Violences à l’école: les enseignants de Seine-Saint-Denis dépassés

Les lycées de Seine-Saint-Denis sont particulièrement touchés par le problème (Photo, Geoffroy VAN DER HASSELT/AFP).
Les lycées de Seine-Saint-Denis sont particulièrement touchés par le problème (Photo, Geoffroy VAN DER HASSELT/AFP).
Short Url
Publié le Lundi 16 novembre 2020

Violences à l’école: les enseignants de Seine-Saint-Denis dépassés

  • Pour Jérôme Martin, professeur de français à Paul-Eluard, « un nouveau cap a été franchi » cette année. « Nous n'avons plus les moyens pour repérer les problèmes, anticiper »
  • Les syndicats de Seine-Saint-Denis ont appelé à une journée de grève, mardi, afin de réclamer le recrutement d'enseignants, mais aussi d'infirmières et d'assistantes sociales

BOBIGNY: Un lycéen poignardé en pleine classe, un autre passé à tabac en sortant des cours, des marteaux et couteaux retrouvés dans les cartables... En Seine-Saint-Denis, les enseignants sont désemparés face à la violence et dénoncent l'absence de réponse institutionnelle à un problème ancien. 

30 septembre, 9h30 au lycée Paul-Eluard de Saint-Denis. Un élève de 19 ans sort un couteau et blesse un de ses camarades, âgé de 16 ans. Faute d'infirmière, c'est un élève qui exerce un point compression sur ses blessures en attendant l'arrivée des secours.

Un an plus tôt, aux Lilas, Kewi, 16 ans, mourait après avoir été poignardé en marge d'un cours d'EPS lors d'une rixe entre quartiers.

Pour Jérôme Martin, professeur de français à Paul-Eluard, « un nouveau cap a été franchi » cette année. « Nous n'avons plus les moyens pour repérer les problèmes, anticiper », regrette-t-il, « je n'ai jamais vu autant de collègues pleurer que depuis cette rentrée ».

Les syndicats de Seine-Saint-Denis ont appelé à une journée de grève, mardi, afin de réclamer le recrutement d'enseignants, mais aussi d'infirmières et d'assistantes sociales. Dans le département le plus pauvre de France métropolitaine, la situation a encore été aggravée par l'épidémie de Covid et les enseignants bouleversés par l'assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre.

« Les phénomènes de violence (dans les écoles) sont stables depuis qu'on a commencé à les mesurer, à la fin des années 1990, mais une frange d'établissements concentrent depuis vingt ans les violences les plus élevées », note le sociologue Benjamin Moignard.

« Plan Marshall »

Le rectorat de Créteil l'affirme, « les faits de violence entre jeunes du département (...) ont été moins nombreux » depuis la rentrée de septembre que « les années précédentes ».

« Ce qui est nouveau, ce n'est pas la violence mais le niveau d'épuisement des équipes. Dans tous les territoires, mais surtout dans les plus ségrégés, les enseignants, usés, ont le sentiment d'être abandonnés par l'institution, ce qui pose de grosses questions », estime lui Benjamin Moignard.

Pour l'universitaire, « les politiques sont assez frileux à prendre à bras le corps ce problème » et « la Seine-Saint-Denis a besoin d'un ‘plan Marshall’, pas de mesurettes ». 

En octobre 2019, après la publication d'un rapport parlementaire qui avait mis en évidence la sous-dotation de la Seine-Saint-Denis en matière de services publics, le gouvernement avait annoncé 23 mesures.

Camille (prénom modifié) est enseignante au lycée professionnel d'Alembert d'Aubervilliers, où était scolarisé Kewi. Mais aussi Djadje Traoré, 19 ans, poignardé à mort en novembre 2019 près de chez lui, à Saint-Ouen. 

Le regard fatigué, elle explique avoir trouvé en octobre un marteau dans le sac d'un de ses élèves. Elle raconte la violence omniprésente, les ordinateurs qui ne fonctionnent pas, les « élèves qui ne voient pas au tableau car ils n'ont pas de lunettes » et « ceux qui portent leurs baskets en chaussons car leurs pieds grandissent trop vite pour les salaires de leurs parents ». 

« Virilisme »

« Ici on cumule tout », résume cette trentenaire, évoquant les collègues qui « perdent l'appétit » et ceux qui « boivent trop » en rentrant le soir. 

Un an après la mort des deux élèves, les enseignants ont le sentiment que « rien ou presque » n'a changé. « En plus du boulot, on se bat avec notre institution, ce n'est pas possible », souffle Camille.

« Elèves qui angoissent et qui décrochent, parents qui ont peur, enseignants sous tension : les conséquences psychologiques et sociales de ces violences sont importantes », s'inquiète le chercheur Marwan Mohammed (CNRS).

A ses yeux, les racines des violences entre quartiers rivaux sont d'abord liées aux inégalités, à la ségrégation et aux discriminations. 

« C'est un phénomène qui touche d'abord les classes populaires et les petites classes moyennes, où le ‘virilisme’ est valorisé et où la force permet d'accéder à une position sociale, selon une logique honorifique », décrit-il. « Ce phénomène se reproduira encore longtemps si on ne réduit pas le vivier des jeunes en échec scolaire ».

Début octobre, au lycée Paul-Robert des Lilas, où était scolarisé le meurtrier présumé de Kewi, un élève a été tabassé à la sortie des cours « simplement car il habitait dans la mauvaise ville », témoigne Gabriel Lattanzio, un professeur d'anglais de l'établissement.

Une affaire qui s'est soldée « par cinq points de suture », dit-il, et « la consigne donnée aux enseignants de ne pas en parler ».


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Short Url
  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".


Le lycée Averroès, «un bastion de l'entrisme islamiste», selon Retailleau

Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. (AFP)
Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. (AFP)
Short Url
  • "Les faits sont graves, ils sont significatifs de l'entrisme islamiste que je veux combattre avec la plus grande fermeté. Et le lycée Averroès est pour nous un bastion de cet entrisme"
  • "On a des éléments extrêmement graves, extrêmement lourds, l'argent des Français n'a rien à faire dans ce genre d'organisation"

MARSEILLE: Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, disant souhaiter "que l'Etat fasse appel".

"Les faits sont graves, ils sont significatifs de l'entrisme islamiste que je veux combattre avec la plus grande fermeté. Et le lycée Averroès est pour nous un bastion de cet entrisme", a déclaré le ministre. "On a des éléments extrêmement graves, extrêmement lourds, l'argent des Français n'a rien à faire dans ce genre d'organisation", a-t-il ajouté, lors d'un déplacement à Marseille.

 


Accélérer "l'électrification" de la France: des acteurs de l'énergie mobilisent les parlementaires

Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot (G), et le Premier ministre français, François Bayrou, quittent le Palais présidentiel de l'Élysée après la réunion hebdomadaire du cabinet, le 21 avril 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot (G), et le Premier ministre français, François Bayrou, quittent le Palais présidentiel de l'Élysée après la réunion hebdomadaire du cabinet, le 21 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Une vingtaine de fédérations et organisations professionnelles de l'énergie appellent jeudi députés et sénateurs à engager une "véritable rupture dans l’électrification des usages" pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles importées
  • Sur proposition du Premier ministre François Bayrou, l'Assemblée nationale le 28 avril, puis le Sénat le 6 mai accueilleront un débat sur la souveraineté énergétique

PARIS: A l'approche d'un débat au Parlement sur la souveraineté énergétique, une vingtaine de fédérations et organisations professionnelles de l'énergie appellent jeudi députés et sénateurs à engager une "véritable rupture dans l’électrification des usages" pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles importées et coûteuses.

"Chaque jour, ce sont 180 millions d’euros qui s’envolent pour couvrir notre consommation d'énergies fossiles – soit plus de 65 milliards d’euros par an versés à des puissances étrangères, parfois hostiles à nos intérêts", selon cette lettre ouverte aux députés et aux sénateurs.

Parmi les signataires figurent l'Union française de l'électricité, des acteurs des renouvelables (Enerplan, France Hydro Électricité, France Renouvelables, SER) et du nucléaire (Gifen, SFEN).

Ils soulignent "l'urgence" d'accélerer "les transferts d’usage vers l’électricité", dans les transports, l'industrie et les bâtiments encore très dépendants des énergies fossiles.

Sur proposition du Premier ministre François Bayrou, l'Assemblée nationale le 28 avril, puis le Sénat le 6 mai accueilleront un débat sur la souveraineté énergétique après 4 ans d'une large concertation pour bâtir la nouvelle feuille énergétique de la France pour la période 2025-2035.

Cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) doit mettre la France sur la voie de la neutralité carbone en 2050 en réduisant la part des énergies fossiles dans la consommation d'environ 60% en 2023 à 30% en 2035.

Ce projet a été approuvé le 27 mars dernier par le conseil de supérieur de l'énergie, et restait à publier le décret. Or l'adoption de cette PPE a été fortement critiquée par des partis allant du centre à l'extrême droite au Parlement, ainsi que par les défenseurs de l'énergie nucléaire, dénonçant un soutien trop important aux énergies renouvelables au détriment de l'atome selon eux.

De nombreux acteurs de l'énergie pressent pour que le décret soit publié au plus vite et appellent à cesser les tergiversations politiques, craignant l'absence de visibilité pour investir et recruter.

"La question n’est pas tant de savoir si l’électricité doit sortir d’un (réacteur) EPR, d’un SMR (mini réacteur), d’un barrage (...) d’une éolienne ou d’un panneau solaire, mais surtout de savoir comment cette électricité, produite intégralement en France et décarbonée, peut se substituer aux énergies fossiles importées", soulignent les signataires.

Le décret sera publié "d'ici à l'été", à l'issue du débat sans vote au Parlement, indiquait début avril le cabinet de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. Le décret pourra faire l'objet "d'éventuelles modifications en fonction des débats parlementaires qui auront lieu lors de la discussion" d'une proposition de loi du sénateur LR Daniel Gremillet. Celle-ci déjà adoptée en première lecture par le Sénat sera discutée à l'Assemblée nationale "la deuxième quinzaine de juin", selon Mme Primas.