Charlie Hebdo, Hyper Cacher: les moments forts d'un procès historique

Un dossier judiciaire montre Ali Riza Polat, qui serait le bras droit d'Amedy Coulibaly, qui a tué un policier en janvier 2015 et abattu le lendemain quatre personnes dans un supermarché juif. (Benoit PEYRUCQ / AFP)
Un dossier judiciaire montre Ali Riza Polat, qui serait le bras droit d'Amedy Coulibaly, qui a tué un policier en janvier 2015 et abattu le lendemain quatre personnes dans un supermarché juif. (Benoit PEYRUCQ / AFP)
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Publié le Dimanche 15 novembre 2020

Charlie Hebdo, Hyper Cacher: les moments forts d'un procès historique

  • Sous la menace d'une kalachnikov, la dessinatrice Coco a composé le code de la porte d'entrée de Charlie Hebdo
  • "Un tueur totalement dénué d'empathie", résume le policier antiterroriste à la barre

PARIS: Deux mois d'audience entre émotions, coups de colère et dénégations: voici les moments marquants du procès historique des attentats de janvier 2015, qui reprend lundi pour une dernière ligne droite avec le réquisitoire du parquet national antiterroriste à partir de mercredi.

L'effroi sur grand écran 

Ce 7 septembre, au quatrième jour du procès, un silence pesant s'installe dans la salle du nouveau tribunal judiciaire de Paris où siège la cour d'assises spéciale. La violence crue, à la limite du soutenable, de l'attaque jihadiste à Charlie Hebdo, vient d'exploser sur grand écran. 

Des cavaliers jaunes numérotés mènent d'une mare de sang à une autre, dans les pas des enquêteurs arrivés sur la scène de crime le 7 janvier 2015. Au milieu des feuilles et des cartons gisent les corps des dix victimes exécutées par les frères Saïd et Chérif Kouachi dans les locaux du journal.

L'assistance se glace de nouveau deux semaines plus tard, quand sont projetées les images des victimes juives de l'Hyper Cacher, étendues dans des allées jonchées de cartons et de produits tombés des rayons, abattues par Amédy Coulibaly. "Un tueur totalement dénué d'empathie", résume le policier antiterroriste à la barre. 

La culpabilité des survivants 

Sous la menace d'une kalachnikov, la dessinatrice Coco a composé le code de la porte d'entrée de Charlie Hebdo. La chroniqueuse Sigolène Vinson a été épargnée parce que femme et parce que Chérif Kouachi lui a trouvé les "yeux doux". La caissière de l'Hyper Cacher, Zarie Sibony, a refusé qu'Amédy Coulibaly achève son collègue agonisant, Yohan Cohen. 

Ces trois survivantes ont mis des mots sur l'indicible, des paroles baignées de larmes.

"J'avais accepté de mourir à ce moment-là", raconte Coco, quand Sigolène Vinson décrit le "silence de plomb" après le massacre, replongeant, avec tout le poids de leur culpabilité, dans "l'horreur" des carnages.

Les caricatures et les rires

Après ces témoignages bouleversants des parties civiles, des rires essuient brièvement les larmes. 

A la demande de ses proches, des caricatures de Charb défilent sur l'écran de la cour d'assises. Etrillant les fanatismes, le capitalisme et certains dirigeants politiques, elles arrachent parfois un sourire à des accusés. 

Dans le box, certains sont même hilares quand vient le dessin d'une femme en burqa les fesses à l'air entonnant "Chacun fait, fait, fait, c'qui lui plaît, plaît, plaît".

"Collision" de l'actualité

Le procès s'était ouvert le 2 septembre par un acte politique, la republication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet qui en avaient fait la cible des jihadistes. Dans un contexte de menaces renouvelées contre le journal, l'actualité est venue rattraper l'audience.

Le 25 septembre, les bancs bruissent, les téléphones vibrent à l'annonce d'une attaque au hachoir commise près des anciens locaux de l'hebdomadaire. 

Trois semaines plus tard, le 16 octobre, c'est la décapitation d'un professeur d'histoire-géographie, Samuel Paty, qui sème l'effroi. Il est "mort du seul fait d'avoir transmis à ses élèves ce que représentait la liberté de pensée et la liberté d'expression", lui rend hommage le président de la cour, Régis de Jorna. 

L'embarras de Benyettou, le silence de Cherif

"J'ai une part de responsabilité": entendu comme témoin le 3 octobre, l'ex-mentor des frères Kouachi Farid Benyettou, figure de proue de la filière jihadiste dite "des Buttes-Chaumont" dans les années 2000, présente ses excuses aux familles des victimes.

"J'aimerais revenir en arrière, réparer les choses, mais ce n'est pas possible... Sachez que je suis vraiment désolé".

Entendu par visioconférence depuis sa prison, l'autre mentor présumé des Kouachi, Peter Cherif, oppose un silence provocateur aux questions de la cour. Ce vétéran du jihad, mis en examen dans un volet disjoint de l'enquête, est présenté comme un possible commanditaire de la tuerie de Charlie Hebdo.

Le mystère Claude Hermant

Huit des armes retrouvées en possession d'Amédy Coulibaly sont passées entre les mains de Claude Hermant, figure de la mouvance identitaire lilloise et ex-indicateur des douanes et des gendarmes. Mais ce dernier ne figure pas sur le banc des accusés, au grand dam des avocats de la défense.

Face à la cour, qui a passé de longues heures à essayer de reconstituer le parcours de ces armes jusqu'au jihadiste, cet ancien du service d'ordre du FN, convoqué comme simple témoin, écarte toute responsabilité dans l'attaque: "il devrait peut-être y avoir d'autres coupables dans ce box mais ce n'est pas moi". 

Claude Hermant a été condamné à huit ans de prison à Lille pour trafic d'armes. Selon l'accusation, aucun lien direct n'a été établi entre lui et l'entourage du tueur.

Les colères d'Ali Riza Polat 

"Bras droit" présumé d'Amédy Coulibaly, Ali Riza Polat a multiplié pendant deux mois les coups de sang, se perdant en invectives contre "les juges véreux", "les indics" et les "balances" à qui il attribue sa présence dans le box.

"Quand je sortirai de prison, je ferai du banditisme, encore plus, je vais faire pire", a promis ce Franco-Turc de 35 ans, jugé pour "complicité de crimes terroristes" et encourant la réclusion criminelle à perpétuité.

Ses insultes régulières à ses coaccusés et ses colères lui ont valu des rappels à l'ordre et même une procédure judiciaire pour des menaces contre une policière témoin : "tu vas le payer !", avait-il lancé mimant un coup de poing à son endroit.

Les mensonges et les oublis des accusés 

"J'ai dit ça, moi ?" Devant la cour, les accusés multiplient les déclarations brouillonnes et contradictoires, remettent en cause les propos qu'ils ont tenus pendant l'enquête. 

"J'ai menti, mais pas pour cacher quelque chose, j'ai menti parce que j'avais peur", justifie Nezar Mickaël Pastor Alwatik. "J'ai fait l'idiot", se défend Mohamed-Amine Fares. "Moi et ma mémoire, c'est pas trop ça", fait valoir Saïd Makhlouf.

"Dans le volet armes, si on compte le nombre de versions des uns et des autres, c'est effarant", résume le président, lui-même parfois à la peine dans la conduite des interrogatoires.

Le cluster "Covid" 

Le procès, avec ses 11 accusés présents, ses 200 parties civiles et ses près de 100 avocats, n'aura pas échappé à l'épidémie de Covid-19, malgré les rappels sanitaires réitérés du président. 

Brièvement suspendue après une suspicion de contamination le 24 septembre, l'audience a été interrompue deux semaines après que trois des accusés incarcérés ont été testés positifs fin octobre. 

Juste avant cette suspension, l'avocat de parties civiles Antoine Comte lançait dans sa plaidoirie: "Nous formons un joli cluster"


Un influenceur franco-iranien jugé en juillet pour apologie du terrorisme

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
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  • La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels
  • Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient

BOBIGNY: Un influenceur franco-iranien sera jugé début juillet devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour apologie du terrorisme, ont indiqué jeudi à l'AFP le parquet et ses avocats.

Shahin Hazamy, 29 ans, s'est vu "délivrer une convocation à une audience du 3 juillet pour apologie du terrorisme par un moyen de communication en ligne en public", a déclaré le parquet, confirmant son arrestation mardi révélée par le magazine Le Point.

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient.

"En s'en prenant à un journaliste la justice envoie un très mauvais signal à la liberté de la presse. Notre client Shahin Hazamy a subi un traitement inadmissible, avec une perquisition devant ses enfants en bas âge alors que les faits reprochés ont bientôt deux ans", ont déclaré à l'AFP ses avocats Nabil Boudi et Antoine Pastor.

Ces poursuites font suite à l'arrestation fin février d'une autre Iranienne en France, Mahdieh Esfandiari, actuellement écrouée pour apologie du terrorisme dans le cadre d'une information judiciaire confiée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH).

Annonçant cette nouvelle arrestation en France d'un de ses ressortissants, la télévision d'Etat iranienne a fustigé mercredi une "violation flagrante de la liberté d'expression dans un pays qui prétend être une démocratie".


Macron appelle à intégrer Mayotte dans la Commission de l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
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  • "Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo
  • Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale

ANTANANARIVO: Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores.

"Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo.

La COI réunit les États insulaires (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles et La Réunion pour la France) dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale.

"L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité, dans la pluralité de ses dimensions maritime, alimentaire et pour la santé sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région", a insisté M. Macron.

Il a suggéré toutefois d'"avancer de manière pragmatique vers cet objectif", sans réclamer l'intégration pleine et entière immédiate de l'archipel.

"La France est le premier bailleur de la COI", a-t-il aussi souligné, en précisant que l'Agence française du développement (AFD) gérait un "portefeuille de 125 millions d'euros de projets" de l'organisation.

"La COI est un modèle de coopération (...) Aucune de nos îles ne peut relever seule le défi", a-t-il ajouté, évoquant un "océan Indien profondément bousculé" par les défis planétaires actuels.

"Ensemble, en conjuguant nos atouts (..) nous pouvons tracer une voie nouvelle singulière", a-t-il assuré.

L'Union des Comores s'oppose à l'intégration de Mayotte dans la COI car elle conteste la souveraineté de la France sur Mayotte, restée française lorsque l'archipel des Comores est devenu indépendant en 1975.

Mayotte, tout comme les îles Éparses, autre territoire français hérité de la colonisation et revendiqué par Madagascar, sont au cœur du canal du Mozambique, voie majeure de transport maritime qui renferme d'importantes réserves en hydrocarbures.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".