PARIS: Face à un marché du travail marqué par des tensions de recrutement avec des pénuries dans certains secteurs, les cabinets spécialisés se démènent pour faire la "chasse" aux candidats.
Au 3e trimestre, "un tiers des cadres" avaient été contactés directement par un cabinet de recrutement au cours des trois derniers mois, en hausse de 5 points par rapport au même trimestre de 2021, selon une récente étude de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec).
"On voit bien là que compte tenu des difficultés de recrutement (...) les entreprises choisissent de plus en plus une approche proactive, une approche directe pour entrer en contact avec les candidats", a relevé la directrice générale adjointe de l'Apec Lætitia Niaudeau en présentant ces résultats.
Avocats d'affaire, cadres dans la finance, les assurances ou encore l'informatique, des salariés rapportent être "souvent" sollicités, parfois jusqu'à deux ou trois fois par semaine.
"Sur beaucoup de métiers il y a beaucoup de tensions, on manque de candidats (…) donc on a développé encore plus d'approches de chasse" pour contacter "un maximum de candidats", confirme Isabelle Bastide, présidente de Michael Page, l'un des gros acteurs du marché.
Régulièrement contactée, Bérénice Plaine, consultante culinaire dans l'agroalimentaire, âgée de 42 ans, a la sensation d'"une reprise", comme "en sortie du premier confinement, où il y a eu un pic". "Chassée" pour son poste actuel, elle explique exercer un métier "un peu mouton à cinq pattes", dans un secteur en pénurie.
« Pêche à l'explosif »
Pour les cadres "moyens", les cabinets préfèrent parler d'"approche" ou de "recrutement", réservant le terme de "chasse" - un travail plus ciblé avec des "scénarios d'approche" - aux cadres exécutifs.
Dans les deux cas, "on est dans une activité excessivement soutenue", dit Fabrice Coudray, directeur de l'activité chasse de tête de Robert Half.
Lorsqu'il reçoit un "mandat de chasse d'un client", il va y avoir "peut-être 200 contacts pour 20 rencontres et 4 présentées au client", dit-il.
La rémunération du chasseur de tête se fait au moment du recrutement, avec parfois un acompte. C’est un pourcentage du salaire annuel du candidat versé par l'employeur.
Chez Hays, il est de "22% en dessous de 53.000 euros, 27% au dessus", indique Oualid Hathroubi, directeur de Hays Paris. Ce n'est "pas tant que cela", sachant qu'un mauvais recrutement coûte entre 50 et 60.000 euros par an à l'entreprise, relève-t-il.
Le réseau professionnel LinkedIn est un des terrains de chasse privilégiés.
Des cadres évoquent des approches souvent "assez hasardeuses" et mal ciblées. A coup de "hello Joséphine", certains messages consultés par l'AFP n'hésitent pas à user du tutoiement ou se dire en quête d'une "mentalité de hunter"...
"C'est un peu la sensation, on tente notre chance, sur un malentendu ça peut marcher", dit Bérénice Plaine.
David, frontalier de 48 ans qui travaille en Suisse dans la R&D en pharma/chimie, pointe des cabinets qui font "de la pêche à l'explosif", ratissant "très très large".
Ils "tapent systématiquement à côté", constate aussi Wolfgang Theurer, 45 ans dans l'aéronautique, "chassé" alors qu'il ne cherche pas un nouveau poste, évoquant des "discussions un peu lunaires".
Des défauts de "stratégie d'approche", qui sont perdants avec des mails supprimés tout de suite, selon Mme Bastide.
Pour certains, le procédé est tout de même efficace. D'abord convaincu qu'il y avait "anguille sous roche", Robin Maujean, 26 ans, dans les services de paie, a par exemple gagné un CDI dans le même secteur mais avec 400 euros net de plus. "Ca marche", dit aussi Rheda Kadri, 30 ans dans les assurances, qui démarrera son nouveau poste en janvier.
Alors que la part des cadres ayant réellement l'intention de changer d'entreprise dans les 3 mois n'est que de 13%, la "chasse" peut aussi servir de levier de négociation en interne. Comme pour cette cadre dans la finance qui fait valoir: "je suis chassée pour ce type de poste avec ce type de rémunération".