VIENNE: L'Iran a fait l'objet mercredi d'un nouveau rappel à l'ordre pour son manque de coopération dans le dossier nucléaire, sur fond d'impasse des pourparlers pour relancer l'accord de 2015 visant à l'empêcher de se doter de la bombe atomique.
Le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a adopté une résolution critique à l'égard de Téhéran avec 26 voix sur 35, selon plusieurs diplomates interrogés par l'AFP.
Seules la Russie et la Chine ont voté contre, tandis que cinq pays se sont abstenus. Deux étaient absents.
C'est la deuxième résolution cette année, après celle de juin. Le motif de discorde est le même: l'absence de réponses "techniquement crédibles" concernant des traces d'uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés.
Faute d'avancées ces derniers mois, les Etats-Unis et l'E3 (Royaume-Uni, France et Allemagne) ont décidé d'accentuer la pression.
Selon le texte consulté par l'AFP, le Conseil "exprime sa profonde inquiétude" face à ce problème qui reste non résolu "du fait d'une coopération insuffisante de l'Iran".
Il "juge essentiel et urgent" que Téhéran fournisse sans délai "des explications" sur la présence des particules d'uranium, ainsi que "l'accès aux sites et au matériel", pour "permettre la collecte d'échantillons".
«Action contre-productive»
D'une portée symbolique à ce stade, la résolution peut être le prélude à une transmission du contentieux au Conseil de sécurité de l'ONU, habilité à prendre des sanctions.
Une option évoquée pendant la réunion par l'ambassadrice américaine Laura S.H. Holgate. "L'Iran doit savoir que s'il échoue à coopérer pour résoudre ces questions, le Conseil devra prendre d'autres actions", a-t-elle dit.
Téhéran a aussitôt dénoncé la résolution, estimant qu'elle "n'aura aucun résultat" et pourrait "affecter la coopération" du pays avec l'AIEA.
"Nous attendons de l'Agence qu'elle adopte une approche indépendante, impartiale et professionnelle, sans se laisser influencée par les objectifs politiques de certains pays", a réagi Mohsen Naziri-Asl, représentant permanent de l'Iran auprès de l'instance onusienne, cité par l'agence officielle Irna.
La Russie, par la voix de son ambassadeur Mikhaïl Oulianov, s'est félicitée sur Twitter d'un soutien moindre que pour la précédente résolution "qui avait recueilli 30 votes". Moscou avait fustigé auparavant "une action contre-productive" qui, si elle aboutit, "aura des conséquences irréversibles".
La République islamique va-t-elle riposter? En juin, elle avait débranché 27 caméras de surveillance de ses activités nucléaires, et continue à développer son programme nucléaire tout en niant vouloir se doter de la bombe atomique.
Echanges quasi-inexistants
Devant le Conseil, les pays de l'E3 ont évoqué une "situation très dangereuse", qui "soulève de sérieux doutes sur la nature du programme nucléaire iranien".
"Aujourd'hui, l'Iran est en mesure de produire la matière fissile nécessaire à une arme nucléaire plus rapidement qu'à aucun autre point de son histoire", explique à l'AFP Henry Rome, chercheur du Washington Institute for Near East Policy.
Selon un récent rapport de l'association américaine Arms Control, il lui faudrait "moins d'une semaine", sachant que d'autres étapes sur un ou deux ans sont ensuite nécessaires pour se doter de la bombe.
La République islamique a toujours nié avoir de telles intentions.
Parallèlement aux infructueuses discussions avec l'AIEA, les négociations entre les grandes puissances et Téhéran pour redonner une vie à l'accord de 2015 limitant le programme nucléaire iranien sont au point mort.
A la suite du retrait des Etats-Unis de l'accord en 2018 et du rétablissement des sanctions américaines qui étouffent son économie, l'Iran s'est progressivement affranchi des restrictions qu'il avait acceptées.
L'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche a permis de relancer le processus, et les espoirs d'un accord avaient été ravivés en août.
Mais depuis, les échanges sont quasi inexistants.
Et les Etats-Unis ont désormais les yeux rivés sur "ce qui se passe en Iran: le mouvement populaire, la répression brutale du régime, les ventes de drones armés à la Russie - une ingérence extraordinairement grave" et la question de "la libération de nos otages", soulignait lundi l'émissaire américain Robert Malley, lors d'une rencontre avec des journalistes à Paris.