L’année 2020 sera très présente dans les livres d’histoire à venir et pour bien des raisons. Certes, la pandémie de Covid-19 nous a tous affectés, d’une manière ou d’une autre. Elle a amplifié des problèmes qui faisaient déjà surface dans nos vies. Au fur et à mesure que la pandémie se manifestait, nous nous sommes posé une question pressante : dans ce monde qui change, nos valeurs changent-elles aussi?
Rien qu’en neuf mois, nous avons été obligés de nous adapter à bien des problèmes : une récession économique sismique, des manifestations partout dans le monde pour réclamer l’égalité des droits et la justice, des températures plus extrêmes, une nouvelle réalité virtuelle du travail à domicile. Il nous a donc fallu reconsidérer en profondeur notre mode de vie, notre façon de faire et nos priorités. C’est ainsi que nos valeurs ont changé elles aussi.
Si l’année 2020 était un miroir, les pressions qu’il a supportées l’auraient ébréché, griffé et fissuré. Aujourd’hui, en nous regardant dans le miroir de 2020, c’est une réflexion transformée que nous voyons. Lorsque des choses aussi fondamentales que notre identité et nos capacités changent, il semble évident que nos valeurs reflètent elles aussi notre époque.
Cela dit, mettons les choses au clair : ce n’est pas la Covid-19 qui est responsable de cette mutation. Elle a plutôt révélé ce qui était latent par le passé. Elle n’est pas un événement sans précédent dans l’histoire des pandémies. En revanche, elle est unique dans la mesure où elle a marqué les prémices d’un nouveau monde où la technologie et les hommes sont plus que jamais alignés et interconnectés. Le véritable enjeu de la Covid-19 est qu’elle a refusé de disparaître. Même si ce virus sera bientôt maîtrisé lorsqu’un vaccin approuvé sera accessible à grande échelle, en refusant de «disparaître» il a dévoilé des modes de vie non durables auxquels nous étions bien trop habitués. Nos lacunes ont été mises en lumière – aussi bien au niveau de la communauté internationale qu’au niveau des individus qui dépendent désormais des nombreuses pièces interdépendantes d’un puzzle mondial.
Nous sommes convaincus que l’humanité peut progresser si elle parvient à exploiter son potentiel d'innovation, son ingéniosité et sa créativité afin de trouver des solutions à ses problèmes
Dimah Al-Sheikh
Nous avons été contraints de nous réexaminer, de réexaminer nos vies et nos méthodes à un niveau plus approfondi. Lorsque nous analyserons davantage les choses, nous parviendrons à voir au-delà de ce que nous pensons désirer. Nous serons capables de regarder sous leur surface et de comprendre, à un niveau plus élémentaire, les convictions, les hypothèses et les comportements qui teintent notre vie. Au fond de cette plongée introspective, nous percevons plus clairement nos valeurs sous-jacentes – collectives et individuelles.
Pendant la recherche effectuée par le groupe Valeurs 20 (V20) sur la «valeur de nos valeurs», nous avons remarqué que l’année 2020 a mis en évidence un conflit profond et non articulé entre deux valeurs qui, nous sommes tous d’accord, sont universellement souhaitables. Citons par exemple le conflit que les économistes appellent «le compromis» – le conflit entre les vies et les moyens de survie. Personne ne prétend que la prospérité économique et la santé publique sont des valeurs indésirables, selon tous les critères. Or, 2020 a placé ces deux éléments sur des trajectoires opposées. Il n’est pas certain que l’économie et la santé arriveront à s’en sortir, puisque nous ne pouvons pas obtenir l’une sans nuire à l’autre.
Pourtant, nous ne pouvons pas admettre cette opposition. Voilà la motivation principale de la création du groupe «Valeurs 20». Nous croyons au potentiel de l’humanité. Nous sommes convaincus que l’être humain peut progresser s’il parvient à exploiter sa capacité d’innovation, son ingéniosité et sa créativité afin de trouver des solutions à ses problèmes ; des solutions qui ne privilégient pas le résultat d’une valeur au détriment d’une autre.
Comment y parvenir? Nous sommes appelés à mieux comprendre pourquoi ces valeurs, et bien d’autres, sont aujourd’hui conflictuelles, pourquoi elles existaient en premier lieu, quelle d’importance nous devrons leur accorder à l’avenir et comment nous pouvons résoudre les conflits au sein des systèmes dont dépendent désormais notre croissance et notre productivité.
Peut-on prétendre que nous n’allons pas rechercher la prospérité économique au détriment de tout le reste, y compris les valeurs davantage centrées sur l’homme, quand nous aurons la possibilité de relancer la production, la fabrication et l’exportation de biens? Ou devrions-nous plutôt nous concentrer sur le capital humain, qui est au centre de la croissance économique mondiale ? Quels résultats en termes de valeur sont essentiels pour que cela devienne une réalité?
Ce sont là quelques-unes des questions abordées par le groupe d’engagement non officiel «Valeurs 20», qui débat, étudie et formule des recommandations politiques qui, nous l’espérons, seront transmises aux dirigeants du G20.
Ce groupe entend intégrer un nouveau type de réflexion dans le processus d’élaboration des politiques pour les années à venir, afin de promouvoir et d’élever un sentiment d’humanité commun qui, en temps de crise, nous unit. Une telle approche est plus importante que jamais.
Dimah al-Sheikh est la présidente du nouveau groupe «Valeurs 20» (V20).
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com