Les Palestiniens défendent Farha, un film sur la Nakba, face aux réactions hostiles d'Israël

La productrice Deema Azar et l'acteur Ashraf Barhom présentent le film Farha. Cette production marquait la dernière journée du festival Journées du cinéma palestinien, à Ramallah, en Cisjordanie occupée par Israël, le 7 novembre 2022. (Reuters).
La productrice Deema Azar et l'acteur Ashraf Barhom présentent le film Farha. Cette production marquait la dernière journée du festival Journées du cinéma palestinien, à Ramallah, en Cisjordanie occupée par Israël, le 7 novembre 2022. (Reuters).
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Publié le Lundi 05 décembre 2022

Les Palestiniens défendent Farha, un film sur la Nakba, face aux réactions hostiles d'Israël

  • Ce film diffusé sur Netflix et réalisé par la Jordanienne Darin J. Sallam retrace le parcours d'une jeune fille qui a assisté à l'invasion de son village par les milices israéliennes en 1948
  • Le film Farha va représenter la Jordanie pour l'Oscar du meilleur film étranger

RAMALLAH: Le film Farha, qui vient de sortir, fait l'objet de critiques de la part de certains Israéliens. Ces derniers dénoncent la façon dont il dépeint les événements de 1948. De leur côté, les Palestiniens se mobilisent pour défendre cet ouvrage.

Les défenseurs de la cause palestinienne interviennent pour défendre la diffusion du film sur Netflix, qui se trouve sous le feu des critiques.

Ce film produit en Jordanie retrace les événements de la Nakba de 1948, c’est-à-dire le nettoyage ethnique subi par les Palestiniens.

La projection du film a suscité un tollé en Israël, qui a menacé de supprimer les abonnements à la plate-forme de streaming Netflix.

Certains ministres et responsables israéliens ont en effet accusé les auteurs du film de véhiculer un faux récit et d'inciter à la violence à l'encontre des soldats israéliens.

Dans ce film réalisé par la Jordanienne d'origine palestinienne Darin J. Sallam, on suit le parcours d'une jeune Palestinienne de 14 ans qui a assisté à l'assassinat de toute sa famille, dont un nourrisson, quand les milices israéliennes ont envahi son village et exécuté des civils pendant la Nakba. Le rêve de la jeune fille est de quitter son village palestinien pour poursuivre ses études en ville.

Le père de la jeune fille la cache donc dans une petite chambre pour la sauver de l'invasion. Sa vie bascule du jour au lendemain.

Inspiré d'événements réels, le film a été présenté au Festival international du film de Toronto en 2021.

La Jordanie a en effet choisi Farha pour la représenter dans le cadre de la prochaine édition de l'Oscar du meilleur film étranger.

C'est le 1er décembre dernier que Farha a été lancé sur Netflix.

Pour les autorités israéliennes, ce film «propose un récit erroné» de la Nakba, au cours de laquelle 760 000 Palestiniens ont été chassés de leur pays.

Dans un entretien accordé à Arab News, l'éminent poète et écrivain palestinien Mutawakel Taha attribue la colère des Israéliens au fait que le film a révélé au monde entier les actions commises par leur pays lors de la Nakba.

«Ils souhaitent se présenter comme les seules victimes. Ils sont donc furieux de voir que les Palestiniens apparaissent comme des victimes [dans ce film]», explique M. Taha à Arab News.

Selon lui, les Palestiniens cherchent à résoudre le conflit avec Israël à travers la culture après les échecs des efforts politiques.

Le récit palestinien des événements de la Nakba a de quoi effrayer les Israéliens, affirme Taha.

L'écrivain palestinien Tahsin Yaqin partage cette opinion.

Shlomo Sand est un historien israélien reconnu qui a remis en question les actions d'Israël. Il a même contesté les récits dominants, explique M. Yaqin: «En tant que Palestiniens, nous n'avons pas besoin de donner des explications sur ce qui s'est passé en 1948, ni avant ni après... Le monde en est conscient.»

Pour M. Yaqin, les Israéliens sont invités à regarder Farha et à écouter les récits des Palestiniens, même s'ils ne les approuvent pas.

L'écrivain pose en effet la question suivante: «Si les Israéliens ne croient pas le récit du film Farha, ils doivent néanmoins mettre en question les agissements de leur gouvernement et de leur armée en Cisjordanie aujourd'hui.»

Selon M. Yaqin, la réaction des Israéliens vis-à-vis du film se fonde sur «une sorte de refus national» dans la mesure où «Farha contredit le récit d'Israël».

«Ils ne critiquent pas le film d'un point de vue artistique», souligne-t-il.

Sirine Jabarin est une militante israélo-arabe originaire d'Umm al-Fahm. Elle affirme à Arab News que «les restrictions imposées par les autorités israéliennes à la liberté dans le domaine de l'art ne datent pas d'hier. Mais il est intéressant de noter que les politiques engagées par Israël dans ce domaine sont racistes et extrémistes. Elles vont jusqu'à refuser le récit de l'autre, ainsi que les initiatives qui visent à révéler aux Palestiniens la vérité sur ce qui s'est passé des dizaines d'années auparavant».

De son côté, un Israélien qui s'oppose à la sortie de Farha a déclaré à Arab News: «En tant que réseau mondial, Netflix compte un grand nombre d'abonnés en Israël. Ces derniers jours, des centaines, voire des milliers d'abonnés israéliens ont annulé leurs abonnements à Netflix pour manifester leur opposition à la diffusion du film jordanien Farha, dont le discours montre une subjectivité certaine et fait abstraction du discours israélien.»

Le ministre israélien des Finances, Avigdor Lieberman, dénonce lui aussi la sortie de ce film: «La décision de Netflix de diffuser ce film me semble insensée dans la mesure où il ne poursuit qu’un objectif: présenter de fausses affirmations et inciter à la haine contre les soldats israéliens.»

M. Lieberman précise: «Nous ne tolérons pas que soit ternie la réputation des soldats israéliens.»

Le ministre a demandé aux services compétents du ministère des Finances de retirer le budget accordé au cinéma Jaffa pour avoir décidé de projeter le film.

Pour le ministre israélien de la Culture, Hili Tropper, la projection du film dans les cinémas en Israël est une «honte». «Farha promeut un discours erroné et calomnieux», soutient-il.

La réalisatrice Darin J. Sallam ainsi que les productrices Dima Azar et Aya Jardaneh condamnent les critiques formulées au sujet du film.

Elles dénoncent la campagne lancée sur les médias sociaux afin d’interdire le classement du film sur IMDb. Elles fustigent également les tentatives qui visent à interdire la projection du film au cinéma Jaffa ainsi que les menaces de suppression des abonnements sur Netflix.

Elles condamnent en outre les messages de haine, les abus, les accusations et les brimades qui déferlent sur les médias sociaux.

Elles affirment qu'elles ne toléreront pas qu'un seul membre de l'équipe de Farha soit menacé.

«Les tentatives pour réduire au silence les femmes et les cinéastes arabes représentent une atteinte aux droits de l'homme et à la liberté d'expression», insistent-elles.

«Le film est bel et bien une réalité, tout comme nous. Ils nous ont privés de nos droits à plusieurs reprises, mais ils ne nous réduiront jamais au silence.»

Deema Azar et Aya Jardaneh se disent solidaires avec Mme Sallam, qui a décidé de «raconter cette histoire humaine et personnelle, de la partager avec le monde entier, et de réaliser cette vision artistique de manière cinématographique, sans la moindre restriction».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Jeux paralympiques de Paris: pour une athlète d'Irak, de l'or plein les yeux

L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
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  • Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire
  • Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré

BAQOUBA: Quand Najlah Imad s'initiait au tennis de table, son entourage en Irak pensait qu'avec son handicap elle s'épuiserait pour rien. Une décennie plus tard, la championne n'a rien perdu en ténacité: qualifiée pour les Jeux paralympiques de Paris, elle vise une médaille d'or.

"Ce sport a changé ma vie. J'y consacre tout mon temps", confie-t-elle à l'AFP, dans la cour d'un centre sportif délabré de sa bourgade de Baqouba, au nord-est de Bagdad, où l'athlète multimédaillée s'entraîne toujours,

Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire. Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré par des décennies de guerre.

Petite brune de 19 ans, le visage encadré par des cheveux noirs sagement coupés au carré, Najlah Imad exhibe un sourire à toute épreuve, qui ne la quitte que quand elle empoigne sa raquette de ping-pong. Elle se concentre alors sur ses coups, ses sourcils se froncent et l'éclat de ses yeux rieurs durcit.

"En me lançant dans le sport, j'ai rencontré d'autres joueurs avec des handicaps, qui pratiquaient même s'il leur manquait un membre", poursuit-elle. "Ils avaient tellement d'énergie positive, ça m'a encouragée."

«Surprise»

Quand elle a dix ans, un entraîneur cherchant à monter une équipe paralympique se rend visite dans sa maison. Six mois d'entraînement, et Najlah Imad participe à son premier championnat, rassemblant toutes les provinces irakiennes. Elle gagne.

"J'étais la surprise de la compétition", se souvient-elle, d'une fierté candide.

A l'étage de la maison familiale, une étagère croule sous les trophées et médailles, glanés au fil de la trentaine de compétitions internationales auxquelles elle a participé.

Elle était à Tokyo en 2021 pour les JO paralympiques, avant de remporter en 2023 une médaille d'or en Chine au championnat paralympique d'Asie.

Généralement, elle s'entraîne quatre jours par semaine, dont deux à Bagdad, où elle se rend accompagnée de son père. Pour mieux préparer les rencontres internationales, elle s'envole vers l'étranger afin de profiter d'infrastructures sportives de pointe --au Qatar par exemple, où elle était en mars, en vue des Jeux paralympiques de Paris, du 28 août au 8 septembre.

Etoile montante du sport, elle bénéficie de subventions mensuelles --modestes-- du comité paralympique irakien, outre la prise en charge de certains voyages pour les compétitions.

Malgré les succès, son quotidien reste lié à Baqouba et à son centre sportif. Dans une salle poussiéreuse aux vitres cassées, quatre tables de ping-pong mangent tout l'espace. Le cliquetis incessant des balles résonne tandis que s'affrontent huit joueurs, femmes et hommes, l'un d'eux en fauteuil roulant.

"Les tables sur lesquelles on s'entraîne, c'est de la seconde main. On a dû les réparer pour les utiliser", confie à l'AFP l'entraîneur Hossam al-Bayati.

Même cette salle sommaire menace de leur être retirée, assure celui qui a rejoint en 2016 les entraîneurs de l'équipe nationale de tennis de table paralympique.

Un discours qui ne surprend pas, dans un pays pourtant riche en pétrole, mais miné par la corruption et des politiques publiques défaillantes: les professionnels du sport déplorent régulièrement infrastructures et équipements déficients ainsi que des subventions insuffisantes.

«Défier le monde»

Sur son moignon droit, la sportive enfile un tissu noir avant de fixer sa prothèse, qui l'aide à s'appuyer sur sa béquille. De sa main gauche tenant sa raquette, elle lance la balle dans les airs, l'expédie par dessus le filet.

A ses débuts, la famille était réticente.

"C'est un sport impliquant du mouvement, moi il me manque trois membres, j'étais jeune", se souvient-elle. "Mes proches, la société, disaient +C'est pas possible, tu vas te fatiguer pour rien+".

Après sa première victoire son père Emad Lafta réalise qu'il faut la soutenir, tant elle était "passionnée".

"Elle a persévéré. Elle a surmonté un défi personnel, et elle a défié le monde", reconnaît M. Lafta, qui a sept enfants en tout.

Avec le ping-pong, "elle se sent mieux psychologiquement, le regard de la société a changé", se réjouit-il. "Les gens nous félicitent, dans la rue il y a des filles qui veulent se photographier avec elle".

Lycéenne, Najlah Imad rêve d'être présentatrice. "Même quand elle voyage elle prend ses livres pour réviser pendant son temps libre. Durant le trajet pour Bagdad, elle étudie".

A Paris, l'objectif c'est la médaille d'or, espère le sexagénaire. "Quand elle nous promet quelque chose, elle s'y tient".


Dernières arabesques à l'Opéra de Paris pour l'étoile Myriam Ould-Braham

La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire
  • Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie

PARIS: Prendre sa retraite, c'est le bon moment pour la danseuse étoile Myriam Ould-Braham, qui, à 42 ans, fait samedi ses adieux à la scène de l'Opéra de Paris et dit avoir besoin de moins exposer son corps à la "souffrance".

Elle tire sa révérence lors d'une dernière représentation au Palais Garnier de "Giselle", ballet emblématique du répertoire classique romantique, qui la "faisait rêver petite" et dont "la magie et la beauté l'éblouissent" encore autant aujourd'hui, comme elle le raconte à l'AFP dans sa loge, la numéro "55".

Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire, l'étoile Paul Marque mercredi soir: bras et port de tête graciles, la ballerine, cheveux blonds ondulés et yeux clairs, est, dans son long tutu blanc, tout en délicatesse.

"Je suis très heureuse, très sereine. J'ai eu une merveilleuse carrière. J'ai dansé tous les grands rôles que j'avais envie de danser. J'ai pu partager beaucoup d'émotions avec beaucoup de partenaires", y compris des étoiles "du monde entier", résume-t-elle.

"Malgré la difficulté de notre art" - un "sacerdoce", un "don de soi permanent" -, "j'ai réussi à trouver énormément de bonheur", affirme la danseuse, analysant: "on rentre à 17 ans (dans la compagnie, NDLR), on repart à 42, il s'en passe des choses".

Nommée étoile à 30 ans, pour le rôle de Lise dans "La fille mal gardée", elle se remémore les ballets qu'elle a le plus aimés: la découverte du travail en duo dans "La Belle au bois dormant", le "Lac des cygnes", dont la partition "ne (lui) a jamais autant donné d'émotions", ou encore "Roméo et Juliette", à la chorégraphie "tellement dure" et pour lequel elle est allée "chercher loin dans ses tripes".

Elle évoque aussi le public, qui "nous porte", venant parfois de très loin - "Japon, Australie, Brésil, etc" - et cette première fois où elle a reçu cette "montagne de fleurs" après un rôle de soliste.

«Doute» et «célébration»

Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie fortuitement avec un cours de sa sœur. Arrivée en France en 1986, elle suit brièvement le Conservatoire supérieur de Paris, puis intègre, à 14 ans, l'Ecole de danse de l'Opéra. "A ce moment-là, je ne savais absolument pas qu'on pouvait en faire un métier".

Myriam Ould-Braham ne raccroche cependant pas tout à fait ses pointes, puisque qu'elle a accepté pour l'année prochaine plusieurs propositions de galas - en Chine, à Hong Kong et au Japon - lors desquels elle dansera des "pas de deux".

Elle qui donne des cours dans un centre de sport pour enfants et des coachings privés auprès de danseurs depuis quatre ans confie aussi ressentir "plus de plaisir à enseigner, aujourd'hui, qu'à danser".

"Ma carrière, il ne fallait pas qu'elle se prolonge plus", confie-t-elle. Pendant 25 ans, elle a appris à "gérer" et "connaître" son corps mais elle a envie désormais "de moins être en souffrance".

Depuis des années, elle doit régulièrement faire "remettre en place" sa cheville par un kinésithérapeute, à la suite d'une rupture des ligaments.

"Mentalement aussi", la pause est bienvenue. "J'ai ma vie de famille, besoin de penser à moi" et de découvrir ce que la vie me réserve", ajoute l'artiste, mère de deux garçons âgés de 4 et 9 ans qu'elle a eus avec Mickaël Lafon, danseur dans la compagnie.

Dans la loge qu'elle occupe au Palais Garnier depuis sa nomination d'étoile, Myriam Ould-Braham a commencé à mettre de l'ordre, pour laisser place à la nouvelle génération. Un lieu qui a vu "des choses incroyables: des moments de doute, de peur, de bonheur et de célébration".


«  Megalopolis »: Coppola débarque à Cannes avec son film de tous les superlatifs

45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
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  • D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans.
  • Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre

CANNES: C'est le film le plus attendu du Festival de Cannes: 45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune.

D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans. Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre.

"Quand s'éteint un empire? S'effondre-t-il en un moment terrible?", interroge la voix off de la bande-annonce.

Présenté comme un film de science-fiction de 02H18, projeté sur écran IMAX, "Megalopolis" tourne autour de la destruction d'une mégalopole et sa reconstruction qui se joue entre un architecte (Adam Driver) et le maire de la ville (Giancarlo Esposito).

C'est un film sur "un homme qui a une vision du futur" et parle du "conflit" entre cette vision et les "traditions du passé", confiait Coppola en 2019, au Festival Lumière où il avait été distingué. "Je dirais que c'est mon film le plus ambitieux, même plus ambitieux qu'+Apocalypse Now+".

De quoi faire saliver les cinéphiles du monde entier qui se passionnent pour ses films autant que ses tournages épiques, à commencer par celui d'"Apocalypse Now", prévu pour durer quelques semaines et qui dura finalement 238 jours.

A cela se sont ajoutés les accès de paranoïa de Coppola, drogué, qui a perdu une quarantaine de kilos et a dû hypothéquer ses biens pour financer le film. Le budget, de 13 millions de dollars à l'origine, passera à 30 millions, le conduisant au bord de la ruine.

« Tête brûlée »

"Coppola est une tête brûlée", rappelle pour Tim Gray, vétéran du journalisme cinéma aux Etats-Unis qui travaille désormais pour l'organisation des Golden Globes. Il "a toujours pris d'énormes risques. Et sa carrière a défié la logique", confiait-il récemment à l'AFP.

Le géant du cinéma avait aussi évoqué le souhait de tourner une histoire d'amour "avant de partir". C'est chose faite avec le couple formé par Adam Driver et Nathalie Emmanuel ("Game of Thrones") dans "Megalopolis".

Autour d'eux gravitent de multiples personnages interprétés par des acteurs de légende des années 1970, comme Jon Voight et Dustin Hoffman.

"Tout le monde espérait que Francis Ford Coppola continuerait à faire des films. On savait qu'il avait décidé de faire ce film et de le financer avec son propre argent", a raconté lundi Thierry Frémaux, le délégué général cannois, avant le coup d'envoi du Festival.

"Je trouve admirable que cet homme de 85 ans se comporte comme un cinéaste indépendant, comme un artiste qui veut venir montrer son travail. Cannes est important pour lui et lui est important pour Cannes."

Film-testament génial ou oeuvre poussive et démesurée? La presse y va de ses pronostics et vient de publier des témoignages de membres de la production évoquant un tournage chaotique.

Le réalisateur de la trilogie du "Parrain" n'avait plus dirigé de long-métrage depuis "Twixt", sorti en 2011, et semblait s'adonner à son autre passion, le vin, lui qui possède de nombreuses vignes.

C'était sans compter ce projet qu'il dédie à son épouse Eleanor, à qui il a été marié soixante ans, décédée le 12 avril.