LONDRES: Une nouvelle enquête menée auprès de chefs d'entreprise en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis révèle un optimisme généralisé des entreprises des deux pays pour l'année prochaine, malgré les incertitudes et les défis ayant pesé sur l'économie mondiale en 2022.
Dans l'ensemble, 70% des 250 décideurs représentant un large éventail de secteurs ont exprimé leur optimisme quant aux perspectives de l'économie mondiale en 2023, 46% se déclarant très optimistes.
L'enquête a été réalisée pour Gedeon Mohr & Partners, un nouveau cabinet de conseil basé à Dubaï et spécialisé dans les secteurs du commerce de détail, du divertissement, des voyages et de l'hôtellerie, qui sont tous appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans la transformation des économies de la région du Golfe arabe.
«Il est extrêmement positif de constater que la majorité des chefs d'entreprise des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite sont si optimistes quant à l'avenir de l'économie et reconnaissent le dynamisme de l'écosystème commercial et les opportunités de la région», a déclaré Maria Gedeon, PDG et fondatrice de Gedeon Mohr & Partners.
Selon elle, plusieurs raisons expliquent l’optimisme régional solide qui ressort de l’enquête.
«Évidemment, l’augmentation des prix du pétrole a été une chance pour nous. L’économie est donc naturellement en meilleure forme qu’ailleurs dans le monde. De même, la région est géographiquement éloignée de la guerre russo-ukrainienne, et est moins touchée que l’Europe par la hausse des prix et les autres répercussions qui en découlent.
«Mais dans l'ensemble, je pense que le sentiment est meilleur en raison de la quantité de travail que les deux gouvernements mettent en œuvre dans le but de développer les économies, augmenter la qualité de vie et attirer les étrangers et les expatriés dans cette partie du monde.»
L'enquête a également montré que, dans l'ensemble, 29% des chefs d'entreprise des deux pays – 22% aux Émirats arabes unis et 37% en Arabie saoudite – étaient légèrement ou très préoccupés par ce que la nouvelle année pourrait apporter.
«Je suppose que ces personnes travaillent probablement pour des organisations mondiales, parce qu’elles ont connu des licenciements et de nombreux problèmes financiers, ainsi que des ralentissements de la croissance, etc.», a expliqué Gedeon.
Les entreprises des deux pays tirent des conseils et de la confiance, des plans ambitieux établis par leurs gouvernements, a-t-elle affirmé.
«Ces deux pays ont publié leurs visions, le Royaume pour 2030 et les EAU pour 2031. En Arabie saoudite notamment, les méga-projets comme Neom, le projet de la mer Rouge et Qiddiya, ainsi que les investissements massifs dans les infrastructures, sont de formidables catalyseurs économiques.»
En novembre, le Fonds monétaire international a prévu que la croissance du PIB de l'Arabie saoudite serait de 7,6% en 2022, ce qui la place parmi les cinq premières économies à forte croissance du monde.
Selon le FMI, les décideurs du Conseil de coopération du Golfe dans leur ensemble ont «réussi à atténuer rapidement l'impact économique du double choc de la Covid-19 et des prix du pétrole».
Même si les prix mondiaux des produits de base ont grimpé: «Les perspectives sont plus positives pour les pays du CCG, les nouveaux défis liés à l'invasion de l'Ukraine par la Russie et le resserrement des conditions financières mondiales devant avoir un impact limité sur les économies du CCG.»
Le FMI a également émis une note de prudence, avertissant que même si les pays du CCG bénéficient de «prix du pétrole et du gaz plus élevés, quoique volatils, de nombreux risques assombrissent encore les perspectives, notamment un ralentissement de l'économie mondiale».
«Dans ce contexte, l’élan de réforme établi au cours des années précédentes doit être maintenu afin de garantir l'équité entre les générations et une transition énergétique fluide loin des combustibles fossiles.»
Selon Gedeon, c'est exactement ce qui se passe, l'Arabie saoudite s'efforçant de diversifier son économie et d'ouvrir sa société. En tant que cadre supérieur du groupe Majid al-Futtaim, elle a eu l’occasion d’observer de première main le programme de réformes sociales et économiques en cours dans le Royaume.
Les deux pays du Golfe «continueront d'investir dans le pétrole, mais ils tiennent à se diversifier», a-t-elle indiqué, et l'un des moyens d'y parvenir est de «développer le tourisme dans de très beaux pays».
Un aspect qui ressort clairement de l'enquête est que le changement climatique et les questions de durabilité sont en tête de l'agenda des entreprises dans les deux pays. Interrogés sur l'importance de la durabilité pour leur entreprise, 90% des répondants aux Émirats arabes unis et 85% en Arabie saoudite ont répondu qu'elle était très importante. Dans l'ensemble, seuls 2% ont déclaré qu'elle importait peu.
Le changement climatique est également considéré comme la plus grande menace pour les entreprises en 2023 par 11% des personnes interrogées aux Émirats arabes unis et 18% en Arabie saoudite.
Toutefois, ce qui est plus surprenant et plus préoccupant, selon Gedeon, c'est l'attitude qui ressort de l'enquête dans les deux pays à l'égard de l'épineux problème des entreprises que sont les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), une métrique de plus en plus appréciée par les investisseurs et les consommateurs afin de mesurer l'impact et l'interaction des entreprises avec la société et l'environnement.
Dans son récent rapport 2022 Social & Governance, la firme de conseil PwC Middle East a conclu que «l'intégration des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance dans tous les domaines de l'évolution économique et sociale est essentielle pour réaliser les ambitions de notre région, lui permettant de devenir un leader sur la scène mondiale de la durabilité».
D’après Gedeon, dans la nouvelle enquête, «le développement durable et la croissance des entreprises figurent en tête de l'ordre du jour. Ce qui est cependant clair, c'est que malgré le fait que les dirigeants se soucient du changement climatique, beaucoup de travail reste à faire en matière d'ESG, offrant une opportunité de croissance durable».
Le résultat final, est que de plus en plus, «les consommateurs veulent acheter et être associés à des marques qui ont un objectif solide, et qui font du bien à la planète et à l'organisation».
«Les consommateurs n'achèteront plus un produit d'une entreprise ou d'une marque qui ne respecte pas tous ces paramètres de durabilité et d’ESG, et les entreprises qui ne le font pas deviendront tout simplement obsolètes si elles ne sont pas transparentes sur leurs politiques et procédures, sur la façon dont elles compensent leur empreinte carbone.»
Une fois encore, les initiatives gouvernementales sont susceptibles de forcer le rythme. L'organisation de la COP27 en Égypte le mois dernier et le fait que la prochaine conférence des parties se tiendra aux Émirats arabes unis l'année prochaine ont placé les questions de responsabilité environnementale et sociale au centre des préoccupations des gouvernements, des entreprises et des particuliers dans toute la région.
Il est également très important que les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, deux des plus grands producteurs de pétrole au monde, se soient engagés à atteindre zéro émission de carbone d'ici 2050 et 2060 respectivement – des objectifs ambitieux qui exigeront la collaboration et la coopération des entreprises de tous les secteurs, et qui feront très certainement l'objet d'une législation.
Un sujet de préoccupation qui éclipse légèrement la confiance globale identifiée par l'enquête est le recrutement et la rétention des talents nécessaires pour que les entreprises donnent le meilleur d'elles-mêmes.
Alors que 62% des chefs d'entreprise estiment avoir les bons talents dans leur entreprise d'ici 2023, ils sont très préoccupés par les défis à relever en matière de main-d'œuvre dans l'année à venir. Dans l'ensemble, 18% d'entre eux s'inquiètent de ne pas pouvoir attirer les talents, et 10% de ne pas pouvoir retenir ceux qu'ils ont déjà.
Malgré l'expérience généralement positive du travail à distance pendant les périodes de confinement de la Covid-19, un quart de toutes les personnes interrogées considèrent également le travail hybride comme un défi en 2023. L'une des raisons, selon Gedeon, est la nature unique de nombreux grands projets en cours, notamment en Arabie saoudite.
«Beaucoup de ces projets sont vraiment éloignés et vous devez être là, à regarder le projet se développer», a-t-elle signalé.
«Si vous réalisez des projets de développement sur la mer Rouge, il sera très difficile de gérer le projet depuis New York, Londres ou même Dubaï.
«Il y a donc un empressement à avoir des gens sur le site de projets tels que Neom, et ils construisent des logements pour le personnel et même des écoles, ce qui rend travailler si loin de la capitale et d'autres villes passionnant pour les gens.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com