ERBIL: L'Iran a lancé une nouvelle série de frappes de missiles et de drones lundi contre des groupes d'opposition kurdes iraniens basés au Kurdistan d'Irak voisin, tuant au moins une personne et en blessant huit, selon des responsables locaux.
Le pouvoir iranien accuse ces groupes, de longue date dans sa ligne de mire, d'attiser les troubles en Iran, confronté à des manifestations depuis la mort en détention le 16 septembre de la jeune kurde iranienne Mahsa Amini, arrêtée trois jours plus tôt par la police des mœurs à Téhéran.
L'Iran a confirmé des frappes contre des "groupes terroristes" basés dans la région autonome du Kurdistan d'Irak (nord), limitrophe du territoire iranien.
"Cinq missiles iraniens ont visé un bâtiment du Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI)", a indiqué Tariq al-Haidari, maire de Koysanjaq, une ville située à l'est d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien.
"Il y a un mort et huit blessés. Il s'agit de Kurdes iraniens", a détaillé le ministère de la Santé de la région autonome.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré des panaches de fumée noire s'élever dans le ciel, après les frappes.
Au même moment, "quatre frappes de drones" ont visé des bases du Parti communiste iranien et du groupe nationaliste kurde iranien Komala dans la région de Zrgoiz, a expliqué Atta Seqzi, un chef de Komala, joint par l'AFP.
D'après lui, les militants ont été "prévenus de l'imminence des frappes" et ont évacué les installations. "Il n'y a ni mort, ni blessé".
En fin de journée, le ministère irakien des Affaires étrangères a "condamné avec la plus grande fermeté" ces frappes, qui "empiètent sur la souveraineté irakienne", assurant qu'il prendrait " des mesures diplomatiques de haut niveau", sans toutefois les détailler.
«Pas silencieux»
En Iran, une source militaire iranienne a confirmé des attaques avec "des missiles et des drones" contre "des sièges des partis terroristes" en Irak.
Les personnes visées étaient des "terroristes ayant activement participé aux émeutes des deux derniers mois, notamment en provoquant des incendies contre des banques et des bâtiments administratifs dans plusieurs localités" du Kurdistan iranien, a affirmé le général Mohammad-Taghi Osanlou, commandant d'une base des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran, à la télévision publique.
Les autorités iraniennes qualifient d'"émeutes" les manifestations contre la mort de Mahsa Amini.
L'Iran a accentué ses attaques contre ces groupes d'opposition kurdes iraniens depuis le début des protestations.
Fin septembre, au moins 14 personnes ont été tuées et 58 blessées, "en majorité des civils", dans des bombardements iraniens, selon les forces antiterroristes du Kurdistan d'Irak.
L'Iran, a indiqué lundi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Téhéran, ne restera "pas silencieux face aux menaces des groupes terroristes séparatistes" au Kurdistan d'Irak.
«Violation de la souveraineté»
La mission de l'ONU en Irak a, elle, "condamné ces nouvelles attaques de drones et missiles au Kurdistan qui violent la souveraineté de l'Irak".
Même réprobation de la part des Etats-Unis, qui ont appelé l'Iran à "cesser ces attaques et à s'abstenir de toute nouvelle menace contre l'intégrité territoriale de l'Irak", par la voix du porte-parole du département d'Etat, Ned Price.
Le Kurdistan d'Irak, dont les autorités entretiennent des relations très tendues avec le gouvernement central de Bagdad, est aussi régulièrement le théâtre de bombardements turcs.
Dans les zones frontalières de la Turquie, Ankara vise les bases arrière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe armé kurde turc que la Turquie et ses alliés occidentaux considèrent comme "terroriste".
Les autorités à Bagdad sont vent debout contre ces campagnes menées par les voisins turcs et iraniens sur leur sol. Mais aucune mesure de rétorsion irakienne n'est généralement prise.
Par ailleurs, Téhéran a été visé lundi par de nouvelles sanctions occidentales pour sa répression des manifestations engendrées par la mort de Mahsa Amini.
Le Royaume-Uni a ainsi sanctionné une vingtaine "de dirigeants iraniens responsables de violations odieuses des droits de l'homme".
Ces mesures ont été prises de manière coordonnée avec l'Union européenne, qui a également approuvé un nouveau train de sanctions, visant notamment le ministre de l'Intérieur Ahmad Vahidi et la chaîne publique Press TV, accusée d'avoir diffusé "les aveux forcés" de détenus.
À Genève, une session d'urgence du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU doit se tenir le 24 novembre sur la situation en Iran, lors de laquelle sera proposée l'ouverture d'une enquête internationale sur la répression qui a fait plus de 326 morts, selon l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo.