé à l'aéroport de Mehrabad à Téhéran, débarquant d'un vol Air France en provenance de Paris après 15 ans d'exil, accueilli dans le tumulte par des millions d'Iraniens.

En l'espace de dix jours, les derniers vestiges de l'ancien régime se sont effondrés et Shapour Bakhtiar, le premier ministre nommé par le chah à peine un mois plus tôt, a pris le chemin de l'exil.

Le 1er avril 1979, les résultats d'un référendum national sont révélés et, avec le soutien de plus de 98 % des électeurs, Khomeini déclare la création de la République islamique d'Iran, dont il sera le chef suprême.

La révolution iranienne a été fondée sur une base constitutionnelle sectaire qui mettait l'accent sur l'exportation de son idéologie révolutionnaire, ce qui a alimenté les tensions sectaires dans toute la région.

La révolution a introduit la théorie de la tutelle du juriste (Wilayat Al-Faqih), un principe sectaire qui place le juriste islamique, ou expert en droit islamique, au-dessus de l'État et de son peuple, lui accordant l'autorité ultime en matière de relations étrangères et de sécurité nationale.

Le juriste gardien se perçoit comme le chef de tous les musulmans du monde, son autorité ne se limitant pas aux Iraniens ni même aux chiites. C'est cette prétention au leadership universel qui a le plus alarmé les autres pays de la région, car cette théorie fait fi de la souveraineté des États, favorise les groupes sectaires et accorde au régime révolutionnaire le "droit" d'intervenir dans les affaires des autres nations.

L'attachement de la nouvelle République islamique au principe de l'exportation de sa révolution a encore exacerbé les hostilités régionales, la guerre Iran-Irak qui a éclaté en 1980 en étant le point de départ.

Le programme révolutionnaire de l'Iran avait cherché à affaiblir l'Irak, un pays arabe essentiel, en incitant et en soutenant les groupes et les milices chiites par l'entraînement, l'aide financière et les armes. En fin de compte, ce sont ces groupes qui ont formé la base des milices que l'Iran a largement exploitées après l'invasion américaine de l'Irak en 2003, lorsque le régime Baas de Saddam Hussein a chuté.

Il n'a pas fallu longtemps pour que les craintes des voisins de l'Iran de voir la révolution se propager dans toute la région se concrétisent.

Le 20 novembre 1979, après la prière de l'aube dans la Grande Mosquée de La Mecque, plus de 200 hommes armés, dirigés par Juhayman al-Otaibi, un extrémiste religieux, se sont emparés du site sacré et ont annoncé que le Mahdi tant attendu, l'annonciateur du jour du jugement, prophétisé pour apporter la justice après une période d'oppression, était apparu. Ce prétendu Mahdi était le beau-frère d'Al-Otaibi, Mohammed Al-Qahtani.

Al-Otaibi demande à ses partisans de fermer les portes de la mosquée et de placer des tireurs d'élite au sommet de ses minarets, qui dominent La Mecque. Pendant ce temps, l'homme identifié comme le Mahdi, qui se croyait sous protection divine, a été rapidement abattu par les forces spéciales saoudiennes lorsqu'il est apparu lors des affrontements sans protection.

Le siège de La Mecque s'est poursuivi pendant 14 jours et s'est achevé par la capture et l'exécution d'Al-Otaibi et de dizaines de ses compagnons d'insurrection survivants.

Bien qu'il n'y ait aucune preuve de l'implication directe de l'Iran dans la prise de la Grande Mosquée, le climat révolutionnaire en Iran a été une source d'inspiration idéologique pour de nombreux mouvements extrémistes et organisations armées au cours de cette période.

La réponse énergique du gouvernement saoudien au siège a envoyé un message clair et sans équivoque aux factions extrémistes : la rébellion et les idéologies violentes ne seraient pas tolérées. Cette stratégie de dissuasion s'est avérée déterminante pour préserver le royaume de nouvelles violences et de nouvelles effusions de sang.

Comment nous l'avons écrit

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Arab News a rapporté la fin du siège, citant 75 "renégats" tués, 135 capturés et 60 soldats saoudiens morts "au service de Dieu".

Mais l'année 1979 cachait un autre choc. Le 25 décembre, un peu plus d'un mois après la fin du siège de La Mecque, les troupes soviétiques envahissent l'Afghanistan.

L'invasion a eu lieu au cours d'une période d'intense instabilité politique dans le pays. En 1978, le président Mohammed Daoud Khan et sa famille ont été renversés et tués par Nur Mohammed Taraki, un communiste.

Le règne de Taraki a été de courte durée : son ancien camarade de parti, Hafizullah Amin, s'est emparé du pouvoir et l'a tué. Les tentatives d'Amin d'aligner l'Afghanistan plus étroitement sur les États-Unis ont incité les Soviétiques à orchestrer son assassinat et à le remplacer par Babrak Karmal, un communiste plus fiable, s'assurant ainsi une direction plus docile.

L'intervention soviétique a été motivée par plusieurs raisons. Sur le plan économique, la richesse en ressources naturelles de l'Afghanistan en faisait une cible de choix. Sur le plan politique, l'invasion visait à soutenir le régime communiste chancelant et à s'assurer qu'aucun gouvernement hostile n'émerge en Afghanistan, un voisin clé dans la sphère géopolitique immédiate de l'Union soviétique.

Cet objectif était particulièrement important dans le contexte plus large de la guerre froide, où les États-Unis s'efforçaient activement de contrer l'influence soviétique en encerclant l'Union soviétique et en freinant ses ambitions expansionnistes.

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Arab News rapporte que le ministre afghan Muhammad Abdo Yamani a exhorté l'Autriche à exiger le départ des forces soviétiques d'Afghanistan et a suggéré un embargo pour faire pression sur leur retrait.

En Afghanistan, l'armée soviétique s'est heurtée à une forte résistance de la part des moudjahidines islamistes, qui bénéficiaient d'un soutien important de la part des puissances internationales, en particulier des États-Unis et de leurs alliés régionaux, et l'intervention s'est finalement avérée vaine.

Pendant dix ans, l'Union soviétique a subi d'importantes pertes humaines et matérielles en Afghanistan, mais n'a pas réussi à reprendre le contrôle et la stabilité politique du pays grâce au système politique qu'elle avait adopté. Ce système manquait de légitimité populaire et ne contrôlait qu'un territoire limité, le reste du pays restant sous le contrôle des forces d'opposition.

Tous ces facteurs ont finalement contraint l'armée soviétique à se retirer d'Afghanistan après près d'une décennie. La guerre civile qui s'ensuivit aboutit à l'arrivée au pouvoir des Talibans en 1996.

L'invasion soviétique de l'Afghanistan a eu des conséquences considérables. Sur le plan géopolitique, elle a révélé les limites de l'armée soviétique, et l'échec en Afghanistan a coïncidé avec le déclin politique et économique interne de l'Union soviétique, son incapacité à rivaliser avec les États-Unis dans la course aux armements et l'éclatement de soulèvements populaires dans les pays qui avaient adopté le modèle socialiste.

En tant que telle, l'invasion est largement considérée comme un facteur majeur ayant contribué à l'effondrement final de l'Union soviétique.

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Les résistants afghans ont repoussé l'invasion soviétique au prix d'un immense sacrifice humain et d'une aide importante de l'Occident, en particulier des États-Unis. On estime à 1,5 million le nombre d'Afghans qui ont trouvé la mort dans ce conflit. (AFP)

La guerre est également devenue un terreau fertile pour les mouvements extrémistes djihadistes. Les Arabes et les musulmans qui ont rejoint la résistance afghane ont trouvé dans le conflit une plateforme unificatrice, attirant des dirigeants et des combattants de plusieurs pays du monde islamique.

À leur retour dans leur pays, ces individus ont apporté avec eux une expertise militaire et des idéologies radicales. Cet environnement a facilité la création d'organisations terroristes, ces vétérans cherchant à reproduire la lutte armée pour renverser les régimes dans leur propre pays.

Le produit le plus marquant de ce phénomène est Oussama ben Laden, né en Arabie saoudite, qui a combattu aux côtés des moudjahidines contre les Soviétiques en Afghanistan. Il a fondé le groupe terroriste Al-Qaida, qui s'est imposé comme une force de premier plan parmi les organisations religieuses extrémistes.

Ben Laden et Al-Qaida ont joué un rôle crucial dans la vague mondiale de terrorisme qui a culminé avec les attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis et toutes les répercussions qui en ont découlé. L'invasion de l'Afghanistan par une coalition dirigée par les États-Unis en 2001 et la montée en puissance de groupes terroristes soutenus par l'Iran en Irak après le renversement de Saddam Hussein en 2003, qui ont finalement conduit à la montée en puissance de Daesh, en sont des exemples.

Mohammed Al-Sulami dirige l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah).

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


1975 ou la guerre civile au Liban

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  • Au cours de la seule année 1976, des chrétiens phalangistes ont tué des centaines de Palestiniens à Karantina, dans le nord-est de Beyrouth
  • En représailles, l'OLP attaque Damour, une ville maronite au sud de Beyrouth, massacrant des centaines de chrétiens

LONDRES: Alors que le premier numéro d'Arab News a été publié le 20 avril, il y a 50 ans, il semblait déjà évident que 1975 allait être une année marquante pour l'information.

L'Arabie saoudite se remettait à peine du choc provoqué par l'assassinat, le mois précédent, du roi Fayçal, abattu le 25 mars par un membre secondaire de la famille royale.

D'autres événements de grande importance étaient encore à venir cette année-là, notamment la réouverture, le 5 juin, du canal de Suez, huit ans après sa fermeture lors de la guerre israélo-arabe de 1967, et la signature à Genève, le 4 septembre, de l'accord intérimaire sur le Sinaï, en vertu duquel l'Égypte et Israël s'engageaient à résoudre leurs différends territoriaux par des moyens pacifiques.

Mais c'est l'éclatement de la guerre civile au Liban, une semaine avant le lancement d'Arab News, qui va dominer l'actualité non seulement pendant le reste de l'année 1975, mais aussi pendant la majeure partie des 15 années suivantes.

Comment nous l'avons écrit

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La première page d'Arab News a couvert l'assassinat de Bachir Gemayel et l'invasion de Beyrouth-Ouest par Israël.

Il n'y a toujours pas d'accord universel sur l'ordre précis des événements fatidiques qui se sont déroulés dans le quartier chrétien de Aïn el-Remmaneh, à Beyrouth-Est, le 13 avril 1975, mais les faits sont indiscutables.

Ce jour-là, connu sous le nom de «dimanche noir», des Palestiniens ont ouvert le feu sur une congrégation chrétienne rassemblée sur le trottoir à l'extérieur de l'église Notre-Dame de la Délivrance après un baptême familial.

Quatre hommes, dont le père de l'enfant, ont été tués. L'un des survivants était Pierre Gemayel, le fondateur maronite et dirigeant du parti chrétien de droite des Kataeb (ou phalangistes) au Liban, qui était peut-être la cible de l'attaque.

Une terrible vengeance a rapidement été exercée. Le même jour, un bus à bord duquel des Palestiniens rentraient d'un rassemblement politique dans un camp de réfugiés est tombé dans une embuscade tendue par des hommes armés phalangistes qui ont tué plus de 20 passagers.

Selon les termes de l'historien libanais Fawwaz Traboulsi dans son livre «A History of Modern Lebanon» paru en 2007, «une guerre qui allait durer 15 ans venait de commencer».

Les tensions sectaires avaient augmenté dans le pays depuis l'afflux massif de combattants de l'Organisation de libération de la Palestine dans le sud du pays en 1971 après leur expulsion de Jordanie, mais ce n'était pas la seule cause de la guerre civile qui a éclaté en avril 1975.

En réalité, la longue mèche qui a allumé le conflit dans l'ancienne région ottomane avait été allumée plus d'un demi-siècle auparavant par l'imposition du mandat pour la Syrie et le Liban, accordé à la France par la Société des Nations après la Première Guerre mondiale.

Ce cadre, qui donnait aux chrétiens le contrôle du gouvernement et du Parlement, était basé sur les résultats d'un recensement effectué en 1932. Au fil du temps, cependant, les changements démographiques allaient saper la crédibilité de cet arrangement et son acceptabilité par certains groupes qui se sentaient de plus en plus sous-représentés.

Ces changements démographiques ont été considérablement accélérés par les retombées de la guerre des Six Jours de 1967 entre les États arabes et Israël, au cours de laquelle un grand nombre de Palestiniens se sont réfugiés en Jordanie et, de plus en plus, au Liban-Sud.

Ces combattants de l'OLP ont été accueillis en héros par les dizaines de milliers de réfugiés palestiniens du sud du pays dont les familles avaient été forcées de fuir leurs maisons lors de l'occupation israélienne de la Palestine en 1948.

À la veille de la guerre civile, de nombreux autres facteurs s'étaient conjugués pour pousser le pays au bord du conflit, notamment une crise socio-économique dans laquelle le coût de la vie s'envolait alors même que les richesses se concentraient de plus en plus entre les mains d'une poignée de dynasties politiques privilégiées.

Au cours des trois décennies qui ont suivi son indépendance de la France en 1943, le Liban a connu un âge d'or. Cependant, sous la surface, les tensions entre les communautés chrétiennes et musulmanes augmentaient, exacerbées par ce que Traboulsi a décrit comme des «inégalités de classe, de secte et de région».

Tout comme le Liban avait évité de s'impliquer directement dans la guerre des Six Jours contre Israël en 1967, il s'est également tenu à l'écart de la guerre israélo-arabe de 1973, mais une fois de plus, il n'a pas pu échapper aux retombées de cette guerre.

En 1973, l'armée libanaise s'était déjà heurtée à l'OLP, qui était désormais fermement établie au Liban, mais les profondes divisions de la société sont devenues évidentes lorsque des manifestations ont éclaté pour soutenir la guerre de l'Égypte et de la Syrie contre Israël.

Après son déclenchement en ce jour fatidique d'avril 1975, la guerre civile a connu une escalade rapide et brutale. Au cours de la seule année 1976, des chrétiens phalangistes ont tué des centaines de Palestiniens à Karantina, dans le nord-est de Beyrouth. En représailles, l'OLP attaque Damour, une ville maronite au sud de Beyrouth, massacrant des centaines de chrétiens. Les milices chrétiennes ont alors attaqué le camp de réfugiés de Tal al-Zaatar, tuant au moins 2 000 Palestiniens, pour la plupart des civils.

La guerre civile s'est poursuivie en attirant d'autres forces, dont la présence n'a fait qu'aggraver une situation déjà complexe: les troupes syriennes, l'armée israélienne, les milices soutenues par Israël, la Force intérimaire des Nations unies au Liban chargée du maintien de la paix et les forces multinationales conjointes américano-franco-italiennes.

Les massacres, les attentats à la bombe, les assassinats et les enlèvements sont devenus monnaie courante, non sans conséquences. Les attentats à la bombe de 1983 contre l'ambassade des États-Unis, une caserne des Marines américains et le quartier général du contingent militaire français à Beyrouth ont entraîné le retrait des forces multinationales.

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Des habitants de Beyrouth assistent à une démolition contrôlée dans le cadre des efforts de reconstruction de la capitale libanaise, qui se remet de 16 années de guerre civile. (AFP)

Finalement, c'est aux Saoudiens qu'il revient d'amener les différents participants à la table des négociations. Le 22 octobre 1989, trois semaines de pourparlers dans la ville saoudienne de Taëf entre les membres musulmans et chrétiens du Parlement libanais se sont conclues par un accord sur une «charte de réconciliation» nationale.

Inévitablement, le conflit n'était pas tout à fait terminé. Le chef militaire maronite Michel Aoun, dont la nomination en tant que Premier ministre d'un gouvernement militaire l'année précédente avait été largement contestée, a dénoncé les signataires de l'accord comme des traîtres. Les combats qui ont suivi entre les forces de Michel Aoun et la milice chrétienne des Forces libanaises ont détruit une grande partie de la partie chrétienne de Beyrouth-Est.

La révolte de Michel Aoun, et la guerre civile elle-même, prennent fin le 13 octobre 1990, lorsque les troupes syriennes attaquent le palais présidentiel à Baabda. Aoun s'enfuit et obtient l'asile politique en France.

Après 15 ans et six mois, la guerre était enfin terminée. Pendant cette période, plus de 150 000 personnes ont été tuées, des centaines de milliers ont été déplacées de leur domicile et on estime à 250 000 le nombre de Libanais ayant émigré.

Un nouveau chapitre sanglant de l'histoire troublée du pays venait d'être écrit. Il est loin d'être le dernier.

Jonathan Gornall est un journaliste britannique, qui a précédemment travaillé au Times.  Il a vécu et travaillé au Moyen-Orient et est aujourd'hui basé au Royaume-Uni.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com