ADDIS ABEBA: Un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) est entré mercredi dans la région éthiopienne du Tigré, le premier depuis la signature début novembre d'un accord destiné à mettre fin à deux ans de conflit dans le nord de l'Ethiopie.
Il s'agit aussi du premier convoi du PAM entrant au Tigré depuis l'interruption fin août de l'acheminement de l'aide humanitaire en raison de la reprise des combats après cinq mois de trêve.
Mi-octobre, le PAM estimait que 5,4 millions de personnes avaient besoin d'aide alimentaire au Tigré, soit environ 90% de ses quelque six millions d'habitants.
Selon l'agence onusienne, le convoi de mercredi est passé par la région voisine de l'Amhara. Cet itinéraire n'était plus utilisé depuis une offensive rebelle hors du Tigré en juin 2021.
Les forces et milices de l'Amhara, qui ont épaulé l'armée fédérale éthiopienne contre les rebelles tigréens refusaient jusqu'alors le passage par leur région de l'aide à destination du Tigré, selon des sources humanitaires.
"Un convoi du PAM vient d'entrer (...) au Tigré par le couloir de Gondar (ville amhara située à 180 km du Tigré, Ndlr), pour la première fois depuis juin 2021", se félicite l'organisation onusienne.
Des camions du Programme alimentaire mondial "arrivent maintenant au Tigré avec une aide alimentaire essentielle - c'est le premier mouvement depuis la signature de l'accord de paix", a écrit dans un tweet David Beasley, chef du PAM.
Ce convoi est composé de 15 camions, a précisé à l'AFP Claire Nevill, une porte-parole du PAM.
"De l'aide alimentaire vitale va désormais être distribuée dans les prochains jours à la population de la localité de Mai Tsebri", située à une trentaine de kilomètres à l'intérieur du Tigré, poursuit le PAM, et "de la nourriture et du fret médical supplémentaire va suivre de façon imminente, via tous les itinéraires possibles".
Les chefs militaires des deux camps ont paraphé samedi un document de mise en oeuvre de cet accord, notamment concernant le désarmement des rebelles, le rétablissement des services et la livraison "sans entrave" d'aide humanitaire au Tigré.
Sanctions
Un haut responsable du département d'Etat américain a déclaré mardi à des journalistes que les États-Unis n'hésiteraient pas à recourir à des sanctions "si cela s'avérait nécessaire pour faire rendre des comptes à des personnes responsables de violations des droits de l'Homme ou pour tenter de faire respecter cet accord".
Le même jour, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait fait parvenir à Mekele, la capitale du Tigré, son premier convoi, chargé d'aide médicale, depuis fin août.
"Le CICR espère continuer ces livraisons de manière régulière et augmenter significativement la réponse humanitaire au Tigré", avait indiqué l'organisation.
Avant que l'acheminement de l'aide - déjà largement insuffisante - soit interrompue par la reprise des combats, un seul itinéraire, passant par la région de l'Afar, frontalière de l'est du Tigré, était ouvert aux convois humanitaires.
Le conflit au Tigré a commencé en novembre 2020 quand le Premier ministre éthiopien Abyi Ahmed y a envoyé l'armée fédérale arrêter les dirigeants de la région, qui contestaient son autorité depuis des mois et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires fédérales sur place.
Le bilan de deux ans de guerre dans le nord de l'Ethiopie est inconnu. Mais celle-ci a provoqué une catastrophe humanitaire, déplaçant plus de deux millions de personnes et plongeant plusieurs centaines de milliers d'Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.
En octobre, la responsable de l'Agence américaine pour l'aide humanitaire (USAID), Samantha Power, avait évoqué un bilan "sidérant" et l'International Crisis Group (ICG) et Amnesty International estiment qu'il s'agit d'un des conflits "les plus meurtriers au monde".
Le Tigré est quasiment coupé du monde depuis plus d'un an et manque cruellement de nourriture et de médicaments. La région est également privée d'électricité, de télécommunications, de services bancaires et de carburant.
Le gouvernement éthiopien a été à plusieurs reprises accusé d'assiéger et d'affamer la région, ce qu'il a toujours vertement démenti.