NUSA DUA; Les présidents américain Joe Biden et chinois Xi Jinping ont cherché à calmer le jeu lors d'une rare rencontre lundi en Indonésie, mais les deux superpuissances restent sur une trajectoire de collision tant les tensions sont fortes entre elles, selon des experts.
À l'issue de trois heures de discussions dans le cadre pittoresque de l'île de Bali, Joe Biden a affirmé qu'une nouvelle Guerre froide n'était pas nécessaire, tandis que le dirigeant chinois assurait que Pékin n'avait pas l'intention de "changer l'ordre international existant".
Et la Maison Blanche a indiqué que le secrétaire d'État américain Antony Blinken se rendrait en Chine en début d'année prochaine, ce qui serait sa première visite en plus de quatre ans.
Le président américain "a envoyé un message rassurant et le compte rendu chinois (de la rencontre) était très positif, presque rayonnant. Cela montre, en soi, l'intérêt des deux parties à l'amélioration de leurs relations", estime Yun Sun, directrice du programme Chine au Stimson Center, à Washington.
Mais au-delà de cet espoir partagé d'éviter une confrontation directe, l'experte souligne que les deux pays ont des visions divergentes sur ce que signifie une relation stable, surtout dès lors qu'il s'agit de Taïwan, et qu'il faudra attendre des "mesures concrètes" pour juger d'une éventuelle amélioration de leurs relations.
Un autre expert, Rui Zhong, du Wilson Center, se montre lui plus sceptique, décrivant le rendez-vous de Bali comme un sommet "de maintenance" et disant ne pas compter sur de "réelles avancées" lors de la visite de M. Blinken en Chine.
Pour leur première rencontre en personne depuis 2019, les deux présidents ont tout fait pour afficher un ton plus conciliant.
Ils se trouvent à Bali pour un sommet des pays du G20 mardi et mercredi.
Le dirigeant chinois "n'avait aucun intérêt à se montrer excessivement froid, inflexible ou trop belliciste face à Biden, du moins devant lui", relève Rui Zhong.
Pour Joe Biden, la priorité diplomatique immédiate était de continuer à isoler la Russie pour sa guerre en Ukraine, alors que Pékin a toujours refusé de condamner le conflit.
La Maison Blanche a indiqué que MM. Biden et Xi s'étaient mis d'accord "sur le fait qu'une guerre nucléaire ne devrait jamais être menée et ne peut jamais être gagnée", même si la mention du nucléaire ne figure pas dans le communiqué chinois.
Profonde méfiance
Au-delà du message envoyé lundi, les deux pays se méfient profondément l'un de l'autre.
Dans un document sur la stratégie nationale des Etats-Unis publié le mois dernier, l'administration Biden indiquait que la Chine "est le seul rival qui ait à la fois la volonté de changer l'ordre international et, de plus en plus, les moyens économiques, diplomatiques, militaires et technologiques de poursuivre cet objectif".
À Washington, on considère ainsi que la Chine sous Xi Jinping, fort d'un troisième mandat, se positionne de plus en plus ouvertement pour affirmer la puissance chinoise dans le monde et cherche à déloger les Etats-Unis.
Rush Doshi, le conseiller Chine de Joe Biden ayant pris part aux discussions à Bali, écrivait déjà dans un livre en 2019 que la stratégie chinoise consiste "à contrer et tenter de mobiliser à travers le monde pour déloger les Etats-Unis de sa place de leader".
Mais le gros point de friction reste Taïwan, l'île gouvernée séparément du continent depuis 1949 mais revendiquée par le régime communiste.
L'opposition républicaine à Joe Biden n'a pas tardé à dénoncer la rencontre, le sénateur Tom Cotton par exemple dénonçant ce "retour à une politique d'apaisement naïve qui nuira aux États-Unis, mettra Taïwan en danger et encouragera Xi Jinping".
Joe Biden a certes affirmé avoir obtenu des assurances de la part de Xi Jinping sur le fait qu'une invasion n'est pas "imminente". Mais Pékin a répété lundi que Taïwan est "la première ligne rouge à ne pas franchir dans les relations sino-américaines".
Les tensions entre Taïwan et la Chine ont atteint leur paroxysme en août, lorsque Pékin a organisé des manoeuvres militaires inédites pour protester contre un déplacement sur l'île de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi.
Le chef républicain Kevin McCarthy, qui pourrait accéder au perchoir de la chambre basse à l'issue du décompte final des voix des élections de mi-mandat du 8 novembre, a clairement affiché son intention de s'y rendre aussi.
Xi Jinping "pourrait avoir un peu de marge pour ne pas réagir de manière excessive" à une telle visite, selon Yun Sun. "Encore que, je doute que les Chinois puissent se permettre de ne pas réagir durement".