MOSCOU: La championne américaine de basket Brittney Griner a été transférée dans une colonie pénitentiaire du centre de la Russie pour purger une lourde peine de prison, malgré les protestations de Washington qui dénonce une condamnation politique.
La star de 32 ans, reconnue comme l'une des meilleures joueuses du monde, a été condamnée en août à neuf ans de prison pour "trafic de drogues", une affaire à forte dimension géopolitique qui mêle tractations autour d'un échange de prisonniers entre Moscou et Washington et tensions liées au conflit en Ukraine.
Après le rejet le mois dernier de son appel, Brittney Griner avait quitté début novembre son centre de détention provisoire pour être envoyée dans une colonie pénitentiaire, où les conditions sont plus dures, mais le lieu exact n'avait pas été dévoilé.
"Brittney a commencé à purger sa peine à (la colonie pénitentiaire) IK-2 en Mordovie", une région du centre de la Russie réputée pour ses prisons et son climat rigoureux, ont finalement annoncé jeudi ses avocats russes, Maria Blagovolina et Alexandre Boïkov.
Indiquant dans un communiqué qu'ils avaient pu rendre visite à leur cliente plus tôt cette semaine, les avocats ont affirmé que celle-ci "se porte aussi bien que possible et essaie de rester forte et de s'adapter à son nouvel environnement".
La joueuse traverse une "période très difficile", ont-ils toutefois souligné.
Conditions rudes
La colonie pénitentiaire IK-2, abréviation en russe de "colonie correctionnelle numéro 2", est située dans la ville de Iavas en Mordovie, à plus de 400 km à l'est de Moscou, et compte plus de 800 prisonniers.
Les colonies pénitentiaires russes sont réputées pour les mauvais traitements infligés à leurs détenus, qui sont entassés dans des baraquements insalubres et souvent sans accès à des soins adéquats.
Les ONG de défense des droits humains dénoncent régulièrement les abus et actes de torture massivement commis dans les colonies pénitentiaires russes, héritées du système concentrationnaire soviétique.
Ces abus sont surtout commis dans les prisons pour hommes. Reste que pour Griner, qui était auparavant enfermée dans un centre de détention provisoire, il s'agit d'une nette dégradation de ses conditions d'emprisonnement.
C'est aussi en Mordovie, dans la colonie pénitentiaire IK-17, qu'un ex-militaire américain, Paul Whelan, est détenu pour "espionnage".
La famille de M. Whelan dénonce régulièrement ses conditions de détention, affirmant qu'il est délibérément privé de sommeil et ne peut pas recevoir les soins médicaux dont il a besoin.
Echange de prisonniers
Le cauchemar de Brittney Griner a débuté lors de son arrestation en février, peu avant l'offensive de Moscou en Ukraine, dans un aéroport de Moscou, où la joueuse venait d'atterrir pour jouer avec une équipe russe pendant l'intersaison américaine, une pratique courante pour les basketteuses de la Ligue féminine nord-américaine de basket (WNBA), qui gagnent souvent mieux leur vie à l'étranger qu'aux Etats-Unis.
Les policiers découvrent dans ses bagages une vapoteuse et deux cartouches contenant une petite quantité de liquide à base d'huile de cannabis, ce qui lui vaut des accusations de "trafic de drogues".
Lors de son procès, la joueuse a admis avoir violé la loi russe, tout en affirmant qu'elle avait emporté la vapoteuse et les cartouches par erreur. L'huile de cannabis est consommée par certains athlètes de haut niveau pour soulager des douleurs chroniques.
Les soutiens de Griner dénoncent une condamnation à une peine excessive et à caractère politique, en vue d'un possible échange de prisonniers entre Moscou et Washington.
Selon des sources diplomatiques russes, un possible échange de prisonniers pourrait concerner Brittney Griner et un trafiquant d'armes russe détenu aux Etats-Unis, Viktor Bout, qui purge une peine de 25 ans de prison aux Etats-Unis.
En attendant, la Maison Blanche a estimé la semaine dernière que "chaque minute que Brittney Griner doit subir une détention injustifiée en Russie est une minute de trop".